samedi 16 janvier 2010

Pilote et la crise de 1971 : Une première mort annoncée



Ces quelques images veulent rendre compte des métamorphoses du journal hebdomadaire Pilote qui présente la particularité unique de passer, en 15 ans, d'un lectorat préadolescent puis adolescent, à un public adulte



Une polémique, grave de conséquences plus lointaines pour l'hebdomadaire Pilote, éclate en 1971, avec sa mise en cause par un article du quotidien Le Monde, envenimée par une attaque virulente de François Cavanna dans Charlie Hebdo. René Goscinny qui, avec Jean-Michel Charlier, dirige Pilote, avait changé « Le Journal d'Astérix » après 1968, en « Journal qui s'amuse à réfléchir ». Il avait engagé en 1966 des dessinateurs de Charlie Hebdo, animé par Cavanna et frappé alors d'une lourde interdiction : Cabu, du mensuel Hara-Kiri dès sa création en 1960, Gébé (alias Georges Blondeaux) et Reiser. Fred, un des piliers du premier Hara-Kiri, avait déjà rejoint Pilote début 1966 (et sans aucun regret), pour y publier le fantastique Philémon, héros précurseur de la fantasy. Des interdictions ont menacé plusieurs fois la survie du journal « bête et méchant », Hara-Kiri. Une première crise avait aussi frappé le journal Pilote, après mai 1968, quand Goscinny, à la suite d’un fâcheux concours de circonstances, avait dû affronter seul une partie de la rédaction érigée en une sorte de tribunal.
Finalement, Gérard Pradal est rédacteur en chef « technique », Charlier est nommé rédacteur en chef littéraire et Goscinny accepte le poste de directeur de la publication. Il propose alors « un journal de type nouveau, avec prise directe sur la vie, réunions de rédaction, pages d'actualité, etc. » C’est l'occasion enfin de faire de Pilote un laboratoire d’expériences graphiques et un journal satirique, en somme une sorte de Mad (revue satirique américaine), à la française. Mais l'ambiance a changé, et l'émission radiophonique d'Europe 1 en 1969 où renaît la mythique « joyeuse bande de copains » dont font partie Gébé et Gotlib, fait illusion. Vont donc s'accentuer dans le journal, les thèmes d'actualité traités par des équipes si diverses que le critique Pierre Lebedel, en examinant le journal de janvier 1970 à février 1973, a pu relever « la collaboration de cent trente-huit dessinateurs et scénaristes qui, pour la moitié au moins, sont devenus des "vedettes" ». Le 22 avril 1971, l'équipe a travaillé sur le thème de la Saint Georges et fêté le président Pompidou, à qui elle consacre huit pages d'illustrations, parfois caustiques, et dénuées de complaisance. Bien plus tard, sous la rubrique « Politique », le 8 septembre 1971, Le Monde titre, sous la plume de Noël-Jean Bergeroux, : « M. Pompidou épaule Astérix ». Le plus intéressant n'est pas que le chef politique du quotidien parisien accuse Pilote, « le journal que l'on croyait destiné aux enfants », de récupération, avant tout commerciale, de la politique, ni même d'affirmer que « Reiser et Cabu donnent à Pilote ses dessins de noblesse du côté de la contestation et du non-conformisme ». Noël-Jean Bergeroux met surtout le doigt sur la particularité d'un journal qui veut à la fois élargir son public tout en gardant « la clientèle des enfants » (encore que le terme « adolescents » serait plus approprié). Cette critique met en évidence la situation ambiguë et peu confortable d'un journal qui a peu à peu changé de lectorat sans l'avoir jamais annoncé clairement. De nombreux dessinateurs de Pilote, engagés dans « la recherche d'une nouvelle formule », à la lecture de la critique du Monde, montrant un journal en porte-à-faux avec son public, ne pourront que voir s'accroître leur malaise. De fait, Pilote est un journal désormais bâtard, même si son contenu hétéroclite dénote une forme d'humour pluriel. René Goscinny, tout en guérissant les adultes d'une lecture des « petits mickeys » vécue comme une maladie honteuse, a fait considérablement évoluer le genre, même strictement conçu pour la jeunesse. En 1972, le directeur-scénariste croit avoir opéré sans dégâts la « transformation, à peu près unique dans la presse française » du journal. La création de deux journaux, l'un privilégiant les séries de bande dessinée, destiné à un public jeune, l'autre tourné, selon les vœux de Goscinny, vers l'humour un peu grinçant inspiré par la revue américaine Mad et une clientèle plus âgée, avait été envisagée, en particulier par Jean-Michel Charlier, opposé depuis toujours au mélange des genres : « J'avais proposé qu'on crée un second journal qui soit, pour les plus âgés, la suite normale de Pilote (...) » confie-t-il à Guy Vidal. Jacques Goimard, en janvier 1971, écrivait dans Le Monde : « En France, des séries récentes ont réduit l'écart qui séparait enfants et grandes personnes : Astérix ou Lucky Luke contiennent des allusions nécessitant une lecture au second degré, fondée sur des références précises que seuls détiennent des adultes cultivés. » La page polémique de M. Bergeroux ne pouvait pas laisser les auteurs de Pilote indifférents. En décidant de répliquer bon gré mal gré, dans les pages de Pilote n° 621, daté du 30 septembre, on peut dire que l'équipe plutôt contrainte par Goscinny, a fait le plus mauvais choix, la meilleure solution étant sans doute de ne rien faire. L’affaire s'envenime le 11 octobre lorsque Cavanna, dans Charlie Hebdo n° 47, fait mine de s'étonner que Le Monde parle du journal Pilote « Comme repoussoir ». Il ajoute méchamment : « Pilote, vous savez bien : ce truc dans le genre Pif le Chien mais chef d'escadrille. Ce mal qu'il en dit ! Il a vraiment beaucoup de goût, Bergeroux. Il sait même reconnaître ce qui est caca. » En fait, Cavanna veut obliger les dessinateurs Cabu, Gébé et Reiser à rejoindre son journal. Ce père abusif exige davantage : qu'ils travaillent « en exclusivité » pour les éditions du Square. Ils vont d'ailleurs quitter définitivement Pilote au mois de février 1972. Or, René Goscinny déclarait en 1972 : « La bande dessinée a fini par abattre des tabous, des barrières et des préjugés. » C'est évident aussi que le journal Pilote a vieilli avec ses lecteurs qui ont continué à lui être fidèles au-delà de leur première adolescence. Cette première crise larvée se soldera plus tard par le départ de créateurs originaux qui se sentaient bridés, et par la mensualisation du journal en 1974. Il en résultera surtout la création de revues nettement pour adultes, comme L'Echo des savanes (en mai 1972), Fluide glacial (1975), et (1975), confirmant, avec la création complémentaire des revues Circus (1975) et A suivre (1978), la confiscation de la bande dessinée par les adultes. La bande dessinée juvénile, mise sous une surveillance étroite depuis 1949, reconnue et sortie des « lectures honteuses », grâce à des hommes comme Goscinny et Hergé, surtout au début des années 60, est en train d’échapper à son public originel, celui de la jeunesse.

vendredi 15 janvier 2010

Le journal Pilote a (un peu plus de) 50 ans


Un peu agacé par la fixation médiatique sur les 50 ans d'Astérix, aux dépens du cinquantenaire du journal qui l'a publié, en l'occurence Pilote, j'ai rédigé un petit courrier pour "Vosges matin". En voici les réferences :

http://www.vosgesmatin.fr/fr/permalien/article/2167613/Si-Asterix-a-50-ans-il-n-est-pas-le-seul.html

Voici le texte du courrier (revu et augmenté) :

L’arbre d’Astérix ne doit pas cacher la forêt du journal Pilote

Si Astérix a cinquante ans, il n’est pas le seul. Les opérations commerciales du mois ne doivent pas masquer le fait essentiel : la naissance du journal Pilote, le 29 octobre 1959. Si cette parution, hebdomadaire de 1959 à 1974, a révolutionné la bande dessinée, rien ne laissait présager le phénomène. Au départ, une triple association. A la tête de la rédaction, le publicitaire François Clauteaux et Raymond Joly de Radio-Luxembourg, la station qui lance le journal et fait intervenir des journalistes (Barnier, Carlier, Bellemare…). Vient ensuite le quatuor formé par Jean Hébrard, Charlier, Goscinny et Uderzo. Deux imprimeurs de Montluçon apportent des capitaux. Au départ, Pilote est loin d’être un pur magazine de bande dessinée. On ne relève que 10 pages de bandes dessinées sur un total de 32. Mais on y rencontre déjà Astérix le Gaulois de Goscinny et Uderzo, Michel Tanguy de Charlier et Uderzo et Le Démon des Caraïbes (Barbe-Rouge) de Charlier et Hubinon. Le Petit Nicolas (né plus tôt, scénarisé par Goscinny), créé par Sempé, apparaît dès le n° 1 du magazine. Notons que les bandes dessinées sont à 100 % françaises, ou plutôt francophones, beaucoup d’auteurs venant de la B.D. belge. Conçu au départ pour s’adresser aux adolescents, le journal n’évoque que l’actualité des sports, de la technique et des sciences, une actualité souriante ou anecdotique (mais pas un mot sur la guerre d'Algérie).
Piégé dès 1960 par les NMPP qui gardent les invendus avant de les rapporter en bloc, la publication, déjà mise en péril, est vendue pour 1 franc à Georges Dargaud, éditeur de Tintin. Goscinny est nommé directeur de la rédaction et Charlier devient directeur artistique. En 1961, la sortie des premiers albums (L’Ecole des Aigles, Le Démon des Caraïbes et Astérix le Gaulois) est chichement limitée par Dargaud à 6 000 exemplaires !
Cabu, embauché par Goscinny en 1962 (après que Hara-Kiri a subi une 1ère interdiction) , publie ses premiers Carnets de croquis où apparaît le Grand Duduche (archétype du potache). En 1962-63, Marcel Bisiaux, nouveau rédacteur en chef met en péril le « magazine des jeunes de l’an 2000 », en voulant copier Salut les copains, avec à la Une, des vedettes de la chanson. Cette mode insistante du yé-yé (désapprouvée par Goscinny) risque d’être fatale. Dargaud renvoie Bisiaux, menace de saborder Pilote et appelle Goscinny et Charlier pour sauver le journal. Ils deviennent corédacteurs en chef en septembre 1963. Pilote va enfin pouvoir devenir un véritable journal de bandes dessinées et faire appel à davantage d’auteurs représentatifs de la bande dessinée française. Charlier et Jean Giraud débutent les aventures du lieutenant Blueberry et Greg apporte Achille Talon. En 1964, Pilote se consacre de plus en plus à la bande dessinée en multipliant, en plus des séries à succès, les histoires complètes, humoristiques ou réalistes. L’année suivante arrive Fred, venu de Hara-Kiri, qui va proposer Philémon. Gotlib ne tarde pas à mettre en images Les Dingodossiers de René Goscinny, (avant La Rubrique-à-brac qu'il crée en solitaire).
C’est en 1965 que naît le « phénomène Astérix » dans la grande presse. Le Tour de Gaule d’Astérix est alors tiré à 300 000 exemplaires. L’hebdomadaire de 48 pages (dont 30 pages de bandes dessinées) devient « Le Journal d’Astérix et d’Obélix » en juillet 1965. En 1966, après une nouvelle interdiction de Hara-Kiri, arrivent Reiser et Gébé. La crise de Mai 68 va provoquer l'attaque injustifiée de Goscinny, considéré comme "le patron" et la naissance des pages d’actualité. Le journal ne cesse pas d’évoluer, de grandir avec ses lecteurs, d’accepter des auteurs très divers que seul peut fédérer l’enthousiasme attentif et compétent de Goscinny. Une deuxième crise grave naît le 8 septembre 1971 quand Noël-Jean Bergeroux titre dans "Le Monde", : M. Pompidou épaule Astérix et attaque violemment Pilote. Après la réplique de Pilote le 30 septembre, Cavanna intervient méchamment le 11 octobre dans Charlie-Hebdo où il déclare avec une mauvaise foi étonnante que "Pilote est mauvais". En fait, il veut récupérer Gébé, Cabu et Reiser en exclusivité.
Pilote, devenu une sorte de laboratoire d'expériences graphiques, connaît à la fois un nouvel âge d'or et des départs d'auteurs qui vont créer bientôt leurs propres journaux : L'Echo des savanes, Métal Hurlant, Mormoil et Fluide glacial... L'hebdomadaire devient un mensuel pour adultes au cours de l'année 1974.


En outre, le Centre Rocambole d'Amiens m'a demandé d'intervenir au cours d'une journée consacrée à "La littérature populaire dans les illustrés pour la jeunesse au vingtième siècle"
La rencontre, intitulée "De L'Epatant à Pilote" a eu lieu Place Louis-Dewaily, à Amiens, le 23 novembre 2009.

La revue Le Rocambole publiera le compte-rendu des interventions en 2010.

Cette journée est signalée à plusieurs endroits sur Internet, par exemple :

http://www.lerocambole.com/index.php?num=37&PHPSESSID=023756e1258ac232e25557f92f195cc1

http://www.paperblog.fr/2360682/de-l-epatant-a-pilote-la-litterature-populaire-dans-les-illustres-pour-la-jeunesse-au-xxe-siecle/

jeudi 14 janvier 2010

La revue Je bouquine, de 1996 à 2010


Dans la page précedente, nous avons choisi un certain nombre d'auteurs publiés dans Je bouquine, des origines, en 1984, à 1995.

Voici une sélection d’auteurs contemporains qui se sont soumis aux contraintes du récit illustré, publié par la revue Je bouquine, de 1996 à 2010.

Jean-Jacques GRIEF, Brigitte PESKINE, Bernard CLAVEL, Brigitte AUBERT & Gisèle CAVALI, Tonino BENACQUISTA, Anthony HOROWITZ, Régine DETAMBEL, Christian GRENIER, Florence REYNAUD, Patrick DELPERDANGE, Jean-Philippe ARROU-VIGNOD, Marie-Sabine ROGER, Khétévane DAVRICHEVY, Gisèle PINEAU, Jean-Noël BLANC, Anne GAVALDA, Maud TABACHNIK, GUDULE, Marie-Hélène DELVAL, Brigitte SMADJA, Roger JUDENNE, Rachel HAUSFATER & Yaël HASSAN, Mikaël OLLIVIER, Franck PAVLOFF, Xavier-Laurent PETIT, Christian de MONTELLA, José-Louis BOCQUET, Erik L’HOMME, Johan HELIOT, Fabrice COLIN.

Certains auteurs ont disparu : Robert ESCARPIT (auteur du 1er récit publié : L'Enfant qui venait de l'Espace, avril 1984), BOILEAU-NARCEJAC (Le Soupçon, 1984), Jean COUE (L'Infini des sables, 1985), Michel GRISOLIA (Menace dans la nuit, 1988), Robert BOUDET (Bastille, mon amour, 1989), Michel-Aimé BAUDOUY (Voleurs de chevaux, 1991) Frédéric FAJARDIE (La Planque, 1992), Geva CABAN (Comme un loup,2002) et tout récemment, Pierre BOTTERO (Les Aigles de Vishan Lour, 2005).

Il faudrait rendre compte aussi de la multitude d'illustrateurs talentueux qui ont mis en images tous les écrits de ces auteurs.

Pour en savoir plus, consulter, outre l'article de NVL, "Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle", pp. 343-344 et "Littérature de jeunese et presse des jeunes au début du XXIe siècle", pp. 516-518. On y trouvera l'évocation des illustrateurs, absente de ces pages consacrées sur le blog à la revue (pour l'instant !).

mardi 12 janvier 2010

La revue "Je bouquine", ouverte à la littérature jeunesse




Née en 1984, chez Bayard Presse, la revue "Je bouquine" continue, avec succès, son petit bonhomme de chemin. Mais elle fait appel à de nouveaux auteurs, illustrateurs et illustratrices, sans oublier les aînés. On pourrait, sans trop exagérer, conseiller une initiation à la littérature jeunesse contemporaine, en parcourant l'Histoire de cette revue, tant les récits et les auteurs sont représentatifs des genres appréciés par les préadolescents et les adolescents (de 10 à 15 ans).

Qui aurait pu, en dehors de cette revue, réunir sur un même support de si divers auteurs contemporains, cités, choisis en suivant les numéros et qui se nomment : Yvon Mauffret, Evelyne Brisou-Pellen, Pierre Pelot, Jean-Côme Noguès, Joelle Wintrebert, Daniel Pennac, William Camus, Patrick Grainville, Fiorda, Leïla Sebbar, François Sautereau, Maryse Condé, Jean-Paul Nozière, Paul Thiès (entre avril 1984 et novembre 1987).

Entre 1988 et 1995 apparaissent Claude Michelet, Patrick Modiano, Jacqueline Mirande, Jean-Marc Ligny, Anne-Marie Pol, Joseph Périgot, Marie-Aude Murail, Alain Gerber, Malika Ferdjoukh, Irina Drozd, Lorris Murail, Fanny Joly, Michel Tournier, Michel Amelin, Jean-François Ménard (oui, le traducteur de Harry Potter), Bertrand Solet, Hubert Ben Kemoun, Gérard Moncomble, Hervé Jaouen, Bertrand Visage, Pascal Garnier, Marie Deesplechin, Patrick Mosconi...

Nous reprendrons la suite de la liste un autre jour...

Voici une petite synthèse publiée sur le site de Citrouille et rédigée à partir d'un article que j'ai fait paraître en avril 2004, dans la revue "Nous voulons lire" n° 154, sous le titre : "La revue "je bouquine" fête ses 20 ans" :


http://www.citrouille.net/iblog/B278968955/C1514699025/E114028426/index.html

(mais le lien semble rompu ou difficile à établir, sauf en utilisant 123 people).

Une revue ouverte à la littérature jeunesse : JE BOUQUINE

La revue Je bouquine est née en 1984, chez Bayard Presse. En 2010,elle continue, avec un succès mérité, son petit bonhomme de chemin sans avoir eu besoin de changer sensiblement sa formule. Mais elle fait appel aux nouveaux auteurs et aux nouveaux illustrateurs (et illustratrices). on pourrait, sans exagérer, suggérer de commencer une initiation à la littérature jeunesse contemporaine à gravers son Histoire.

Voici un petit aperçu concernant la 1ère partie de son existence.

http://www.citrouille.net/iblog/B278968955/C1514699025/E114028426/index.html

Cette synthèse a été conçue à partir de l'article que j'ai publié dans la revue Nous voulons lire ! n° 38, en avril 2004, sous le titre : La revue "Je bouquine" fête ses 20 ans.

vendredi 8 janvier 2010

Presse des filles Chronologie


A Toulouse, la ville de Claude Nougaro (en couverture de Top Réalités Jeunesse en 1962) Cette conférence m'incitera à ajouter, dans mon essai : Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle (L'Harmattan, 2009), un chapitre intitulé : Essor et déclin de la presse des filles (pp. 215-223).

Pour comprendre l'évolution de cette presse des filles, du début du XXe siècle à 2003, une synthèse chronologique s'impose.


Sélection chronologique :

1905 - La Semaine de Suzette (H) (fév. 1905-6 juin 1940 ; mai 1946-août 1960) (Gautier-Languereau)
1909 - Fillette (H) (21 oct. 1909-8 mars 1942, 2 mai 1946-juil. 1964) (Offenstadt puis SPE)
1914 - Bernadette (1ère tentative : 31 numéros seulement) (La Bonne Presse)
1919 - Lili (H) (1919-1926)
1921 - Lisette (H) (17 juil. 1921-15 mars 1942, 1946-1964) (Petit Echo de la Mode, Ed. de Montsouris)
1923 - Bernadette (H) (4 mars 1923-1940, 1946-29 déc. 1963) (Maison de la Bonne Presse)
1937 - Ames Vaillantes (H) (8 déc. 1937-6 août 1944, 29 sept. 1946-3 oct. 1963) (Fleurus)
1946 - Ames Vaillantes (H)(1946-oct. 1963) reparution, (Fleurus),
- Bernadette (déc. 1946-déc. 1963) reparution (Bonne Presse) remplacé par Nade
1946 - Lisette (H) ( 1946-1964) (Ed. de Montsouris)
- Fillette (H) reparution, (S.P.E.) (avec "Durga Rani, La Reine des jungles", Pellos) (1946-1964).
- La Semaine de Suzette (H) (30 mai 46-août 1960) reparution, (Gautier-Languereau)
1953 - Mireille (BM, H, BM, M) (1953-1964). (Ed. de Chateaudun, puis Del Duca)
1955 - Capucine (M puis BM) (mai 1953-déc. 1955) (Remparts) 57 numéros
- Line (H, puis BM), petite soeur de "Tintin" (10 mars 1955-déc. 1963) Belgique/France Ed.Raymond Leblanc…
1959 - Rallye-jeunesse (M) (1959-1966) (mag. catholique pour 14-17 ans, Bonne Presse).
1960 - Vingt ans - Magazine (M) (revue de mode et de beauté pour les jeunes filles "modernes")
1963 - J2 Magazine remplace Ames Vaillantes (oct. 1963-sept. 1974)
1964 Succédant à Bernadette apparaît Nade (1964-1973) jumelé avec Lisette qui fusionnera ensuite avec Mademoiselle Caroline pour former Lisette et Caroline.
- Mademoiselle âge tendre (Daniel Filipacchi)
- Jeune fille magazine (M)
1965 - Quinze ans-Fillette (M) (oct. 1965-sept. 1980 ou 1982 ?) fusionne avec Salut.
1972 - Stéphanie puis Nouvelle Stéphanie.
1974 - Djin (H) succède à J2 Magazine (oct. 1974-sept. 1981) (Fleurus) et
deviendra Triolo, en 1981.
1994 - Minnie Mag (M) Filles de 9 à 13 ans Disney Hachette Presse
1998 - Julie (Vive les filles de 8 à 12 ans) (M) (Milan Presse) (Mikado disparaît)
1999 - Les P'tites sorcières (M) (fillettes de 8 à 12 ans) « nous, on aime la lecture » Fleurus Presse
2001 - Lolie (M) (pour les filles de 12 ou 13 à 16 ans) (Milan Presse)
- Winnie Lecture (Bimestriel) (6-7 ans) Disney Hachette Presse
2003- Manon (août 2003) (fillettes, dès 6 ans) " drôl’ment fille",
Editions MILAN PRESSE
- Les P’tites princesses (M) (sept. 2003) (5-8 ans) "presse enfance" Fleurus Presse
- Witch Magazine « le magazine interdit aux garçons », remplace Minnie Mag

Presse des jeunes, presse des filles

Naissance des illustrés pour "fillettes", de 1905 ("La Semaine de Suzette" et l'incontournable Bécassine) à la fin des années 30

Du début des années 40 ("Lisette" montre des camps de concentration polonais le 9 juin 1940, quelques jours avant l'invasion allemande), au coeur des années 50. On peut remarquer sur ces couvertures, les illustrateurs René Levesque (alias Le Rallic), Manon Iessel, Pellos, le grand Calvo, Maggie Salcedo, François Bel et Erik.

Au coeur des années 50, c'est l'époque ou les journaux pour filles sont les plus nombreux mais ils sont souvent les "pendants féminins" des journaux pour les garçons. Parmi les illustrateurs, retenons, Romain Simon (rare dans la presse), Loys Pétillot, Alain d'Orange, Yvan Marie, Julio Ribera et Roger Bussemey...


Le journal pour filles ne met plus la bande dessinée à la Une. La publication féminine devient davantage un magazine mais le déclin est proche.
Quand Julie paraît en 1998, le groupe de presse novateur Milan engage une courageuse renaissance de la presse des filles.
Si peu d'ouvrages proposent des synthèses contemporaines sur les journaux pour jeunes, les essais qui s'attardent sur la presse des filles, pour en dresser un panorama satisfaisant, sont encore plus rares.

Sans doute est-ce pour cette raison que des bibliothécaires de Toulouse m'ont fait venir des Vosges pour parler retracer "un siècle d'histoire de la presse pour les filles". C'était pour moi, ce vendredi 10 novembre 2008, l'occasion de découvrir la magnifique ville rose, posée sur la Garonne, superbement chantée par Claude Nougaro.


C'est autour de l'exposition "C'EST EPATANT ! 80 ans de presse pour les jeunes" qu'avait été organisée cette conférence, effectuée à la Bibliothèque d'Etude et du patrimoine de Toulouse.

Voici quelques couvertures d'illustrés et de magazines, dans un ordre plus ou moins chronologique, pour donner une idée de la variété de cette presse, très présente jusqu'en 1960 environ. Il faudra attendre la naissance de Julie, chez Milan, en 1998, pour qu'apparaisse une nouvelle vague de journaux fort différents et adaptés à leur époque.

La Presse des filles de 1905 à nos jours. Introduction

L’approche de la presse des filles et fillettes n’est pas aussi aisée qu’elle peut paraître à première vue, même si l’on respecte son développement et son évolution au fil des décennies.
Surtout dans la 1ère grande partie de son existence dans les sept premières décennies du XXe siècle, elle a été très peu considérée et étudiée. Seule La Semaine de Suzette, en raison sans doute de la notoriété du personnage de Bécassine a donné lieu à plusieurs études qui n’échappent pas toujours d’ailleurs à « l’effet nostalgie », susceptible de charger de subjectivité ces approches.
Tout est une question de point de vue et il n’est pas commode de déterminer la perspective la plus pertinente.
Certains voudront surtout se focaliser sur la présence persistante des stéréotypes masculins et féminins et sur la participation consciente ou inconsciente de ces journaux et magazines dans la construction d’une identité de fille ou de garçon. Aujourd’hui, les études de Pierre Bruno et de Corinne Destal semblent surtout fondées sur cette focalisation.
Souvent, cette presse des jeunes n’a été étudiée qu’en fonction de son contenu en matière de bandes dessinées. C’est le cas le plus fréquent, tant l’histoire des illustrés a marqué au moins les six ou sept premières décennies du XXe siècle. C’est ce que font Bera , Denni, Mellot dans les édition successives du B.D.M. et les spécialistes de la bande dessinée, comme Patrick Gaumer et Henri Filippini.
Les scénaristes et dessinateurs de B.D., connus ou anonymes, réalisent-ils des bandes de même qualité pour les journaux masculins et pour les journaux féminins ? La question mérite d’être (enfin) posée.
Jusqu’ici, alors qu’il s’agit pourtant d’un constituant fort, quelle que soit l’époque, personne n’a envisagé l’importante prépublication de romans, (et l’on sait que les filles ont toujours été davantage attirées par les fictions que les garçons), ces récits servant de prépublication avant la parution en livres.En effet, des collections de romans, voire d’albums de bandes dessinées, ont accompagné ces publications ? Par exemple, "La Bibliothèque de Suzette" pour La Semaine de Suzette, (sans compter les albums de Bécassine et de Nane), la collection "Monique" pour Ames vaillantes, les collections "Printemps" (alimentée aussi par les journaux Guignol et Pierrot) et "Lisette" pour l’hebdomadaire homonyme, né en 1921. Fillette a donné lieu aux albums des séries de bande dessinée, Aggie, Lili, Oscar, Miki

Nous avons essayé de croiser ces différents points de vue tout en essayant de mettre en évidence les fortes particularités de chaque publication, étant entendu que l’analyse sera toujours sujette à caution du simple fait que l’on ne peut consacrer qu’un temps limité à chaque journal et surtout, du fait que l’on connaît rarement toutes les périodes de la vie d’un journal, les choix nécessairement ponctuels n’étant pas une garantie de pertinence.

On peut distinguer grossièrement trois périodes.
La 1ère qui va de 1905 aux années 60 voit le développement d’une presse féminine juvénile catholique ou commerciale. C’est davantage l’époque, pour ce type de journaux, des romans à épisodes et des récits illustrés que celle de la bande dessinée, plus fréquente dans les publications masculines
La 2e période voit l’essor d’une presse mixte, plus spécialisée et respectant davantage l’échelle des âges, ce qu’on appelle « le chaînage ». Une période dominée par la presse dite « mixte » s’intercale donc entre la fin de la presse généraliste et spécifique développée, du début du siècle aux années 70 et sa renaissance.
D’ailleurs, on donne souvent à la cette fin de période des limites floues ou abusives. Certes, La Semaine de Suzette s’arrête en 1960, Line en 1963 (avant de fusionner avec Age tendre), Fillette (si l’on ne tient pas compte de Quinze ans), en 1964, comme Mireille (1953-1964). Mais Bernadette perd son titre fin 1963 pour devenir Nade et Lisette, jumelée avec Nade en 1964, font cause commune jusqu’en avril 1973, Lisette fusionnant alors avec Mademoiselle Caroline pour former Lisette et Caroline jusqu’en août 1974. Quant à l’hebdomadaire Ames vaillantes, s’il perd son titre en octobre 1963, il se prolonge, chez Fleurus, à travers J2 Magazine (1963-septembre 1974), puis Djin (1974-1981), jusqu’à la naissance de Triolo.
Puisque la majorité des journaux juvéniles féminins cessent de paraître au-delà de 1964, on peut néanmoins admettre le déclin de cette presse au cours de la décennie des années 60.

La 3e période qui démarre avec le retour d’une presse pour les filles débute en 1998 avec Julie, une publication du groupe toulousain de Milan Presse, toujours vivace en 2010.

mercredi 6 janvier 2010

Romain Simon, illustrateur animalier d'origine lorraine







Vous connaissez sans doute l'illustrateur animalier Romain Simon (Malzéville, 1916-Salon-de-Provence, 2007), même si son nom est loin d'apparaître toujours sur la couverture des ouvrages qu'il a illustrés ou entièrement réalisés.


Comme on a ignoré jusqu'à ce jour son lieu de naissance, Malzéville dans la banlieue de Nancy, et surtout la date de son décès (aucun de ses nombreux éditeurs ne l'a fait connaître), le 4 avril 2007, à Salon-de-Provence, il m'a paru utile de dresser un petit panorama de son oeuvre et de ce que j'ai pu glaner sur son existence.


Certes, son oeuvre n'a rien de révolutionnaire. Il a appliqué avec conscience et honnêteté ce que ses maîtres lui ont appris mais en se dégageant peu à peu d'un certain réalisme documentaire ou pédagoqique pour laisser éclater plus de fantaisie, de poésie et de joie de vivre. Ses livres sont toujours très agréables à regarder et laissent fréquemment percer une grande tendresse. Son amour des animaux qui transparaît à chaque page pouvait difficilement, à l'époque, éviter l'anthropomorphisme. Cela d'autant moins que La Fontaine et le Roman de Renart sont pour lui, à la fois deux grandes sources d'inspiration et de champs d'application de son art.


On pourra encore objecter qu'il existe de nombreux illustrateurs et illustratrices qui sont ses contemporains et dont l'oeuvre n'est pas clairement mise à jour. Citons, au hasard : Henri Dimpre, Paul Durand, François Batet, Jeannes Hives, Elisabeth Ivanovsky, Simonne Baudouin, Raoul Auger (présent sur Wikipédia), Albert Chazelle, Marianne Clouzot, Albertine Deletaille, Adrienne Ségur, Jacques Pecnard, Jean Reschovsky, Pierre Rousseau, Maurice Toussaint... Précisons que les illustrateurs qui ont oeuvré parallèlement dans la bande dessinée sont, en général, mieux connus.

Cela prouve seulement qu"il reste beaucoup à faire pour mieux connaître et faire connaître les illustrateurs du XXe siècle.
Certains pourront s'agacer en constatant le faible nombre de livres de Romain Simon présents dans les bibliothèques de leur ville ou disponibles chez ses éditeurs. Le "désherbage" de ces bibliothèques, si nécessaire qu'il soit, paraît en l'occurence bien cruel. Puisse cet article faire réapparaître ou mieux, renaître chez les éditeurs, quelques-uns des 280 livres (et non 250), illustrés par Romain Simon, en attendant une bibliographie vraiment exhaustive.

Merci au site Ricochet qui m'a permis de publier le texte ci-dessous.


Merci au Service des archives municipales de Malzéville, de la ville de Nancy et de la Meurthe-et Moselle qui m'ont patiemment et généreusement aidé dans mes recherches.






dimanche 3 janvier 2010

"Elle qui ne sait pas dire je" de Pierre Pelot : Une critique unique


Bien des personnes croient sans doute que les critiques repèrent immanquablement les livres intéressants. C'est loin d'être vrai car je suis intimement persuadé que la critique est fortement aléatoire. Ne parlons même pas des émissions de télévision où la critique paresseuse se repasse les plats d'une émission à l'autre, courant presque toujours après le succès, pour un livre (ou un film) servant parfois davantage de faire valoir au présentateur plutôt qu'à l'auteur du livre (ou du film) lui-même.

Voici un exemple qui prouve que des livres sont injustement ignorés. En 1987, Pelot, connu pour ses livres rangés (le plus souvent contre son gré) dans les catégories "jeunesse", "western", "romans contemporains", "science-fiction", "roman noir", fantastique", etc., publie Elle qui ne sait pas dire je, un roman de "littérature générale" pour adultes chez Plon. Nouvel éditeur (pour ce seul livre) ? Changement de genre et de créneau qui déroute ses lecteurs et critiques habituels ?

Toujours est-il que je suis LE SEUL, à l'époque, à parler de ce livre tout à fait étonnant et original.

En voici la preuve sur le site ecrivosges, créé et animé par Bernard Visse :


Faut-il vraiment ajouter que cette présentation dans un quotidien essentiellement vosgien n'a eu que peu d'effets ? Le roman Elle qui ne sait pas dire je a été pilonné et n'a, hélas, jamais été réédité !
Avis aux éditeurs amateurs de bons livres.

Post-Scriptum du 23 décembre 2013 :
Bonne nouvelle : le roman Elle qui ne sait pas dire je est réédité en janvier 2014 chez Héloïse d'Ormesson. Une soirée autour du roman est organisée, Hôtel d'Avejean (53 rue Verneuil, Paris 7e) par le CNL le 20 janvier 2014 à 20 heures.
Participent à la soirée Michel Abescat (Télérama), Frédérique Roussel (Libération), Josyane Savigneau et Pascal Thuot. 

vendredi 1 janvier 2010

BONNE ANNEE 2010 (la dernière de la décennie ! )

Oui, bonne année 2010. Si je rappelle que c'est la "dernière de la décennie", c'est parce que je me conforme, contrairement à toute une presse écrite ou audiovisuelle moutonnière, au seul arbitre autorisé en la matière : le Bureau parisien des longitudes !

Je voudrais commencer l'année en signalant l'excellent site de Christophe Boutier consacré à la "littérature jeunesse".
Si le sujet vous intéresse, visitez ce site. il vous enchantera.
En voici les références : lien http://litterature.jeunesse.over-blog.com/

Certains vont dire (à juste titre !), que je prêche en même temps pour ma paroisse puisque le site présente deux de mes essais. Je pousse même le culot en vous donnant les références (un blog, c'est abominablement narcissique) :
http://litterature.jeunesse.over-blog.com/pages/Essai_Un_siecle_de_fictions_pour_les_8_a_15_ans_19012000_a_travers_les_romans_les_contes_les_albums_et_les_publications_pour_la_jeunesse_-1898715.html

http://litterature.jeunesse.over-blog.com/pages/essai-fictions-et-journaux-pour-la-jeunesse-de-raymond-perrin-1898749.html