mercredi 22 décembre 2010

Lointaine interview de Romain SIMON


Bonjour à tous.
Après un long silence occupé par la rédaction d'un essai sur l'Histoire du polar jeunesse, me voici de retour. Ayant enfin découvert une intervention de Romain Simon, je suis heureux de la partager avec vous.

Le point de vue de l’illustrateur ROMAIN SIMON en 1956
lnterview de Romain SIMON par Pierre BELVÈS (page 91)

1 : Pensez-vous qu'il y ait une différence entre illustrer un livre pour adultes et un livre pour enfants ?Elle existe mais pourrait bien ne pas être. Plus le dessin est « lisible », compréhensible, plus il parle au coeur et à la sensibilité de l’enfant : on doit s’adresser aux plus jeunes sans détour ; les aînés peuvent déjà s’engager dans la grande et belle illustration que l’on imagine pour les adultes.

2 : Pour quelles raisons et dans quelles circonstances avez-vous décidé de dessiner pour les enfants (vocation, décision, hasard...) ?Par vocation, je crois, et aussi parce que je suis resté très gai et très enfant moi-m^me et que je les aime beaucoup, non en grande personne, mais en compagnon de leur âge ; c’est donc par vocation, si ce mot est pris dans le sens de l’épanouissement de la personnalité du dessinateur.

3 : Connaissez-vous et utilisez-vous les travaux des psychologues relatifs à la perception chez l'enfant ou pensez-vous que cela n'a pas de rapport avec votre travail ?
Pas précisément. Certes il doit y avoir un rapport entre notre travail et ces connaissances modernes sur l’enfant. Je pense que le dessinateur, une fois les notions de psychologie acquises, doit rester très libre devant ce qu’il va créer et faire vivre les images. J’ajoute qu’à mon avis les rapports doivent être assez réduits sous peine de neutraliser le rapport instinctif et personnel de l’artiste.

4 : Avez-vous des contacts avec les enfants ? les parents ? les éducateurs ?Avec mon fils dont j’accepte volontiers les critiques et dont j’observe avec obéissance les observations sur chacune des planches que je fais. Je n’ai pas de contact avec les autres et je le regrette. Je n’ai pas de contacts avec les éducateurs, là encore je le regrette ; et pourtant leur approche me paraît moins impressionnante que celle d’un psychologue et plus profitable sans doute pour moi.
Mais de toute façon ces contacts ne sont vraiment utiles que s’ils ne portent pas atteinte à la liberté de l’artiste.

5 : Les conditions techniques et commerciales de l'édition vous permettent-elles d'illustrer les textes comme vous le souhaitez ?Je crois qu’il serait bon que l’éditeur s’oriente vers des goûts raffinés, des couleurs choisies, sensibles et apaisantes, vers les choses de la nature et de la vraie vie, vers un dessin sobre et « artistique » en réaction contre une déformation systématique aux couleurs bruyantes et de goût douteux.

6 : Etes-vous contents des textes que vous illustrez ?Je n’ai jamais encore illustré une chose que je n’aimais pas ; on me présente toujours un choix de textes parmi lesquels je choisis ceux qui conviennent à mon tempérament.
7 : Quels textes souhaiteriez-vous illustrer ?
Des contes où la poésie soit réaliste et où l’on puisse trouver l’amour des animaux et la poésie des paysages ; les Contes du Chat perché de M. Aymé, et pour les plus grands, le rêve du « Grand Meaulnes ».

8 : Avez-vous des contacts avec les auteurs des textes que vous illustrez ?Je n’ai jamais eu de contact avec les auteurs des contes que j’illustrais, ou alors très intimement, puisque j’étais l’auteur à la fois du texte et des illustrations.

Interview recueillie par Pierre BELVES
Revue Enfance Année : 1956 Volume 9 pages 80-91
Le point de vue des illustrateursRéponses à un questionnaire élaboré par Pierre Belvès, Natha Caputo et Françoise Guéraud
Pour consulter toutes les réponses, consulter sur Internet :
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