Une
collection originale mais éphémère : "L’Ami de Poche"
(1980-1984), chez Casterman
Dans le domaine des collections de poche, après « Folio
junior » collection créée en 1977 chez Gallimard Jeunesse, « Le Livre
de poche jeunesse » née en 1979, en 1980, la même année qui voit
apparaître « Castor junior Flammarion », il faut saluer la naissance, chez Casterman, de la collection "L'Ami de Poche". Elle est
dirigée jusqu’en 1985 par Jean-Hugues Malineau, écrivain et poète. En dépit d’indéniables
qualités, et d’une grande « diversité
des genres, des tons, des styles d'écriture et d'illustrations »,
elle ne durera
pas.
Pour les plus de dix ans, dans des volumes qui vont du simple au quintuple
(de moins de 80 pages à plus de 240), la collection propose la réédition de
classiques parfois un peu oubliés (L'Ami Fritz et le plus rare et
fantastique Hugues le loup de Erckmann-Chatrian, Le Petit chose de Daudet, Maria
Chapdelaine de Louis Hémon, Histoires
naturelles de Jules Renard ou Le Fils
du diable de Paul Féval…) ou réécrits par des auteurs contemporains, tes
François Johan (Floire et Blanchefleur)
et Pierre Dubois (La Chute de Robin des
bois).
Si des personnages comme Tarass Boulba, Till l’espiègle, Robin des
bois (revu avec humour par Pierre Dubois), le Capitaine Corcoran, et même Gockel et Hinckel de
Brentano, revus et adaptés, ne surprennent pas, le lecteur étonné découvre Michael
Kohlhaas de Von Kleist, Le Géant Yeous de George Sand ou La Filandière de Balzac.
Les modernes Yves Sandre (Le Dévorant, Terremoto), Andrée
Chédid (Mon ennemi, mon frère), André Laude (Joe Davila l’aigle) sont aussi présents. De plus, la part réservée
à la création, parfois poétique, est originale, grâce à des auteurs comme
Pierre Dubois (avec Le Capitaine Trèfle) mais le facétieux elficologue
propose aussi L’Almanach sorcier. Gérard Bialestowski (1946-2007), outre Victor et le
corbeau-roi,
joue avec les mots dans son P'tit Jo vole ou l'auteur de B.D.
Jean-Claude Forest (célèbre depuis Barbarella) offre son unique roman : Lilia entre l'air et
l'eau.
Plus rare à l'époque dans le roman francophone que dans la B.D. où il
triomphe, le western est illustré par la résurrection de la série Dylan
Stark de Pierre Pelot, un peu censurée par rapport à l’originale parue chez
Marabout, mais forte de dix volumes mis en
images par Michel Blanc-Dumont. De Mary Jemison, est traduite l'histoire d'une
femme Enlevée par les Indiens Senecas (à 12 ans).
Le genre policier reste discret avec La Vigne de Nanterre de
Bruno Menais et un texte fort, réédité depuis, Blues pour Marco
d’Olivier Lécrivain. L’éditeur a classé dans le genre Le Monstre de Borough de
John Flandres. Les aventures chevaleresques sont à l'honneur. François Johan, qui a aussi
adapté Les Quatre fils Aymon, propose en 5 tomes une nouvelle version
des Chevaliers de la table ronde, depuis Les Enchantements de Merlin jusqu’à La Fin des temps chevaleresques. André Hodeir publie deux Aventures
de la Chevalière.
La science-fiction et la fantasy sont représentées par La Fée et le
géomètre de Jean-Pierre Andrevon, et des récits de Joëlle Wintrebert (Nunatak),
Robert Silverberg (Les Conquérants de l'ombre) et Van Vogt (Destination
Centaure). Quant aux récits de L’Épée magique de Dunstan Martin et
des 4 histoires insolites, ils ressortissent au fantastique.
Dans la catégorie humour, émergent l’édition illustrée des Lettres
d’un oncle perdu du trop rare Mervyn Peake (1911-1968) qui illustre
lui-même le livre, Les Treize horloges
de James Thurber et Trois hommes dans un
bateau de Jerome K. Jerome.
Renforcent cet éclectisme, tous azimuts, les traductions russes (La Fille du capitaine de Pouchkine),
germaniques (Michael Kohlhass de Von
Kleist), anglo-saxonnes et espagnole, puisque l’on publie Le Lazarillo de
Tormès, récit espagnol anonyme de 1554.
Selon les usages hélas disparus de l’époque, les ouvrages, en plus des
deux ouvertures illustrées en couleur, sont agréments d’illustrations en noir
et blanc. Elles sont dues à de illustrateurs de talent comme Bérénice Cleeves,
Enki Bilal, Nathaële Vogel, Akos Szabo, Pierre Cornuel, Daniel Billon, Daniel
Maja… Les auteurs de bande dessinée ne sont pas en reste puisque l’on reconnaît
Enki Bilal, René Hausman, Jacques Tardi, Dino Battaglia, Serge Bloch, Michel Blanc-Dumont…
Si la disparition de
la collection en 1985, après la parution d’environ 65 volumes, est
inexplicable, on se console en découvrant que certains titres réapparaîtront
chez l’éditeur.
(D’après la présentation largement revue
et augmentée de la collection dans Fictions
et journaux pour la jeunesse au XXe siècle, édition 2014, pages
330-331)
Ce texte peut aussi être considéré comme
un hommage à Jean-Hugues Malineau, grand bibliophile, poète et passeur de
poésie, disparu le 9 mars 2017 à l’âge de 71 ans.
Je vous remercie pour cet hommage et ce compte-rendu très complet de ce que fut le projet de collection "L'Ami de Poche" de mon père, Jean-Hugues Malineau, disparu le 9 mars 2017.
RépondreSupprimerJe me permets de partager votre article sur la page Facebook créée en hommage à mon père. Toute personne l'ayant connu et souhaitant nous apporter son témoignage, possédant des archives ou désireuse de prendre contact avec nous pour nous aider à faire vivre son oeuvre ou pour toute autre raison peut le faire à cette adresse : jhm2017@outlook.fr
Violaine Malineau