dimanche 14 octobre 2012

Collection "Spirale" (G.P. Rouge & Or) 4e partie


Collection "Spirale" (G.P. Rouge & Or, 1959-1980) : des thèmes et des lieux fort divers (4e partie)

Les éditions G.P. (alias La Générale Publicité), dirigées par Victor Dancette (1900-1975) et qui sont absorbées par les Presses de la Cité en 1961, sont surtout connues sous l’appellation « G.P. Rouge et Or ». Après avoir donné naissance à la collection « Dauphine » en 1957, elles créent en 1959 la collection "Spirale", peu coûteuse et proposée aux lecteurs et lectrices, du CM 1 à la classe de troisième.
De sa naissance à 1980, la collection va publier plus de 300 titres en mêlant des romans autonomes et des volumes de séries. Plusieurs générations d’auteurs fort différents vont y cohabiter, de Marie-Antoinette de Miollis, Léonce Bourliaguet et René Guillot à  Monique Ponty, Pierre Pelot et Christian Grenier (tous deux nés en 1945).
Robuste, solidement reliée, avec sa couverture « plastifiée lavable » et ses cahiers « cousus au fil de lin », elle est de format 17 cm sur 12,5. Chaque volume comporte 20 illustrations en couleurs et 30 illustrations en noir et blanc.


Visant en fait les garçons et filles de 10 à 15 ans (alors que la collection « Dauphine » s’adresse plutôt aux 6 à 10 ans), elle décline peu à peu les séries, en particulier policières, les classiques, les romans d'aventures abordant parfois le récit maritime ou exotique, le western et la science-fiction, et les romans historiques. On peut aussi y remarquer des romans originaux et inclassables.
Les illustrateurs et illustratrices sont fort nombreux. Citons seulement 15 noms : Henri Dimpre (8 titres), Raoul Auger (10 titres), Jacques Pecnard (18 titres), Jean Reschofsky (10 titres), Daniel Dupuy, Vanni Tealdi (40 titres illustrés), Pierre Le Guen, Françoise Bertier, Michel Gourlier (bien connu des lecteurs de « Signe de piste », 21 titres), Gilles Valdès, Monique Gorde, Jean Retailleau, René Péron, Daniel Billon (19 titres, de 1972 à 1978), Jacqueline Verly…
  
                        « Spirale » et des destins de « petites filles » et de petits garçons
                       

      Qu’une collection pour la jeunesse privilégie parfois des histoires mettant en scène des garçons et des filles au parcours inhabituel, rien d’étonnant à cela. Cependant ce genre de récit est particulièrement favorisé.       
On cherche à émouvoir avec les histoires de La Petite fille à la roulotte (la petite bohémienne contrainte de partir après l’incendie de la roulotte familiale) de Rumer Godden, de L’Enfant blond du Grand Nord d’Edith Grotkop. (Un enfant de 4 ans est confié par des marins norvégiens à une vieille femme esquimaude). Ou encore de La Petite fille d’ailleurs de Hertha Von Gerhardt. (Qui est cette fillette assise sous la lanterne de la rue et qui excite l’imagination des passants ?).


Le récit suscite aussi l’intérêt lorsque le titre commence (ou est constitué) par un prénom. Parmi les multiples exemples, citons Marika d’Anne Pierjean, Juliane de Luise Rinser, Maya aux yeux bleus d’Aimée Sommerfelt, Emmanuel et Mario le fils du vent de Renée Manière, Tim le jockey de May d’Alençon. Autre titre frappant : Rébecca du ruisseau ensoleillé (1960) de Kate (Douglas) Wiggin (surtout connue pour Les Locataires de la maison jaune publié déjà chez Hachette en 1930). Ecoute, petit loup… déclare Maurice Vauthier mais c’est pour introduire une série d’histoires entraînant le lecteur de Russie jusqu’en Chine.
Dans les traductions des récits de Mabel Esther Allan, on associe habilement prénom et pays, dans Luce en Bavière, Nicole à New-York et Lise en Italie. Si Pia et la petite Lapone est une traduction, en revanche, Le Secret de Marie-Louisa de Renée Manière, Emmanuelle s’en va-t-en guerre de Sylvette Brisson, Annick et son corsaire et Marie-Luce infirmière sont bien des titres français.

   Des auteurs féminins français


Deux générations d’auteurs féminins cohabitent ou se succèdent dans la collection « Spirale » mais certaines écrivaines sont déjà âgées quand elles sont publiées dans la collection « Spirale ». &
Dans la première décennie, on édite des auteurs connus chez les éditeurs catholiques, comme Yvonne Girault (1894-1984, qui transforme La Horde, un récit publié chez Fleurus, en Fils des steppes)), Marie-Antoinette de Miollis (1894-1971,Fille de pilote), Jacqueline Verly (1901-1992)  et Henriette Robitaillie (1909-1992, Ma maison perdue), ou déjà reconnus dans les années 60, comme May d'Alençon (Tim, le jockey, Annick et son corsaire), Renée Aurembou (1908-2006, Bravo, monsieur la grenouille !, un roman contre l’alcoolisme), Eve Dessarre (née en 1918), L. N. Lavolle (née en 1914 et dont Les Baladins d’Anatolie évoluent en Turquie). La grande voyageuse Jacqueline Cervon (née en 1924) situe aussi en Turquie Les Pigeons d’Ürgüp. Eve Dessarre (née en 1918) envoie Esther dans un kibboutz où elle espère retrouver la trace de son cousin Benny dans Le Jardin dans le désert.
Citons encore Hélène Vallée (Le Réveil de l’Inca), Renée Manière (Emmanuel), Monique Ponty (née en 1932, L’Affaire des gitanes),  Marcelle Manceau (Le Mas Tortebesse)  et Hélène Ray (Le Cousin de Gondolin).
On remarque Anne Pierjean (1921-2003) pour Marika et La Demoiselle de Blachaux en 1972, Des ennuis, Julien ? en 1974, et Jacqueline Verly (illustrant souvent ses propres romans)  situant l’action de Tempête sur les huttes (1971) en 1844, aux limites de l’Alsace (à Wildenstein), et des Hautes Vosges (à La Bresse).


Parmi les succès, on relève, illustré par Daniel Dupuy, Adieu mes Quinze ans (1960) de Claude Campagne (Jean-Louis et Brigitte Dubreuil), avec un tirage de 650 000 exemplaires dont 460 000 vendus en France, après son adaptation à la télévision, en 1971. L'adaptation réalisée par Claude de Givray comportait 19 épisodes de 13 minutes diffusés à partir du 4 ami 1971 sur la 1ère chaîne. (Sur Claude Campagne, lire l’excellent article de François Marcoin : Claude Campagne entre mémoire et amnésie, pp. 55-75, dans le n° 21 des Cahiers Robinson, publié en 2007.)
Il n’est pas inintéressant de savoir que Marie-Dominique Poinsenet, l’auteur de Une étoile au fond du gouffre s’appelait aussi Sœur Marie-de-la-Nativité.  
 On pourrait croire que éditions G.P. se sont (déjà) rendu compte que les filles étaient meilleures lectrices que les garçons et qu’elles leur fournissaient donc davantage de récits qu’aux garçons (au risque de leur fournir parfois quelques mièvreries sentimentales).

         Des romans incontournables, au genre identifié ou  inclassables


En fait, les auteurs masculins français, depuis les récits anciens de Vercors (Contes des cataplasmes), Charles Vildrac (Du cran Milot !) et Léonce Bourliaguet (On tourne au village), sont aussi bien représentés. Ils le sont dans les différents genres : Pierre Lamblin, Pierre Castex et Louis C. Thomas pour le policier, William Camus, Christian Grenier et Pierre Pelot pour la science-fiction, Bernard Pierre (Victoire sur les Andes) et Jean-Francois Pays (La Montagne interdite) pour le roman de montagne, le roman maritime avec Jean Ollivier et Yvon Mauffret, le roman historique avec Jean-Côme Noguès (Le Faucon déniché) et Jean Riverain.
Jean Cernaut dans Le Grand roux exprime une difficile amitié et le refus de se voir imposer une frontière et on permet à René Guillot d’exprimer son amour de l’Afrique dans Traqué dans la brousse. On doit à Marcel Jullian, Jean Maridor, chasseur de V1 et à Gil Lacq, Le Roi sans mémoire
   Certains récits inclassables et divers doivent aussi retenir l’attention, comme Au-delà du fleuve de Juri Korinetz, Prisonniers de la jungle d’Arthur Catherall, Opération Sippacik de Rumer Godden (dans un  village chypriote en guerre), Autobus tout confort de Rosemary Weir ou L’Île lointaine de Luciana Martini…  
On le voit, même si la collection « Spirale », populaire par son prix, n’a pas le prestige de la collection « Rouge et Or Souveraine », elle mérite d’être regardée de près pour éviter les jugements simplistes, forgés à partir de trop peu d’exemples.

                                    

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