Chez Fleurus-Mame, la collection "Monique", pour
les filles des années 50
Retour sur le "cercle des collections jeunesse disparues"
La collection "Monique" est les plus souvent ignorée des historiens de la littérature
jeunesse, sans doute parce qu’elle a surtout été présente dans les écoles et pensionnats catholiques et les
« Bibliothèques pour tous » d’inspiration catholique. (Notons que
l’emploi abusif de l’expression « pour tous » vient de loin !).
Deux
éditeurs catholiques associés, la Maison Mame et les Editions
Fleurus,
lesquelles touchent un lectorat masculin avec "Jean-François", attendent trois
ans avant de lancer pour les filles, la collection jumelle "Monique". Les lectrices de l'hebdomadaire
Ames Vaillantes, édité par
Fleurus depuis 1937, lisaient auparavant la collection éponyme "Ames vaillantes".
Elles
ne sont pas surprises, dès 1953, de retrouver des auteurs comme May d'Alençon (Le
Trésor du Loup), Rose Dardennes (Le Sorcier de Ceylan). Illustrée
par Solange Voisin ou par Alain d’Orange, la familière et omniprésente
Henriette Robitaillie ne publie pas moins de cinq récits. La
Ferme du Loup Blanc, prépublié en 1949 dans Ames Vaillantes n’est édité en livre qu’en 1958, la même année que Gwenola, illustré par Noël Gloesner et prépublié
en 1950. De Henriette Robitaillie seront encore édités, La Dame de Charmilly (1955), Pascale et la
tempête, (au
large de la Charente Maritime, trois fillettes sont transformées en robinsonnes
après une violente tempête) et Cinq têtes sous le même bonnet (1956).
On
ne s'étonne pas non plus de rencontrer dans la collection, ni Renée Tramond qui
évoque des menaces de destruction d’un nouveau barrage modifiant un site des
Alpes dans L’Enfant de la montagne (1953), ni Jacqueline Duché, écrivant Six dans
une tourelle, puisque l’auteur
est un des piliers, parfois illustrateur, de
"La Bibliothèque de Suzette", éditée par Gautier-Languereau. Denise Renaud donne une
tonalité historique à son Messager de la liberté (1954), quand Roger de
Chérizay doit de défendre d’une accusation de complot contre Mazarin. Denise
Bernard, dont l’intérêt pour l’Amérique du Sud ne se relâche pas, mêle passé
péruvien et présent technologique, dans Les
Envoyés de Pachacamac en 1958.
Parmi
les auteurs féminins, remarquons aussi Bertrande de Rivière mettant en scène
des détectives en herbe susceptibles de découvrir le secret de la Prisonnière
de Bel-Castel
(1954) et Marie-Madeleine Martinie. Si elle assure que son personnage,
orpheline de sa mère, a Plus de chance que Cendrillon (1956), c’est parce qu’elle
retrouve son père, un marin qui, en se remariant, lui offre un nouveau foyer.
En
dépit de bons illustrateurs qui travaillent également pour la Bonne Presse, comme Pierre Joubert, Noël Gloesner, Alain
d’Orange, Maurice de la Pintière, Manon Iessel, Marie-Madeleine Bourdin ou
Solange Voisin (Solveg), cette collection ne bénéficie pas des mêmes moyens que
sa consœur : elle atteindra seulement trente-neuf titres au cours de l'année
1962. Les auteurs de B.D. Robert Rigot, F. A. Breysse, Pierre Decomble
(Pierdec) Yvon Marié et même Jean Giraud, futur auteur de Blueberry sont également présents.
Notons la participation de l’auteur G. Travelier, futur Georges Bayard,
créateur de la série « Michel » chez Hachette.
Certains
auteurs publient dans les deux collections "Monique" et "Jean-François". C'est le cas de Jean des
Brosses, (Le Chevalier noir et Miss Aurore, 1955), René Duverne pour Drôles
de vacances (1955)
et surtout Le
Grand Jeu de Païolive (1959), un roman dont les chapitres d’exposition sont remarquables. Trois
neveux et trois nièces, à partir d’un
parchemin, vont à la recherche d’un curieux trésor : un coffre contenant
les secrets de la désintégration atomique ! C’est aussi le cas de Henri
Suquet. Dans La Maison sous les eaux, Suquet raconte l’histoire de
Jacquiou, fils de pauvres bateliers, devenu par de brillantes études inventeur
d’un treuil électrique, essayé sur les bords de l’Yonne. Dans Le Secret du
diamant
(1954), il conte comment des Anglais, découvreurs d’un gisement diamantifère,
tentent d’échapper à des gangsters cupides.
Doublement
présente aussi, L.-N. Lavolle (l’archéologue et grande voyageuse Hélène
Chaulet) propose plusieurs récits parfois prépubliés dans les journaux du
groupe Fleurus. Les Sorcières de la mer (1959), illustré par Alain
d’Orange, est centré sur le sort de la petite Cinghalaise Nola, capable de
plonger à la recherche des perles, de capturer et d’apprivoiser des dulongs,
dans un milieu marin souvent dangereux. Un an plus tard, elle publie L’Indien aux
yeux clairs,
illustré par Jean-René Lemoing.
Les
récits semblent souvent plutôt sentimentaux, puérils et délibérément anodins.
Certains titres infantiles sont révélateurs, comme La Demoiselle et le troubadour, Trois billes dans le
soleil ou Le Prince aux yeux verts.
Notons
à cette époque cette séparation des sexes dans la presse et dans le livre. La
ségrégation sexuelle dans les établissements scolaires, dénoncée par les
étudiants en Mai 68, ne sera officiellement abolie que 16 ans plus tard, en
1969…
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