Collection "Spirale" (G.P. Rouge & Or,
1959-1980) : des thèmes et des lieux fort divers (4e partie)
Les éditions G.P. (alias La Générale Publicité), dirigées
par Victor Dancette (1900-1975) et qui sont absorbées par les Presses de la
Cité en 1961, sont surtout connues sous l’appellation « G.P. Rouge et
Or ». Après avoir donné naissance à la collection « Dauphine »
en 1957, elles créent en 1959 la collection "Spirale", peu
coûteuse et proposée aux lecteurs et lectrices, du CM 1 à la classe de
troisième.
De sa naissance à 1980, la collection va publier plus de
300 titres en mêlant des romans autonomes et des volumes de séries. Plusieurs
générations d’auteurs fort différents vont y cohabiter, de Marie-Antoinette de
Miollis, Léonce Bourliaguet et René Guillot à
Monique Ponty, Pierre Pelot et Christian Grenier (tous deux nés en
1945).
Robuste, solidement reliée, avec sa couverture « plastifiée
lavable » et ses cahiers « cousus au fil de lin », elle est
de format 17 cm sur 12,5. Chaque volume comporte 20 illustrations en couleurs
et 30 illustrations en noir et blanc.
Visant en fait les garçons et filles de 10 à 15 ans (alors que la collection « Dauphine » s’adresse plutôt aux 6 à 10 ans), elle décline peu à peu les séries, en particulier policières, les classiques, les romans d'aventures abordant parfois le récit maritime ou exotique, le western et la science-fiction, et les romans historiques. On peut aussi y remarquer des romans originaux et inclassables.
Les illustrateurs et illustratrices sont fort nombreux.
Citons seulement 15 noms : Henri Dimpre (8 titres), Raoul Auger (10
titres), Jacques Pecnard (18 titres), Jean Reschofsky (10 titres), Daniel
Dupuy, Vanni Tealdi (40 titres illustrés), Pierre Le Guen, Françoise Bertier,
Michel Gourlier (bien connu des lecteurs de « Signe de piste », 21
titres), Gilles Valdès, Monique Gorde, Jean Retailleau, René Péron, Daniel
Billon (19 titres, de 1972 à 1978), Jacqueline Verly…
« Spirale » et des destins de
« petites filles » et de petits garçons
Qu’une collection pour la jeunesse
privilégie parfois des histoires mettant en scène des garçons et des filles au
parcours inhabituel, rien d’étonnant à cela. Cependant ce genre de récit est
particulièrement favorisé.
On cherche à
émouvoir avec les histoires de La Petite
fille à la roulotte (la petite bohémienne contrainte de partir après
l’incendie de la roulotte familiale) de Rumer Godden, de L’Enfant blond du Grand Nord d’Edith Grotkop. (Un enfant de 4 ans
est confié par des marins norvégiens à une vieille femme esquimaude). Ou encore
de La Petite fille d’ailleurs de
Hertha Von Gerhardt. (Qui est cette fillette assise sous la lanterne de la rue
et qui excite l’imagination des passants ?).
Le récit suscite aussi l’intérêt lorsque le titre commence (ou est
constitué) par un prénom. Parmi les multiples exemples, citons Marika d’Anne Pierjean, Juliane de Luise Rinser, Maya aux yeux bleus d’Aimée Sommerfelt, Emmanuel et Mario le fils du vent de Renée Manière, Tim le jockey de May d’Alençon. Autre titre frappant : Rébecca du ruisseau ensoleillé (1960) de
Kate (Douglas) Wiggin (surtout connue pour Les Locataires de la maison jaune
publié déjà chez Hachette en 1930). Ecoute,
petit loup… déclare Maurice Vauthier mais c’est pour introduire une série
d’histoires entraînant le lecteur de Russie jusqu’en Chine.
Dans les traductions des récits de Mabel Esther Allan, on associe
habilement prénom et pays, dans Luce en
Bavière, Nicole à New-York et Lise en Italie. Si Pia et la petite Lapone est une traduction, en revanche, Le Secret de Marie-Louisa de Renée
Manière, Emmanuelle s’en va-t-en guerre de
Sylvette Brisson, Annick et son corsaire et Marie-Luce infirmière sont bien des
titres français.
Des
auteurs féminins français
Deux
générations d’auteurs féminins cohabitent ou se succèdent dans la collection
« Spirale » mais certaines écrivaines sont déjà âgées quand elles
sont publiées dans la collection « Spirale ». &
Dans la
première décennie, on édite des auteurs connus chez les éditeurs catholiques,
comme Yvonne Girault (1894-1984, qui transforme La Horde, un récit publié chez Fleurus, en Fils des steppes)), Marie-Antoinette de Miollis (1894-1971,Fille de pilote), Jacqueline Verly
(1901-1992) et Henriette Robitaillie
(1909-1992, Ma maison perdue), ou
déjà reconnus dans les années 60, comme May d'Alençon (Tim, le jockey, Annick et son corsaire), Renée Aurembou (1908-2006,
Bravo, monsieur la grenouille !,
un roman contre l’alcoolisme), Eve Dessarre (née en 1918), L. N. Lavolle (née
en 1914 et dont Les Baladins d’Anatolie
évoluent en Turquie). La grande voyageuse Jacqueline Cervon (née en 1924) situe
aussi en Turquie Les Pigeons d’Ürgüp.
Eve Dessarre (née en 1918) envoie Esther dans un kibboutz où elle espère
retrouver la trace de son cousin Benny dans Le
Jardin dans le désert.
Citons encore Hélène Vallée (Le Réveil de l’Inca), Renée Manière (Emmanuel), Monique Ponty (née en 1932, L’Affaire des gitanes),
Marcelle Manceau (Le Mas
Tortebesse) et Hélène Ray (Le Cousin de Gondolin).
On remarque
Anne Pierjean (1921-2003) pour Marika et La Demoiselle de Blachaux
en 1972, Des ennuis, Julien ? en 1974, et Jacqueline Verly (illustrant
souvent ses propres romans) situant
l’action de Tempête sur les huttes (1971) en 1844, aux limites de
l’Alsace (à Wildenstein), et des Hautes Vosges (à La Bresse ).
Parmi les succès, on relève, illustré par Daniel Dupuy, Adieu mes Quinze ans (1960) de Claude Campagne (Jean-Louis et Brigitte Dubreuil), avec un tirage de 650 000 exemplaires dont 460 000 vendus en France, après son adaptation à la télévision, en 1971. L'adaptation réalisée par Claude de Givray comportait 19 épisodes de 13 minutes diffusés à partir du 4 ami 1971 sur la 1ère chaîne. (Sur Claude Campagne, lire l’excellent article de François Marcoin : Claude Campagne entre mémoire et amnésie, pp. 55-75, dans le n° 21 des Cahiers Robinson, publié en 2007.)
Il n’est pas inintéressant de savoir que Marie-Dominique
Poinsenet, l’auteur de Une étoile au fond
du gouffre s’appelait aussi Sœur Marie-de-la-Nativité.
On pourrait croire que éditions G.P. se sont
(déjà) rendu compte que les filles étaient meilleures lectrices que les garçons
et qu’elles leur fournissaient donc davantage de récits qu’aux garçons (au
risque de leur fournir parfois quelques mièvreries sentimentales).
Des
romans incontournables, au genre identifié ou
inclassables
En fait, les auteurs masculins français, depuis les récits anciens de
Vercors (Contes des cataplasmes),
Charles Vildrac (Du cran Milot !)
et Léonce Bourliaguet (On tourne au
village), sont aussi bien représentés. Ils le sont dans les différents
genres : Pierre Lamblin, Pierre Castex et Louis C. Thomas pour le
policier, William Camus, Christian Grenier et Pierre Pelot pour la
science-fiction, Bernard Pierre (Victoire
sur les Andes) et Jean-Francois Pays (La
Montagne interdite) pour le roman de montagne, le roman maritime avec Jean
Ollivier et Yvon Mauffret, le roman historique avec Jean-Côme Noguès (Le Faucon déniché) et Jean Riverain.
Jean Cernaut
dans Le Grand roux exprime une
difficile amitié et le refus de se voir imposer une frontière et on permet à
René Guillot d’exprimer son amour de l’Afrique dans Traqué dans la brousse. On doit à Marcel Jullian, Jean Maridor, chasseur de V1 et à Gil
Lacq, Le Roi sans mémoire…
Certains récits inclassables et divers
doivent aussi retenir l’attention, comme Au-delà
du fleuve de Juri Korinetz, Prisonniers
de la jungle d’Arthur Catherall, Opération
Sippacik de Rumer Godden (dans un
village chypriote en guerre), Autobus
tout confort de Rosemary Weir ou L’Île
lointaine de Luciana Martini…
On le voit,
même si la collection « Spirale », populaire par son prix, n’a pas le
prestige de la collection « Rouge et Or Souveraine », elle mérite
d’être regardée de près pour éviter les jugements simplistes, forgés à partir
de trop peu d’exemples.
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