Je bouquine : Trente ans, tous les talents (1)
Il y a dix ans, nous
avions signalé le 20e
anniversaire de la remarquable revue de lecture juvénile, Je bouquine, qui
méritait bien un coup de chapeau,
publié dans la revue Nous voulons lire
n° 154, de mars 2004, sous le titre
« La revue « Je bouquine »
fête ses vingt ans » (un résumé est paru sur le site de Citrouille). C’est avec le même plaisir
que nous saluons aujourd’hui les trente ans de cette revue illustrée pour les
jeunes de 10 à 15 ans publiée par Bayard Presse.
Encouragée par le succès du bimensuel Okapi (1971) et du mensuel J’aime lire (1978), Je bouquine, née en mars 1984, publie de courts romans
inédits, écrits par les meilleurs auteurs contemporains et illustrés par les
grands artistes actuels de la bande dessinée ou de l'illustration. Ni les
chefs-d’œuvre classiques, ni les parutions les plus récentes, ne sont oubliés.
Ajoutons une part non négligeable pour toutes les rubriques de l’actualité
cinématographique, musicale, sportive ou littéraire qui intéressent les pré-adolescents.
Sa réussite est
remarquable dans une période difficile pour la presse des jeunes. Avec un
tirage initial proche de 70 000 exemplaires (ce tirage se situerait plutôt
autour de 40 000 exemplaires aujourd’hui), la revue se porte bien même si elle difficile à trouver en kiosque.
La revue Je bouquine gardera toujours
son cocktail séduisant. Après des pages variées d’actualités, le roman inédit
illustré occupe le plus large espace : -une soixantaine de pages, moins plus tard
quand on ajoute, une histoire courte ou un feuilleton-. Puis, c'est le dossier
littéraire consacré à un auteur classique, d’Homère à Le Clézio, de Swift ou
Dickens à Bradbury, de Vallès ou Jules Verne à Fred Uhlman, agrémenté d'un
chapitre de roman adapté en B.D… Reportages ou histoires vécues, B.D.
humoristiques et courrier des lecteurs dialoguant la rédaction et avec l'auteur
du récit original complètent ce magazine varié, aidant l'adolescent dans ses
choix, privilégiant les droits de l'imagination et la littérature. De quoi
satisfaire et réconcilier modernes et classiques. Notons l’infinie richesse de
cette bibliothèque idéale pour la jeunesse, constituée mois après mois. On
remarque la présence de grands romanciers connus des adultes. Les trois Patrick :
Grainville, Modiano et Süskind, les deux derniers illustrés par Sempé, sont
rejoints par Michel Tournier (célébrant les dix ans de la revue avec La Couleuvrine ), Bertrand Visage et Tonino Benacquista. De grands
auteurs populaires, tels Bernard Clavel, Pierre Pelot, voisinent avec Alain
Gerber, Claude Pujade-Renaud, Claude Michelet ou Gilles Perrault… Les
préadolescents retiennent plutôt les noms connus dans les écoles et les
collèges. Ceux de Robert Boudet,
Evelyne Brisou-Pellen, Jean Coué,
Christian Grenier, Marie-Aude Murail, Jean-Côme
Noguès, Jean-Paul Nozière, ou Daniel Pennac... Apparaissent les
signatures féminines de Malika Ferdjoukh, Laurence Gillot, Jacqueline Mirande, Brigitte Peskine, Anne-Marie Pol, Nicole Schneegans puis Alice de
Poncheville, Oriane Charpentier. Dans la deuxième décennie, les lecteurs et
lectrices mémorisent d’autant mieux les noms de H. Ben Kemoun, Géva Caban, Patrick Delperdange, Marie Farré, Anna Gavalda, Gudule, Paula Jacques, Gérard Moncomble,
Mikaël Ollivier, Gisèle Pineau, M.-S. Roger ou Brigitte Smadja…, qu’ils sont lus en collections de poche, ou
connus des adultes prescripteurs. C’est dans la revue que les ados ont
lu les aventures de Kamo de Daniel Pennac, illustrées par J.-L. Floch,
de 1985 à 1992. L’auteur
incontournable, c’est Marie-Aude Murail, contant les aventures du collégien Serge
T. avant 4 autres romans, percevant réalités actuelles et préoccupations
des jeunes du XXIe
siècle. En 1995, une romancière discrète publie Dis-moi tout. C’est Marie Desplechin, bien connue
aujourd’hui.
La revue offre des
histoires contemporaines, ancrées dans des milieux et des contextes familiaux
divers, pour une jeunesse avide de tolérance et de compréhension mutuelle.
Histoires d’amour et d’amitié, de solitude ou de solidarité, drames abordés
avec tact, ce sont des miroirs tendus aux ados à la recherche d’eux-mêmes et
des autres. Tous, suscitant « l’envie
de vivre, le goût des autres, la curiosité vers l’inconnu »,
s’appuient sur le plaisir de la lecture. Les romans d'aventures, très présents
au début, restent une constante. Les choix éditoriaux privilégient aussi les
énigmes policières, adaptées au récit court. Boileau-Narcejac, Michel Amelin. Irina Drozd et J.-P. Nozière
sont rejoints par Joseph Périgot, Malika Ferdjoukh (très présente), Michel Quint, Brigitte
Aubert, Mikaël Ollivier. Les anglo-saxons John Tully et Leon Garfield voisinent
avec l’angoissant Roderic Jeffries. Quel lecteur de « polars »
s’étonnerait de trouver ici J.-P.
Arrou-Vignod, B. Aubert et G. Cavali, F. Fajardie, Anthony Horowitz (plutôt fréquent), Michel Grisolia, Caryl Ferey, Frank Pavloff, Bertrand Puard ou Maud Tabachnik ? Les adolescents
connaissent-ils mieux Paul Thiès, Jacqueline Mirande et Marie Farré (Saiont-Dizier) ou Gudule ?
Le merveilleux, le
fantastique et la science-fiction sont au cœur des récits de R. Escarpit,
Olivier Cohen, Joëlle Wintrebert, William Camus, G.-O. Château-Reynaud et
Giorda avant qu’apparaissent Jean-Marc Ligny et Christian Grenier. Viennent ensuite pour la fantasy ou le fantastique,
Erik L’Homme, Pierre Bottero, Timothée de Fombelle, Johan Heliot, Hervé Jubert, Christophe Lambert, Yves Grevet
et Victor Dixen, Les évocations historiques ne manquent pas grâce à Jacqueline
Mirande, Robert Boudet, J.-J Greif,
Annie Jay ou Annie Pietri…
Il faut compter avec
les histoires animalières : des histoires de chevaux, (dont Black-Panache,
le hors-la-loi de Pelot),
l’évocation des loups, du chien, grâce à Yvon Mauffret et Bernard Clavel (Akita et La Chienne Tempête )…
Souvent, le couple auteur-dessinateur fait merveille. Quel régal de voir Pierre
Pelot imagé par Paul Gillon, Joëlle Wintrebert par Yves Chaland, Evelyne
Brisou-Pellen par Fred, Paul Thiès par André Juillard, Jean-Paul Nozière par
Philippe Mignon… Plus tard, c’est un plaisir de voir associés Robert Belfiore et Yan Nascimbene, Fanny Joly et François Avril, Michel
Tournier et Claude Lapointe, Bertrand Solet et Marcelino Truong, Anthony
Horowitz et Jean-François Martin… ! Depuis l’An 2000, le roman illustré est
plus court. On adjoint, en fin de revue, une histoire courte puis un feuilleton
humoristique de Fanny Joly ou de Claude Gutman. La revue change plusieurs fois
de format. En 2000, elle annonce en couverture : « Littérature, BD, cinéma
et musique ». Le dossier littéraire maintient, après l’extrait de roman en
B.D., une « rencontre » avec l’auteur. Peu à peu, les œuvres du XXe
siècle, trouvent une large place. Les classiques de l’enfance et de
l’adolescence sont illustrés (Trois hommes dans un bateau, Le Grand
Meaulnes, L'Enfant et la rivière, Vendredi ou la vie sauvage...) Des romans traduits sont adaptés... Rapidement
apparaissent des œuvres récentes, aux frontières du genre juvénile.
Avant Frison-Roche, Pagnol, Joffo, il y eut Colette, Giono, Kessel, B. Clavel, Andrée
Chédid. L’adaptation du Chercheur d'or de Le Clézio compense son absence
majeure dans les récits. La revue s’ouvre aux oeuvres internationales de
Panaït Istrati, Italo Calvino, Yachar Kémal, avant des œuvres de
Dino Buzzati, Satyajit Ray, Francisco Coloane ou Hamadou Hampâté
Bâ... La large place faite aux prétendus « mauvais genres », que la
revue a contribués à faire entrer dans les écoles et les collèges, mérite
d’être notée. Le policier « classique » des Leblanc et Leroux, Conan
Doyle ou Agatha Christie, Mac Orlan et Pierre Véry, côtoie le
merveilleux des contes de Perrault, d’Andersen, de Grimm,
de Marcel Aymé … (mais on a oublié
Pierre Gripari). Des œuvres de S-F sont adaptées : celles de Frederic Brown, Ray Bradbury, Isaac Asimov, Stefan
Wul et Arthur Conan Doyle… Lire cette revue est une heureuse surprise
pour l’œil et pour l'esprit : les meilleurs récits pour la jeunesse sont
donc ceux d'une littérature exigeante. Ce magazine de lecture constitue une
étonnante bibliothèque de romans courts inédits, écrits par les meilleurs
auteurs jeunesse et remarquablement illustrés par des graphistes contemporains.
Aux prestigieux anciens, Berthet, Blanc-Dumont, Caza, Götting, Juillard, Rouge
ou Tito…, ont succédé des artistes nouveaux comme Martin Matje, Pierre Bailly,
Olivier Balez, Delphine Collignon, Ludovic Debeurme, Vincent Dutrait, Rémy
Malingrey, Philippe Munch, Bruno Pilorget, Frédéric Rébéna, Antoine Ronzon, Emmanuel
Cerisier, Mathieu Sapin ou Tom Tirabasco... Nouveau logo, nouvelle maquette et
nouvelles rubriques finissent par convaincre que Je bouquine a changé tout
en restant fidèle à sa structure essentielle : roman inédit, plus bref,
classique adapté en partie en BD et dossier littéraire et le guide culturel
informant sur l’actualité littéraire, cinématographique et musicale. Ajoutons
le feuilleton humoristique Marion, de Fanny Joly et de
l’illustrateur Catel puis l’expérience d’écriture collective Le Collège de la lune verte. La
revue a créé le prix Tam Tam décerné
à Montreuil et le concours Mini-plume
(devenu Jeunes écrivains). La revue
dispose d’une collection de romans et d’un blog très actif. En B.D., elle a
fait connaître bien des œuvres dont Le
Journal d’Henriette de Dupuy et Berberian, Nabuchodinosaure de Widenlocher et Herlé, James Bonk de Blasteau et Martin, Aya de Yopougon, etc.
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