Coup de
rétro sur les fictions offertes à la jeunesse en 1955 (1)
Il est intéressant de remonter soixante ans en arrière, en 1955, parce
que les enfants du baby-boum commencent à devenir à cette date une force
économique importante. Ils vivent au cœur des « trente glorieuses »,
ne connaissent plus les restrictions. Nés après la Deuxième Guerre Mondiale,
ils connaissent encore une France qui possède un immense empire colonial,
exposé dans tous les manuels scolaires sans le moindre regard critique. La
guerre d’Indochine vient de finir pour les Français mais les
« événements » d’Algérie ont plus que commencé. Ces réalités sont
généralement occultées et pas seulement pour la jeunesse.
Contrairement aux idées reçues, alors qu’on se plaît aujourd’hui à
répéter que les livres pour la jeunesse se réduisent à quelques collections, ce
qui est faux, les lectures qu’on leur propose en 1955 aussi bien dans la presse
que dans les livres pour la jeunesse sont variées et multiples. Si l’on a
refusé de s’en apercevoir, c’est surtout parce que la guerre froide et les
conflits idéologiques de l’époque ont conduit chaque camp à ne voir que ce que
son idéologie ou sa religion autorisait. Les clivages sont tellement puissants
qu’aucune étude à l’époque ne les dépasse pour rendre compte objectivement des
diverses tendances et productions. Heureusement les jeunes lecteurs et
lectrices, assoiffés de lectures, se moquent en général de ces questions et
prennent leur bien partout où ils le peuvent. Chacun, chacune peut ainsi lire 7
à 8 « illustrés » par semaine, tant les échanges se font naturellement.
Hachette (où Pierre Probst commence à dessiner depuis 1953, la série Caroline), demeure l’éditeur principal
avec les collections « La
Bibliothèque verte » et « Idéal Bibliothèque » et s’impose à
tous les lectorats. La « Bibliothèque verte », déjà trentenaire,
publie aussi bien des oeuvres classiques françaises (Hugo, Verne, Toudouze) ou
anglo-saxonnes (Curwood, London) que des adaptations récentes de personnalités
en vogue (Bombard, Rozanoff). Dès 1955, le puissant éditeur qui dispose
alors du meilleur réseau de distribution diffuse des séries de romans anglo-saxons en « Bibliothèque Verte »,
« Rose » et « Collection Ségur ». (Le Club des cinq d’Enid Blyton,
Alice détective de Caroline Quine…).
Le processus va s'amplifier.
La collection « Idéal-Bibliothèque »,
reliée et illustrée, a déjà cinq ans puisqu’elle est née en 1950. Elle publie
des traductions et adaptations d’auteurs anglo-saxons comme Fenimore Cooper,
Lewis Wallace, Frank Crisp, Eilis Dillon, Rudyard Kipling… mais aussi les
auteurs français, Lucie Rauzier-Fontaine, Denis-François, Suzanne Pairault,
P.J. StahL ou Paul Jacques Bonzon (Les
Orphelins de Simitra)… Elle traduit aussi Émile et les détectives d’Erich Kästner.
La collection « Idéal-Bibliothèque »
s’inspire largement dans sa présentation et ses couleurs de la « Bibliothèque
Rouge et Or » des éditions G.P.,
une rivale qui dispose de moins de moyens financiers.
La « Bibliothèque Rouge et
Or » des éditions G.P. publie pourtant d’excellents auteurs français comme
Paul Berna (Le Cheval sans tête,
Grand Prix du Salon de l’Enfance 1955, Le
Continent du ciel) et son épouse Saint-Marcoux (Le Voleur de lumière, Fanchette). On y rencontre aussi André
Lichtenberger, Jean Duché, Paluel-Marmont, P.J. Stahl (Maroussia), René Aurembou à côté de peu d’auteurs traduits comme
Martha Sandwall-Bergström (pour la série Gulla). Les éditions G.P. publie aussi des albums
illustrés dans la collection « Bibliothèque Rouge et Bleue », souvent
illustrés par Guy Sabran.
Certains récits « jeunesse » remarqués en 1955 sont parfois
publiés par des éditeurs moins riches en publications du genre. Par exemple, Nic et Nick (Prix Jeunesse 1955) de Claire
Audrix (Charlotte Absalon & Christian Fontugne paraît dans la collection
« Marjolaine », chez Bourrelier, comme La Porte
ouverte de Colette Vivier.
Chez Larousse paraissent les deux volumes des Contes de la Table Ronde d’A. Deflassieux-Fitreman.
Né en 1963 et un gros consommateur de ces collections durant les 70's! J'ai encore en ma possession le premier lu: "La croix d'or de Santa Anna" de P.J. Bozon
RépondreSupprimerQue d'heures passées à lire ces romans et aujourd'hui encore beaucoup de nostalgie en sentant l'odeur si particulière des anciennes publications Gallimard. Je hais le temps qui passe.