1957 Deux
romans historiques : Colin Lantier
de Jean OLLIVIER et Montjoie ! Saint
Denis ! de Louis SAUREL
II Montjoie ! Saint-Denis de Louis
Saurel, un récit conventionnel trop étalé dans le temps
Le roman de Louis Saurel est bien différent de celui
de Jean Ollivier, malgré certains points communs.
L’action s’étire de 1415, année du désastre
d’Azincourt, à 1429 lorsque la Lorraine Jeanne délivre Orléans.
Vincent de Chauvigny, comme Colin Lantier, est un
jeune homme d’une quinzaine d’années « de bonne taille, svelte, au corps
souple, nerveux et déjà musclé ». Orphelin de père mais déjà écuyer, il
est élevé par le seigneur François de Villiers, dans son château de Montfort,
au sud d’Auxerre. Parfait cavalier, bon escrimeur, tenace et courageux, Vincent
de Chauvigny se montre habile au jeu viril de la quintaine.
Mais le pays est troublé par la querelle des Armagnacs
et des Bourguignons qui, depuis sept ans, profitent de la faiblesse du pouvoir
royal pour entretenir la guerre civile.
Le sire de Joigny vient à Montfort pour informer
François de Villiers que le roi Henri V d’Angleterre a débarqué en Normandie à
la tête d’une grande armée. Vincent dont le père était vassal du comte
d’Auxerre, désireux de combattre, peut accompagner Joigny. Avec Gérard Hervaux,
le valet de Joigny, il part vers Paris. Au cours de la traversée de la forêt de
Bière, des brigands attaquent. Joigny est blessé à la poitrine, son cheval est
mort et Chauvigny, faisant front tout en protégeant son cheval Ardent, est blessé à la cuisse. Le trio
se retrouve à l’auberge de La Butte Saint- Louis de Bois-le-Roi où un barbier
soigne les blessés.
Après plusieurs semaines, ayant appris que le roi
d’Angleterre avait fait le siège de Harfleur, le trio rétabli se dirige vers
Rouen et retrouve le comte d’Auxerre, en compagnie du sire de Méricourt qui
sympathise avec Vincent.
Aux côtés d’une armée désordonnée et des chevaliers
bourguignons, Joigny, Vincent et Philippe de Méricourt montent vers la Somme où Henri V d’Angleterre a massé dix mille
hommes sur les hauteurs dominant la plaine boueuse d’Azincourt. Les Anglais
plantent de gros pieux en avant de leur camp et attendent.
Sous la pluie, les
Français restent toute la nuit, en selle, dans leur bourbier, avec leurs
lourdes armures sur leurs chevaux enlisés. Il fut facile aux archers anglais,
depuis leur butte protégée, de cribler de flèches chevaux et seigneurs
paralysés sur leurs montures. Chauvigny et ses compagnons sont placés à l’aile
droite sur une prairie où un feu est allumé. Ils combattent. Claude Joigny et
Gérard ont disparu sur le champ de bataille. Méricourt est grièvement blessé.
Mourant, il demande à Vincent de donner une bague au comte Bertrand d’Armagnac et
de l’informer de l’ampleur de ce désastre et du massacre de l’armée française
le 25 octobre 1415. Ce qui fut fait dans le palais de Charles VI à Paris où
Vincent est écoeuré par la continuation de la haine en Armagnacs et
Bourguignons comme si personne ne se souciait du royaume de France.
Le comte d’Armagnac devenu connétable charge Chauvigny
d’une mission de reconnaissance dans l’enceinte de Paris. Il découvre des
villages dévastés et les soldats Armagnacs et Gascons qui l’accompagnent se
vantent sans vergogne d’avoir embrasé ces villages et massacré la plupart des
habitants. A sa grande surprise, Chauvigny retrouve Claude Joigny et Gérard qui
ont échappé à un massacre de prisonniers et lui apprennent que l’armée d’Henri
V s’est rembarquée à Calais. Quelque temps plus tard, Vincent de Chauvigny et
Claude Joigny participent en vain à l’assaut des Anglais à Harfleur. En 1416
l’empereur Sigismond d’Allemagne s’allie à Henri V et lui reconnaît tous les
droits à la couronne de France.
Un jour, dans la rue, Chauvigny sauve le jeune Breton
Antoine Robin des griffes des Gascons et de la potence.
Un an plus tard, le Dauphin Jean de Touraine s’éteint.
Charles, troisième fils de Charles VI
devient Dauphin à 14 ans. Chauvigny et Joigny sont sidérés par sa
laideur et son aspect chétif et souffreteux. Or, deux mois plus tard, Henri V
reprend sa guerre contre Charles VI alors que barons et chevaliers français
sont morts à Azincourt. La guerre civile continue et la reine Isabeau de
Bavière exilée à Tours et qui ne songeait qu’à ses plaisirs crée un
gouvernement hostile à celui de son fils avec l’aide des Bourguignons.
En ami 1418, les Bourguignons entrent dans Paris.
Chauvigny, Joigny, Gérard et Robin se dirigent vers l’hôtel Saint-Paul pour
secourir le Dauphin. Les Gascons viennent aussi soutenir le duc de Touraine. Le
dauphin et son petit escadron doivent affronter des fantassins bourguignons
mais les cavaliers du prévôt de Paris Tanguy du Châtel viennent en renfort.
Quand le dauphin est à nouveau menacé par les Bourguignons, en criant « Montjoie ! Saint
Denis ! », Chauvigny s’élance et dégage le Dauphin. Tanguy du Châtel,
émerveillé par tant de bravoure, adoube lui-même sur le champ Vincent ainsi
accueilli dans l’ordre de la chevalerie avant que le Dauphin ne gagne
Melun.
Bertrand d’Armagnac n’a pas pu fuir et il a été égorgé.
Plus tard, Tanguy du Châtel a été tué par le duc de Bourgogne. Jean Sans Peur
ayant été égorgé lui aussi par Tanguy du Châtel, son fils Philippe le Bon
s’allie aux Anglais. Sous l’impulsion d’Isabeau de Bavière un honteux traité
est signé le 21 mai 1420 entre Charles VI, Henri V et le duc de Bourgogne. Isabeau
et le duc livrent la France aux Anglais.
En septembre 1420, une troupe de 400 hommes commandée
par Vincent de Chauvigny quitte Bourges pour Orléans. Dans la ville, les
cavaliers dispersent ou massacrent les
« misérables routiers » qui s’en prenaient à la veuve de
Philippe de Méricourt et à ses enfants. La veuve se félicite de rencontrer
celui qui a assisté son mari, mort dans ses bras. Elle va accompagner la troupe
vers Melun mais reste à Pithiviers où Geneviève de Méricourt remet une médaille
de Saint Michel à Vincent qui ne tarde pas à apprendre que Melun est tombée.
Henri V et Charles VI décèdent en 1422. Le dauphin
devient donc Charles VII et Chauvigny jouissant d’un grand crédit à la cour est
chargé d’annoncer à Marie d’Anjou qu’elle est reine de France. Quittant
Bourges, Chauvigny en profite pour se rendre chez la baronne de Méricourt. Il y rencontre Geneviève devenue une belle
jeune femme à qui il déclare sa flamme.
En mars 1425, Yolande d’Aragon, « reine de
Sicile » et mère de Marie d’Anjou conseille au roi de choisir Arthur de
Richemont comme nouveau connétable. Il accepte.
Vincent de Chauvigny participe à un tournoi après
avoir fixé à son casque un « gage d’amour » de Geneviève de
Méricourt. Malgré une blessure au défaut de la cuisse, il gagne le tournoi.
Malheureusement, Georges de la Trémoille, nouveau
favori du roi, fastueux et brutal, fait exiler le connétable de Bretagne. Le
roi, abandonné de ses courtisans, n’est plus souverain que de nom. Les Anglais
s’emparent de l’Anjou et du Maine. Madame de Méricourt et Geneviève doivent
quitter la cour pour le duché d’Orléans.
Six mois plus tard, Chauvigny arrive à Loches et
apprend le départ de sa chère Geneviève. Il se rend chez le roi avec Marie
d’Anjou et tous deux arrivent à le convaincre, malgré La Trémoille goguenard,
d’attendre la venue de Jeanne la Pucelle et de rester dans le royaume de
France. A Orléans, Chauvigny retrouve
Geneviève au chevet des blessés. Il revoit aussi Joigny qui s’est marié et
Gérard Hervaux.
En février 1429, bourgeois et chevaliers d’Orléans et
troupe du comte de Clermont veulent s’emparer d’un convoi de harengs destiné
aux Anglais. Mais dés qu’il apprend que Dunois commande les gens d’Orléans, Le comte de Clermont,
jaloux, attaque en désordre à Rouvray les Anglais qui criblent de flèches les
assaillants. Dunois évite seulement la panique mais « La Journée des
harengs » est une défaite qui provoque le départ des nobles.
Un soir que Chauvigny ordonnait un tir de bombardes
sur une bastille anglaise, les cloches annoncent l’arrivée de Jeanne par la
porte de Bourgogne. La jeune fille ne tarde pas à attaquer mais elle est
blessée d’une flèche. Robin, le valet de Chauvigny, se sacrifie pour son maître
en se plaçant devant lui et meurt. Les Anglais, découragés, quittent Orléans et
Vincent et Geneviève se marient à la cathédrale Sainte-Croix mais le combat
continue pour bouter les Anglais hors de France.
Ce récit de Louis Saurel perd de son intérêt quand
l’action s’étire au fil d’une quinzaine d’années. Bien sûr, on retrouve les
scènes classiques du jeu de la quintaine, de l’adoubement, du siège d’une
ville. La bataille d’Azincourt est bien évoquée mais il était inutile d’ajouter
d’autres faits prétendument historiques. Les personnages sont trop nombreux et
trop fugacement décrits pour qu’on s’y intéresse vraiment. Le roman magnifie
surtout les actions des chevaliers (encore que les trahisons et les coups
tordus ne manquent pas), alors que le peuple est bien souvent ignoré, voire
méprisé. Par exemple, quand Chauvigny demande à la soldatesque ce que sont
devenus les vilains des villages embrasés et qu’un crétin digne d’un cul de
basse-fosse lui répond qu’ils ont été « branchés ou jetés à la
Seine », Chauvigny, bien qu’indigné, « jugea cependant préférable de
ne rien dire » !
(Rappelons que les violences des récits historiques "passent" beaucoup mieux que celles du western ou d'autres genres ciblés par les censeurs de la loi de juillet 1949 !)
En outre, Louis Saurel semble prendre beaucoup de
libertés avec la vérité historique.
Ce qui est finalement, le plus intéressant, ce sont
les illustrations évocatrices et soignées de Pierre Joubert.
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