1957 Deux
romans historiques : Colin Lantier
de Jean OLLIVIER et Montjoie ! Saint
Denis ! de Louis SAUREL
Ces deux romans de Jean Ollivier et Louis Saurel publiés
en 1957 ont en commun de situer leur action au moment de la Guerre de Cent ans
(mais avec un écart considérable de six décennies). Ils mettent tous deux en
valeur des jeunes gens vigoureux, hardis et fougueux que l’action guerrière va
transformer peu à peu en hommes d’action même s’ils restent fidèles en amitié.
Mais ces deux récits fort différents défendent des idéologies opposées, des
intérêts et des catégories sociales bien différentes, voire opposées.
D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Colin
Lantier, illustré par Daniel Billon, est publié dans la collection
« Mille épisodes » des éditions communistes La Farandole et si Montjoie ! Saint Denis !,
illustré par Pierre Joubert, est édité dans la collection Jean-François des
éditions catholiques Fleurus associées à Gautier-Languereau.
I Colin
Lantier de Jean Ollivier ou la défense des Jacques
En l’an 1358, dans la ville de Paris, le prévôt des
marchands Etienne Marcel, soutenu par les bourgeois et les métiers, a fait fuir
le dauphin Charles à Compiègne mais la situation reste confuse. Le roi fourbe
Charles de Navarre refuse la couronne de France que lui propose Etienne Marcel,
tout en restant l’ennemi du dauphin. En fait, on le soupçonne de vouloir livrer
Paris au roi d’Angleterre.
Le Parisien Colin Lantier est, au printemps 1358, un
jouvenceau de 15 ans et le fils d’un enlumineur. Orphelin de mère, il est déjà
un archer habile comme il le prouve en atteignant mieux sa cible que le
capitaine des archers du guet royal Gautier Malleraie. Il est prompt à défendre
l’injustice et à apporter son aide aux hommes libres comme au Compiégnois Audry.
Venu à Paris pour rencontrer le prévôt Etienne Marcel, Audry a réussi à
échapper, malgré une blessure, aux hommes de Malleraie.
Réfugié dans l’église Saint Séverin, Audry apprend à
Colin le drame des paysans attachés à la glèbe et la dure vie de la campagne
alors que les gens « habitaient des cabanes noires où les enfants
grandissaient comme des bêtes ». Mais le fourbe sacristain Jauneau informe
Malleraie de la cachette du blessé. Malleraie et ses hommes, déjà rossés par
Audry, se rendent à l’église. Le bûcheron de Compiègne, réfugié dans un
escalier, se défend vaillamment malgré sa blessure et reçoit l’aide de Colin
qui atteint d’une flèche Malleraie sous l’omoplate et fait fuir ses
acolytes.
Soutenu par Colin, Audry parvient à rencontrer Etienne
Marcel pour l’entretenir du sort des laboureurs et paysans de Ribécourt, dans
l’Oise, à la fois victimes du seigneur, de l’Anglais et des troupes du dauphin.
Audry comprend vite qu’il n’y a rien à attendre de Marcel méprisant les choses
de la terre. Le hors la loi convaincu que la liberté se gagne avec l’arc et les
flèches quitte Colin qui retrouve son père inquiet mais fier de son fils.
Il croit le protéger en l’envoyant chez son frère
Louis à Saint-Leu-de-Serans. Sur la route, il faut éviter les cavaliers anglais
et Colin découvre les ravages de la guerre, les champs désolés, les toits de
chaume crevés et la colère des hommes contre les puissants…
Tandis que Colin s’est endormi dans un arbre de la
Croix des hêtres, son oncle Louis a quitté son village pour assister au
rassemblement des villageois prévu dans cette forêt qui se peuple peu à peu des
vilains venus de tous les villages environnants du Beauvaisis. Un homme nommé
Guillaume Carle dont les enfants ont été pris par le seigneur appelle à la révolte et à l’incendie des
châteaux. Colin descendu de son arbre se joint à l’assemblée qui, en apprenant
l’incendie du village de Précy, décide de marcher sur Cramoisy dont le seigneur
Robert a fait brûler toutes les maisons et fait main basse sur le bétail. Bûcherons
porteurs de fagots et laboureurs manoeuvrant un énorme bélier, s’avancent vers
le castel en dépit des flèches et des pierres jetées des murailles. Les Jacques
pénètrent dans la cour et le fer des
cognées heurte le fer des épées. Le sire de Cramoisy est tué et la flamme
dévore les archives puis tout le château de Cramoisy.
Au château de Compiègne, le dauphin Charles dont le
père est prisonnier dans Londres s’ennuie. Il reçoit la visite de Gaultier
Malleraie qui l’informe qu’Etienne Marcel occupe Le Louvre et lui conseille de
battre Charles de Navarre sur son propre terrain, celui de la duplicité.
Le capitaine Pied-de-Fer et ses cavaliers s’en
prennent aux Jacques qu’ils criblent de flèches avant leur fuite vers la forêt.
Colin retrouve Audry qui l’engage dans sa troupe avec l’assentiment de
Guillaume Carle. Le soulèvement des paysans prend son essor et vole de village
en village et la révolte gonfle tandis que des castels tombent et flambent de
l’Yonne à la Somme.
Avant de s’attaquer au château de Mello, Colin propose
de s’approcher seul du castel, seulement suivi de loin par le gros Verneuil.
Mais le jouvenceau est surpris par les hommes de Malleraie et emmené devant le
baron de Mello qui consent à le faire pendre. Dès le lendemain, Colin est
conduit au gibet. Prévenus par Verneuil, Les hommes d’Audry, lui-même étant caché
dans le clocher de la chapelle, lancent leurs flèches de tous côtés sur la
garnison du château dont les portes sont fermées de l’extérieur. Des flèches
enflammées mettent le feu partout tandis que Colin se réfugie dans la chapelle.
Grâce à un souterrain, tous les Jacques fuient tandis que le château continue
de brûler.
La ville de Meaux dont le marché est prospère a été
prise par les Jacques grâce aux manoeuvriers qui leur ont ouvert les portes. Mais
les cavaliers du comte de Foix ont vaincu, pillé et massacré la population
de la cité mal gardée. Audry et Colin qui se dirigent vers cette ville
découvrent avec surprise depuis une crête que plus de vingt brasiers sont
allumés. Dès lors, Colin, l’ancien garçon enthousiaste est transformé en un
adolescent révolté. Normandie et Flandre, Picardie et Angleterre, dauphin et
Navarre sont réconciliés pour s’en prendre au peuple. La guerre paysanne a fait
nombre de victimes et Etienne Marcel n’a pas tenu ses promesses et n’a rien
fait pour aider les villageois. Guillaume Carle, trompé par Navarre qui a fait
attaquer traîtreusement les Jacques, est capturé et chargé de fers avant qu’on
le torture et qu’on lui tranche la main puis la tête. Deux flèches tirées par
Audry et Verneuil traversent le corps de Gaultier Malleraie. Colin décide de
continuer la lutte contre l’injustice des grands.
Ce récit extrêmement évocateur est bien écrit. Jean
Ollivier possède un art de conter qui lui permet d’insérer ses personnages dans
un cadre crédible, tantôt urbain, tantôt rural, parmi une faune et une flore qu’il connaît
parfaitement. Ce roman d’aventures sur fond historique est toujours vivant tant
il restitue les usages de l’époque et le sort peu enviable du peuple
maltraité.
L’auteur traitera le même thème de la révolte des
Jacqueries en 1983 dans l’ouvrage Debout
les Jacques ! également publié à La Farandole.
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