Paul
Berna, alias Jean Sabran (1908-1994), pilier de la « Bibliothèque Rouge et
Or » et de la collection « Souveraine », chez G.P. (2)
Les premiers ouvrages de
Jean Sabran parus dans la célèbre « Bibliothèque Rouge et Or » sont
parfois ignorés car il s’agit d’adaptations, d’exercices de réécriture
d’ouvrages signés naturellement par leurs auteurs d’origine. Il faut ouvrir les
ouvrages dans les premières et dernières pages pour lire l’expression :
« Adaptation de Jean Sabran ».
C’est ainsi que sont parus dans
la « Bibliothèque Rouge et Or » à partir de 1949 :
-
Le Robinson suisse (R. Wyss), 1949.
-
Le Dernier de Mohicans (F. Cooper), 1949.
-
La Légende d’Ulenspiegel (C. De Coster), 1949.
-
Contes de mille et une nuits (A. Galland), Tomes 1 et 2,
1950.
-
Les Trappeurs de l’Arkansas (G. Aimard), 1950.
-
Un corsaire de quinze ans (L. Garneray), 1950.
-
Un marin de Surcouf (L. Garneray), 1950.
-
Les Aventures de Robert-Robert (L. Desnoyers), 1951.
-
Les Naufragés du Saint-Antoine (L. Garneray), 1951.
-
Les Trois Mousquetaires, Tome 1 (A. Dumas), 1952.
-
Les Trois Mousquetaires, Tome 2, (A. Dumas) 1952.
-
La Porte du dragon (Barbara Gilson), 1963.
Jean Sabran sous le
pseudonyme de Paul Berna se révèle ensuite un double précurseur, aussi doué
pour la science-fiction juvénile (baptisée « anticipation »), avec Nous
irons à Lunaterra, puis La Porte des étoiles (1954), envisageant la
conquête prochaine de la Lune, en 1954, Le Continent du ciel en 1955, et
pour l'énigme policière moderne, ancrée dans des quartiers populaires des
banlieues de l’époque, énigme bien représentée par Le Cheval sans tête
en 1955 et par sa suite, Le Piano à
bretelles, l’année suivante.
Dans Le Cheval
sans tête de Paul Berna, la bande à Gaby
est formée d’enfants de la banlieue parisienne. Leur trésor est un cheval-sans-tête à roulettes,
utilisé pour des courses de vitesse dans ce quartier populaire de
Louvigny-Triage. Le cheval excite la convoitise d’adultes bizarres qui le
volent. L’inspecteur Sinet, sur la
piste des malfaiteurs, aura bien besoin de l’aide des enfants pour trouver la
solution. Ce n’est pas tant l’intrigue policière, pourtant bien bâtie comme un
scénario de film qui impressionne, c’est davantage le ton novateur du
romancier, habile à restituer au plus juste la langue, la vie des banlieues de
l’époque.
Aucun misérabilisme, ni « réalisme » apitoyé
sous la plume de Paul Berna qui excelle à rendre compte de l’argot jubilatoire
de cette bande débrouillarde, comme l’est son égérie Marion, l’amie des chiens, un langage familier mais juste,
effarouchant alors certains, bien que l’ouvrage ait reçu le Grand Prix de littérature du Salon de
l’enfance en 1955. Les illustrations de Pierre Dehay, puis celles de Jean
Reschofsky en 1961, restituent le cadre populaire de cette aventure : les
maisons grises aux volets mal fixés, donnant sur une rue étroite, mal éclairée
le soir, la fabrique abandonnée, entourée de barbelés, non loin des
locomotives, encore à vapeur, du Paris-Vintimille.
Paul Berna, qui s’est toujours défendu de faire des
romans policiers à série, s’est seulement contenté d’introduire le commissaire
Sinet dans plusieurs romans où il joue plutôt un rôle secondaire par rapport
aux enfants ou aux adolescents. Il n’est encore qu’inspecteur dans Le Cheval sans tête.
On retrouve « les
dix garnements de la bande à Gaby » dans Le Piano à Bretelles (1956) où ils n’ont rien perdu de leur
gentillesse et de leur drôlerie. Intrigués par un chien jaune devenu noir quand
il est attaché au pliant d’un aveugle jouant une même complainte sur son
accordéon, ils s’engagent dans une nouvelle enquête.
Paul Berna mêle roman d’aventures et intrigue proche
de l’énigme policière dans Millionnaires
en herbe (1958) quand les enfants veulent sauver les habitations de gens
modestes, menacées par des promoteurs indélicats.
Dans Le Bout du
monde (1961), on retrouve les dix jeunes de la bande à Gaby. Les aînés âgés
de dix-huit ans projettent d’acheter une vieille voiture à un vendeur qui
propose le transport rémunéré de caisses de ferraille pour la payer. Or, le
marchand de ferraille participe à un trafic de fausse monnaie et la bande qui
doit se disculper ne pourra prendre la route qu’après maintes péripéties. La
joyeuse bande est toujours constituée de dix enfants, sous la conduite de la
grande Gaby, fière de sa fonction de conductrice. Cette bande revient encore
dans les aventures imprévisibles et parfois dramatiques qui émaillent La Piste du souvenir (1962), quand les
jeunes gens sont poursuivis par des aigrefins.
L’enquête menée dans Le Témoignage du chat noir (1963) développe aventure policière
déclenchée par une escroquerie sur le logement d’une famille pauvre (l’occasion
de poser clairement un problème social).
Il faut attendre la mutation de la « Bibliothèque
Rouge & Or » en collection « Souveraine » pour voir
paraître, chez G.P., les enquêtes du
Commissaire Sinet. Il y eut d’abord, illustré par Daniel Dupuy, Le Commissaire Sinet et Le Mystère de l’autoroute Sud en 1967.
Un simple fait divers : un mulet blessé sur l’autoroute du Sud conduit le
commissaire Sinet et un groupe de lycéens vers une ténébreuse affaire de vol.
Le sympathique policier revient en 1968, dans Le Commissaire Sinet. Le Mystère des poissons rouges. Faut-il
considérer L’Epave de la Bérénice
(1969) comme une aventure policière ? Certes, l’orphelin et marin Fanch
est entraîné par un inconnu, parfois suspect, dans une chasse au trésor
mystérieuse pour récupérer, dans une épave, une tête antique précieuse. Certes,
il faut lutter de vitesse avec de vrais aventuriers mais l’intrigue est plutôt
mince.
La collection « Rouge & Or Souveraine »
donne encore l’occasion à Paul Berna de publier en 1970, Opération, Oiseau-noir où s’opposent la bande d’Horace-l’Affreux,
le chef gredin des ferrailleurs opprimant les travailleurs du bidonville de
Bois-Bréau, et un groupe de jeunes formé de Cady, Sandra et leurs amis. Aidés
par une assistante sociale et un jeune prêtre, ils mettront fin au trafic
louche d’Horace et de ses complices. Ne passons pas sous silence les autres
romans policiers de Paul Berna parus chez le même éditeur G.P.
Le Carrefour
de la pie (1957), c’est une
station-service isolée au bord d’une grande route, en face d’une auberge relais
où s’arrêtent les chauffeurs de poids lourds et parfois des gens louches comme
ceux qui menacent le pompiste M. Langlais dont le fils Frédéric est inquiet.
Pour défendre son père injustement accusé par des inconnus malfaisants,
Frédéric entreprend une longue enquête reconstituant le passé de son père, afin
d’établir son innocence.
Dans Le
Kangourou volant (1957), l’enquête menée autour de la petite Josy,
abandonnée dans l’aérogare d’Orly, conduit sur la piste de minables espions
industriels.
On doit encore à Paul Berna d’autres récits parus aux
éditions G.P. : Les Pèlerins de
Chiberta (« Souveraine », 1958), Le Champion («Souveraine », 1960) qui a obtenu un grand prix, La Grande alerte
(« Souveraine », 1960), Le Bout
du monde (« Souveraine », 1961), La Piste du souvenir (« Souveraine », 1962), L’Epave de la Bérénice
(« Souveraine », 1969).
Toujours chez G.P. ont encore été édités, Un pays sans légende dans la collection
« Olympic », 1970, et deux récits dans la collection « Grand
angle » : La Dernière aube en
1974 et Rocas d’Esperanza en
1977.
Merci pour cet intéressant article sur un auteur qui a enchanté ma jeunesse! Patrick (né en 1954)
RépondreSupprimerVraiment avec Paul berna c'est un univers magique
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