« Le Livre tv » : Passage Saint-Ange de Claude Bailly (Hélène Chaulet, 1914-1994),
alias L.N. Lavolle, alias Denise Glize
Passage Saint-Ange, un récit de Claude
Bailly, publié en 1964 dans la collection « Le Livre tv » sous le n°
11, aux éditions de l'Amitié, illustré par J. Daynié, a des aspects qui devraient interpeller les
lecteurs d’aujourd’hui.
Précisons
d’abord que Claude Bailly est un des pseudonymes d’Hélène Chaulet (née au
Vietnam en 1914, décédée à Biarritz en 1994), passionnée d’archéologie et
d’ethnologie, grande voyageuse. Elle est surtout connue sous pseudonyme de L.N.
Lavolle (L.N. pour Hélène) et sous celui, plus rare, de D. Glize (pour Émeutes à Kaboul en 1971).
L’action
de Passage Saint-Ange, dans le 17e
arrondissement de Paris, se situe dans un quartier populaire aujourd’hui
disparu (ou plutôt complètement transformé en une impasse bordée de hauts
immeubles modernes et d’arbres, entre l’Avenue de Saint-Ouen et la Rue Jean
Leclaire).
Comme
toujours dans ses romans, avec un grand souci documentaire, Claude Bailly
écrit, p. 8 : « Les lampadaires éclairaient les 3 blocs rouges des
H.L.M., les trottoirs jonchés de poubelles et de détritus, et, plus loin, les
masures du passage Saint-Ange, qui venaient buter contre le haut mur que les
enfants nommaient entre eux la Citadelle ».
Ces
enfants d’origines ethniques très diverses (Maghrébins, Arméniens, Chinois,
Iraniens, Polonais, Hongrois, Italiens, Portugais) se nomment Jacinto, Dominik,
Berjouk, Bela, Satvi, Reza, Nam et Clara. Ces enfants du Clan des chats (parce
que l’eau à l’hôtel est coupée très tôt), formait « une jeunesse
grouillante, mal lavée, mal peignée, qui devait se coucher sans se donner la
peine de se déshabiller » et qui ne mangeait pas à sa faim. Elle s’oppose
parfois aux enfants des H.L.M. rouges, habitants légaux et bien nourris. Le Clan des Chats récupère des bouteilles dans
les poubelles pour les vendre à un marchand du quartier.
Parce
que la cage d’Akbar, un mainate apprivoisé et une radio transistor portative ont
disparu, la police soupçonne les enfants du quartier qui redoutent qu’elle
découvre que les habitants vivent « dix ou douze par chambre ».
« Les chambres d’hôtel changeaient sans cesse d’occupants. Passage
Saint-Ange, les gens achetaient trois ou quatre heures de sommeil, comme
d’autres achètent un morceau de pain » (p. 26). Nicole, une fille des
H.L.M., déclare à Jacinto, chef du Clan des Chats, le plus apte à comprendre
les nombreuses langues du quartier, que
« la citadelle sera bientôt démolie puisqu’on va raser les taudis du
passage, avec leurs puces et leurs punaises (…) pour y bâtir d’autres
H.L.M. ». Il est vrai que le
passage est une « ruelle putride aux rigoles stagnantes d’eau de lessive,
aux tas de légumes pourris, lancés par des mains négligentes du haut des
fenêtres. »
Quand
la police visite les hôtels, les occupants en situation irrégulière ont eu le
temps de fuir mais Jacinto, l’adolescent portugais de 13 ans, est emmené au
poste … où. il joue bientôt aux cartes avec les agents ! En fait, seuls le
chat de gouttière Nakib et le chien Nabi qui sert de guide à l’aveugle Clara ont
aperçu le voleur.
Dirigé
cette fois par le jeune Chinois Nam, le Clan des Chats décide de faire des
recherches au marché aux puces de Saint-Ouen pourtant très éloigné. Il faut
traverser le boulevard périphérique avant d’arriver aux roulottes de tziganes
où la jeune aveugle Clara chante accompagnée par le guitariste tzigane Matéo,
l’oncle de Bela, qui reconnaît en elle une grande artiste. Un journaliste de la
télévision assiste à la scène... Les enfants se dispersent pour visiter les
brocanteurs de la Porte de Clignancourt, d’autres, le coin de la cité
Jules-Vallès ou le marché Paul Bert.
En
revenant vers une fête foraine, les enfants entendent des cris. C’est le chat
Nakib et son ami le chien Nabi qui provoquent le singe dressé Joko et mettent
son dompteur en fureur. En fait, Joko a fait une fugue la nuit dernière et
c’est lui qui a pris la cage d’Akbar et le poste de radio. Le Clan des Chats
est soulagé.
Mais
Clara a disparu. Le Clan des Chats se rend au poste de police, récupère Jacinto
et demande que l’on retrouve Clara. Les recherches sont vaines jusqu’au moment
où les enfants et les adultes du quartier se tenant devant trois appareils de
télévision d’un bazar du passage regardent un reportage intitulé « Une heure au
marché aux puces ». Soudain, le documentaire se termine sur le chant d’une
enfant à la voix inoubliable et merveilleuse : c’était Clara accompagnée
par le guitariste Matéo.
Ce
roman, sans être pesant, prône la tolérance et la solidarité, des qualités aussi mises à mal aujourd’hui que parfois les droits des enfants et ceux des migrants. Certes, le récit n’est pas sans défaut. Qui
peut croire qu’un chat et un chien puissent se conduite en détectives ? Le
marché aux puces paraît bien éloigné du Passage Saint-Ange. Sur 8 pages,
l’auteur intègre un conte indien, Les
deux frères, qui brise le rythme du récit.
Néanmoins,
ce roman mérite d’être redécouvert car il n'a rien perdu de son actualité.
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