1957 : Jean Ollivier et Roger
Lécureux, piliers du journal Vaillant
Vaillant, hebdomadaire soutenu par le parti communiste,
affiche un tirage très honorable (plus de 210 000 exemplaires en 1957) et
bénéficie de séries prestigieuses, la plupart étant réalisées par des auteurs
français. Ce qui surprend pour un journal qui s’adresse aux classes populaires,
c’est de constater qu’un exemplaire du journal coûte 50 francs (le double du
prix de Bayard) mais le journal est
passé de 16 à 32 pages. Il n’est pas étonnant qu’il y ait plus de 40 %
d’invendus malgré le dévouement des jeunes diffuseurs (54 % à Paris, 44 % en
province, réutilisés pour des recueils de 13 numéros chacun ou revendus à la
poignée, par exemple, pendant le Tour de France).
Vaillant qui
se revendique comme « le journal le plus captivant » (ou, sur la
couverture de ses reliures, « le plus bel illustré de la jeunesse »,
conserve pour plusieurs années encore son grand format 28 sur 38 cm. (Est-ce ce
grand format qui a retardé la publication d’albums ou la volonté de se
distinguer de la presse dite « commerciale » ?)
Pour nous attarder sur deux chevilles
ouvrières du journal, passons rapidement sur les autres bandes dessinées
présentes en 1957, malgré le vif intérêt qu’elles suscitent. Le western Sam Billie Bill est dû à Lucien Nortier
(1922-194) qui dessine en 1957 deux épisodes : Les Loups de Black-River et Les Trafiquants
du Saskatchewan. Des adeptes passionnés de comique dévorent toujours Placid
et Muzo, l’ours et le renard
conçus par José Cabrero Arnal (qui signe Claude Arnal) et Pierre Ollivier et
dessinés dès 1946, Pif
le Chien, créé par
le même Arnal et repris par Roger Mas, Arthur le Fantôme
justicier de Jean Cézard et
La Pension Radicelle d’Eugène Gire, cocasse et délirante, bien
mise en valeur par les pages grand format. N’oublions pas le pilote de chasse Bob Mallard de Bourdens et Yves Roy (Francis Hidalgo) et la bande
sportive Rouge et Or de Raymond
Poïvet. La place manque pour évoquer Rouc
et Rou de Chéry, Gil Bagout de
Godard, Le Roman de Renart illustré
par Jean Trubert, tous les textes (en particulier sur les sportifs, boxeurs,
coureurs cyclistes et champions divers) et les nouvelles …
Peut-être pour
concurrencer Le Marsupilami de Franquin, Monzon a créé les étranges Group-Group et Cha’Pa que l’on retrouve
dans Le Mystérieux professeur Z.O.
La bande
dessinée de Jean Tabary Rififi, détective privé (L’Évadé) doit être
interrompue avant son dénouement et remplacée par Richard et Charlie,
détective à cause des réactions scandalisées de certains parents. Le plus amusant, c’est que ces réactions
apparaissent dans la dernière page de la
bande début août 1957. Le rédacteur déclare : « Je vous ai demandé des aventures fraîches ! saines !
gaies ! et non des coups de révolver à tout bout de champ ! Trop
bagarreur ce Rififi ! Trop méchant ce bulldozer. Ce ne sont pas des
histoires pour enfants ! »
Jean OLLIVIER
Si les scénaristes et
dessinateurs talentueux sont fort nombreux, deux noms s’imposent davantage que
les autres par leur omniprésence et leur créativité. Il s’agit du scénariste et
écrivain Jean Ollivier, en 1957, encore rédacteur en chef du journal et du
scénariste Roger Lécureux qui prend en 1958 la succession d’Ollivier au poste
de rédacteur en chef.
Jean Ollivier (1925-2005) qui
publie cette année-là les romans Colin
Lantier (La Farandole, un extrait de ce roman moyenâgeux remarquablement bien écrit figure
dans le n° 624 du 24/4/57) et Le Mercure
d’or (Dauphine, G.P.) est le scénariste des bandes Yves le Loup (La Cité de feu,
La Tour des cent vaillances) pour deux épisodes dessinés par René Bastard
(1900-1975), Davy Crockett (La Flèche vermeille, Un coup d’audace,
Mississipi, La Vallée de la peur), quatre épisodes mis en images par
Eduardo Teixeira Coelho (1919-2005), alias Martin Sièvre quand il dessine la
saga de Ragnar le Viking (La Saga du trésor) pour le même Jean
Ollivier.
Ce grand scénariste omniprésent a écrit le dernier épisode de la
série P’tit Joc d’André Joy (alias
Gaudelette) qui décide d’abandonner le journal. (Écoeuré et révolté à la suite de l’invasion de la Hongrie par les
troupes soviétiques en 1956, il va courageusement quitter seul la publication
et une période d’incertitude professionnelle commence pour lui). Dans sa
dernière aventure, il donne à Jim, complice de malfaiteurs, les traits de James
Dean, icône mythique encore très forte.
A la fin de l’année 1957,
Ollivier commence à paraître le nouveau scénario de Wango, une nouvelle bande dessinée de Coelho. (Nous nous abstenons
de citer tous les personnages futurs, et ils sont nombreux, de Loup noir au Docteur Justice, créés par le même scénariste pour Vaillant ou pour Pif)
C’est aussi Jean Ollivier
qui livre des textes et des nouvelles sous les pseudonymes de Gilles Maugis,
Pierre Lectoure, Bernard Amyot…
Roger
LÉCUREUX (ou LECUREUX)
Roger Lécureux n’est pas un
scénariste moins prolifique et indispensable. C’est lui qui scénarise la
« grande série d’anticipation » (à l’époque, il vaut mieux éviter
l’expression « science-fiction » !), Les Pionniers de l’espérance
dessinée par Raymond Poïvet depuis
1945. C’est déjà depuis 1946 qu’il écrit les textes de
« l’insaisissable » Nasdine
Hodja, d’abord dessiné par René Bastard puis par Pierre Leguen dans les
deux épisodes La Cité des lépreux et La Cité engloutie publiés en 1957. L’homme
de la brousse Lynx imaginé par
Lecureux dès 1947 a eu plusieurs dessinateurs. En 1957, c’est, après Paul
Gillon, Claude-Henri Juillard qui l’anime dans Lynx et les hommes-lions et Le
Lion de neige.
(Ici encore, nous devons
nous abstenir de parles des futurs héros créés par Lecureux, de Fils de Chine à Rahan, déjà créé en 1958 sans succès pour Ima l’ami des jeunes, en passant par Teddy Ted ou Capitaine Apache…).
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