COUP DE
RETRO SUR 2004 : fictions pour la jeunesse (1)
A la fin de cette année 2014, il semble intéressant de
jeter un coup d’œil de dix ans en arrière afin d’offrir un bref panorama
nécessairement subjectif des fictions offertes à la jeunesse en 2004. Il
faudrait un ouvrage complet pour tenter d’être exhaustif tant la production
d’ouvrages est riche et variée. Dans le cadre d’un blog, nous préférons donner
à voir à partir de couvertures de livres, d’albums et d’affiches de films.
L’évolution de la
littérature jeunesse n’a rien d’une histoire de Bisounours.
L’édition pour la
jeunesse, semblable dans son fonctionnement à l’édition pour adultes, en adopte
les qualités et les défauts, tels le taux de rotation élevé, surtout pour les
« poches », les retours rapides et la baisse générale des tirages
résultant de la progression inflationniste des nouveaux titres. Le stade
artisanal a disparu depuis longtemps, sauf chez de très petits éditeurs,
comme se sont effacées presque toutes les « maisons » d’édition à caractère
familial au point que l’on parle de plus en plus d’une « édition sans
éditeurs ». L’édition jeunesse est, elle aussi, devenue une industrie,
avec sa logique impitoyable et ses contraintes. Les utilisations du management
et des techniques de marketing ou de promotion sont de plus en plus présentes,
tant dans le domaine des journaux juvéniles que dans celui des livres jeunesse.
La tendance à l’internationalisation et la recherche de nouveaux marchés,
accentuant industrialisation et commercialisation, sont aussi à prendre en
compte.
Dans un monde économique voué à une concentration qui
échappe, semble-t-il, au volontarisme politique, le livre, s’il reste d’essence
culturelle, est non seulement devenu une « marchandise », un pur
produit de « l’industrie culturelle » mais il est pieds et poings
liés à un phénomène mondial irréversible, résultant du modèle américain,
alliant culture et communication, comme chez le groupe duopolaire Hachette
Livre-Lagardère et Vivendi Universal, (devenu Editis) qui détiennent, à eux
deux, les deux tiers du marché.
En 2004, dans le domaine de l’édition,
l’un des faits les plus marquants est le rachat en janvier des éditions du
Seuil, vieille dame septuagénaire par Hervé de La Martinière , éditeur depuis 1992.
Le rachat de Dupuis par Média
Participations ou celui de Milan par Bayard n’a pas entraîné un tel mouvement de stupeur ou d’émotion.
En effet, en juin 2004, la holding
Média-Participations (dont Axa et Michelin sont actionnaires) et qui édite
Rustica, Mango, Fleurus Jeunesse, (sans la presse), Mame, possède déjà les
éditeurs de B.D. : Le Lombard, Dargaud, Blake et Mortimer et Kana. Elle
rachète les éditions Dupuis. Son directeur Vincent Montagne se déclare très
intéressé par la bande dessinée.
En mai 2004, Arnaud Lagardère, écartant
les éditeurs Gallimard et Médias-Partipations, vend 61 % de VUP, (baptisé
Editis en octobre 2003), pour 660 millions d’euros, à la holding Wendel
Investissement, groupe d’investissement purement industriel, dirigé par le
baron Ernest-Antoine Seillière, encore à l’époque patron des patrons puisque
président du Medef. Le baron devient propriétaire de Plon-Perrin, Robert
Laffont, Juillard, Belfond, Nil, dans le domaine du poche : 10/18, Pocket et Fleuve noir, plus Les
Presses de la Cité , Les
Presses de la Renaissance , Solar, Syros, La Découverte. C ’est aussi dans le domaine scolaire, Armand Colin,
Bordas, Larousse, Retz, Le Robert. C’est encore Univers-Poche et Nathan dans le
double domaine scolaire et édition jeunesse.
Plus que jamais, l’édition, comme la
presse, est sous le contrôle de l’industrie, (en particulier de celle des
armes), et de la finance… L’accord se fait probablement avec l’accord du
pouvoir en place.
Hormis quelques réserves syndicales ou
du parti socialiste, les réactions sont timorées et ne suscitent ni débat, ni
protestation.
Ajoutons que Lagardère, grâce à Hachette
Filipacchi Médias, dirige un important empire de presse (magazine, jeunesse,
féminine, régionale), face à son concurrent Dassault, groupe industriel très
présent, tout comme lui, dans l’armement, lequel groupe Dassault détient la Socpresse à 82 % et Dassault Communication à 100 %.
Mourad Boudjellal, fondateur des
éditions Soleil, qui a connu en particulier le succès avec les bandes dessinées
Rahan, (rééditées) ou nouvelles comme
Lanfeust de Troy, s’associe avec
Antoine Gallimard, TF 1 et le Musée du Livre.
En 2004, tout en continuant de
bénéficier des récits d’Evelyne Brisou-Pellen, Jacqueline Mirande, Bertrand
Solet, Alain Surget et Odile Weulersse, le roman historique s’enrichit des
participations de Marie Amaury, Philippe Barbeau, François Charles, Michel
Cosem, Stéphane Descornes, Anne-Marie Desplat-Duc, Anne-Marie Dubosc, Jo
Hoestland, Arthur Ténor...
La fantasy, un genre en plein essor
bénéficiant surtout de « l’effet Harry Potter », est illustrée en
France par Eric Boisset, 1Pierre Bottero, Audrey Françaix, Anne-Laure Bondoux,
Serge Brussolo, Erik L’Homme, Luc Besson, Hervé Jubert, Sophie
Audoin-Mamikonian, Emmanuel Viau, Thomas Lavachery...
La science-fiction juvénile qui ne se porte
pas très bien malgré les efforts de Denis Guiot qui dirige « Autres
mondes » et va perdre Jean-Pierre Hubert en 2005, résiste grâce à un noyau
dur et fidèle composé de Fabrice Colin, Gilles Fontaine, Christophe Lambert, Danielle
Martinigol, Nathalie Le Gendre, Erik L’Homme, … Le policier pour jeunes inspire de nombreux auteurs.
En se limitant aux écrivains francophones, citons Brigitte Aubert et Gisèle
Cavali, Claudine Aubrun, Hubert Ben Kemoun Marie Bertherat, Evelyne Brisou-Pellen,,
Stéphane Daniel, Christian Grenier, Michel Honaker, Anthony Horowitz... Ajoutons
Yves Hugues, Alice Hulot, Michel Laporte, François Librini, Catherine
Missonnier, Lorris Murail, Béatrice
Nicodème, Jean-Paul Nozière, Jean-Hugues Oppel, Alain Paris, Noël Simsolo et
Bartyrand Solet.
Dans le roman « généraliste »
ou pour « ados », on remarque Jacques Asklund, Jeanne Benameur, Pierre-Marie
Beaude, Anne-Laure Bondoux, Jean-François Chabas, Guillaume Guéraud,
Xavier-Laurent Petit…. Ajoutons, par exemple, Alex Cousseau, Didier Daeninckx,
Marie-Hélène Delval, Anne-Marie Pol et Françoise Reynaud…
N’oublions pas une abondante production
d’albums illustrés et d’albums de bandes dessinées, les journaux et magazines
d’une presse très variée, couvrant toutes les tranches d’âges et de nombreux
films visibles par tous les publics.
Si les optimistes se réjouissent d’une
offre aussi variée et d’une vitalité qui ne manifeste aucun signe général de
ralentissement, les pessimistes s’inquiètent de la production vertigineuse, en
perpétuelle expansion, d’une « machine » qui semble « portée à
blanc », tant le nombre de titres enfle régulièrement.
Engagée dans une fuite en avant que personne ne
maîtrise, l’édition qui publie 52 000 nouveautés et nouvelles éditions en 2004,
contre 35 000 en 1997, (dont un tiers de la production consacré à la
littérature générale et environ 10 000 ouvrages dans le rayon jeunesse),
poursuit sa course folle et sa fuite en avant, provoquant la baisse des tirages
de chaque ouvrage, sauf pour les best-sellers largement médiatisés, au risque
de tout écraser sur leur passage...
(Pour aller plus loin que ce résumé succinct, se
reporter à mon essai : Littérature
de jeunesse et presse des jeunes au début du XXIe siècle, L’Harmattan,
2008.)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire