jeudi 18 août 2011

Yvon Mauffret, chantre de la Bretagne et de la mer




Yvon Mauffret, chantre de la mer et de la Bretagne

Né dans le Morbihan, à Lorient, le 24 décembre 1927, Yvon Mauffret est décédé le 15 mars 2011 à Saint-Gildas-de-Rhuys, dans sa chère presqu’île où il résidait depuis 1968-69. Il est né dans une famille de marins, son père dont il appréciait les récits étant capitaine dans la marine marchande et pilote du port de Lorient.
Après des études classiques perturbées par la guerre, ce qui ne l’empêche pas d’obtenir son bac philo le 6 juin 1944, la maison familiale étant détruite et le père se retrouvant sans emploi, le futur romancier, pour gagner sa vie, fait un passage d’un an et demi aux P.T.T. avant de faire son service militaire comme matelot et de naviguer comme « écrivain », c’est-à-dire secrétaire de bord dans la marine marchande.
L’adolescence vécue pendant la guerre donnera ainsi des accents de vérité aux trois récits : Le Jardin des enfants perdus (Milan, 1989), Mon journal de guerre (Rageot, 1988) et Un été entre deux feux (Rageot, 2003).
Sa vie maritime est pour lui l’occasion de sillonner les mers du monde, des ports de l’Afrique du Nord à ceux du canal de Suez, avant Aden, Djibouti et Madagascar. En Europe du Nord, il accoste à Brême, Anvers et Hambourg avant d’aborder aux ports de la côte est des Etats-Unis, comme Boston, New-York, Philadelphie et Baltimore... Il naviguera encore sur un « liberty-ship » (tel l’Adonis dans Un homme à la mer), entre le Brésil et l'Argentine. Ces voyages lui permettent de satisfaire sa boulimie de lecture, présente depuis l’enfance quand il se passionnait pour Tom Sawyer, David Copperfield, L’Île au trésor, Michel Strogoff ou Michaël chien de cirque, et de se consacrer à l’écriture.
Quand il quitte la marine marchande, il va vivre une vingtaine d'années en région parisienne en vivant de divers petits métiers peu lucratifs. Il écrit, sous le pseudonyme d’Yvan Rhuys, des scénarios de bandes dessinées et des petits romans à suivre pour les journaux de jeunesse : Lisette, Pierrot et Champion.

Une longue carrière de romancier

Tout en appréciant la vie intellectuelle parisienne des années 50, grâce à Marianne Monestier, directrice de la collection pour les adolescentes, « Les Sentiers de l'aube », il publie son premier roman : Capitaine Juliette, en 1957. Deux autres récits suivront dans la même collection. Désormais, il va vivre de sa plume et publie plus d’une centaine de livres, la plupart dans les collections pour la jeunesse. Mais les adultes lui doivent aussi des guides touristiques (en particulier sur la presqu’île de Rhuys, des livrets d’opéra, un oratorio, des commentaires pour des spectacles son et lumière et divers romans (dont quelques récits policiers construits autour du personnage de Tréphine de Baghenhir, parus chez Liv'Editions, un éditeur du Morbihan qui réédite aussi des romans jeunesse d'Yvon Mauffret)
La plupart des romans qui vont suivre ont pour cadre la Bretagne. La mer, les bateaux, les histoires de mousses et de vieux marins hantent des récits bien menés, solidement construits. Les fictions richement documentées d’Yvon Mauffret font naître l’émotion tant les qualités humaines animent ces romans d’aventures et aussi parce que, en plus de l'exercice d’une imagination fertile, l’auteur est resté fidèle à l’esprit d’enfance. Yvon Mauffret n’a pas son pareil pour décrire les rapports entre un grand-père et son petit-fils, dans Pépé la boulange, entre un vieil homme et un jeune garçon ou un adolescent, par exemple dans Goulven, l’ami mystérieux de Jean-René, Le Trésor du menhir (avec le petit Parisien Simon et Tonton Apostol)
Tant dans la presse des jeunes que dans les fictions romanesques, Yvon Mauffret introduit des personnages féminins dynamiques ou attendrissants, comme Nanou et Domi (dans Lisette), Caroline dans Le Manoir en péril, Valentine Clément dans Pépé la boulange. Il crée le personnage amusant et très juvénile de Virginie pour la collection Rouge et bleu chez G.P. et Mélusine, chez Rageot.
Le romancier développe dans plusieurs récits l’attachement à un animal. Si le chien est clairement présent, dans Pour un petit chien gris et Le Rescapé, les chats sont surtout évoqués dans Trois chatons pour Zélie. La surprise est plus grande quand on découvre la défense d’une vieille laie dans Prunelle (Casterman, 2000), la création de La Vache bleue qui parle à certains ou du vieux cheval Pistou, avec Le Cheval dans la maison
On doit aussi à Yvon Mauffret des ouvrages biographiques comme ceux qui sont consacrés à Chateaubriand, Kerguélen, Magellan et Lafayette.
En dépit de sa longue carrière romanesque et des prix littéraires obtenus, Yvon Mauffret n’a guère suscité d’études et de commentaires approfondis sur ses livres. Il a pourtant été présent dans de nombreuses collections pour la jeunesse. Il y eut d’abord, de 1957 à 1960, pour trois titres, la collection « Les Sentiers de l’aube », chez Plon, une collection destinée aux jeunes filles, tout comme la collection « Monique », chez Fleurus (où paraît Bouli et le barbu en 1959).
Aux éditions G.P, les romans d’Yvon Mauffret apparaissent dans six collections. D’abord « Spirale » pour Souviens-toi Jonathan (1960) et La Belle Amarante (1961).
La collection « Dauphine » destine à des lecteurs plus jeunes publie cinq récits depuis Le Secret du grand mur (1964) jusqu’à Agathe au bois dormant (1975).
Pour les lectrices plus jeunes encore paraissent, de 1972 à 1977, dix ouvrages dans la collection « Rouge et bleue ». Huit sont consacrés aux aventures de Virginie, depuis Virginie déménage (1975) jusqu’à Virginie marmitonne (1978).
Chez G.P., la trop peu connue collection « Olympic » (publiant des livres de prix) permet à Yvon Mauffret de publier cinq romans bien illustrés en noir et blanc : Marina ou le temps d’un été (1968), Le Manoir en péril (1970), Pilotin du cap Horn (1970, une dure expérience au début du XXe siècle pour l’adolescent Etienne), La Maison dans l’île (1972, l’adolescent Jobic Le Hen vit sur l’île de Penru) et Goulven (1976, quand Jean-René, fils d’ostréiculteurs rencontre Adrien Grosbois).
Un seul titre paraît dans la collection pour adolescents « Grand Angle » : Le Chemin du large (1975).
La collection « Souveraine Rouge et Or », toujours chez G.P., republie Goulven (1978) et édite Deux frères dans la tempête.
De 1967 à 1983, des récits importants paraissent dans la collection « Bibliothèque de l’Amitié », aux éditions de l’Amitié-G.T. Rageot. En particulier, Le Trésor du menhir (1967), Le Mousse du bateau perdu (1973) et Gildas de la mer (1983).
Chez le même éditeur, la collection « Ma première amitié », pour les premiers lecteurs, publie trois titres de 1979 à 1984, dont La Nuit des korrigans.

Quelle postérité pour un romancier prolifique ?

Est-ce la trop discrète présence d’Yvon Mauffret chez de grands éditeurs comme Hachette et Gallimard qui explique son absence de nombreuses études consacrées à la littérature jeunesse ? Chez Gallimard, on le rencontre seulement dans « Folio Cadet », pour Au revoir Fénimore (1984) et dans « Folio Cadet-Biographies » grâce à Kerguelen, amiral et corsaire (1986).
Si « Le livre de poche Jeunesse » n’avait pas réédité Un homme à la mer, d’abord paru dans la revue Je bouquine, Yvon Mauffret ne serait pas présent chez Hachette.
Notons aussi une présence très discrète à l’Ecole des Loisirs, pour Pépé la boulange, dans la collection « Neuf », un roman passionnant contant le retour de Julien Granger à Belle-Île son île natale et le lieu de ses premières amours.
Des ouvrages ont paru dans des collections aujourd’hui disparues. Par exemple, Chateaubriand dans la collection « Biographie/Travelling », chez Duculot, Au vent de la flibuste (Collection « Histoires d’Histoire », chez Hatier en 1992), Une audacieuse expédition, dans « Les Maîtres de l’Aventure », chez Rageot, ou Le jardin des enfants perdus (1989) chez Milan (Collection « Zanzibar »).
Disparue aussi, la collection « Moi, Mémoires », chez Casterman quia vu paraître Moi, Magellan, chevalier portugais, capitaine de sa majesté le roi d’Espagne, qui voulus faire un tour du monde (1988) et Moi, Lafayette ci-devant marquis, qui, sur les rives atlantiques, combattis pour la liberté (1989). Notons encore, dans les années 90, chez Casterman, La Clé et Le Cheval dans la maison (Collection « Huit et plus ») et Prunelle (Collection « Dix et plus »).
Alors, pour la survie des livres juvéniles d’Yvon Mauffret, peut-être faut-il compter, en Bretagne même, sur Liv'Editions, et au plan national, sur les éditions Rageot. La collection « Cascade », née en 1989, a successivement édité ou réédité : Le Mousse du bateau perdu (1990), Une amitié bleue outremer (1991), Le Trésor du Menhir (1992), Au secours Mélusine !(1994), Pour un petit chien gris(1994), Au royaume des nains et autres contes de gnomes, lutins et gobelins(1995), Mon Journal de guerre (1996), L’Ogre des mers et Bien joué Mélusine ! Trois chatons pour Zélie, Un été entre deux feux et Les Oignons de la fortune (Nouvelle édition de Une audacieuse expédition), quand les Bretons, de Roscoff à Saint-Léon, devaient partir pour vendre leurs oignons dans le Pays de Galles.
L'oeuvre est si vaste que l'on n'a pu évoquer les livres édités chez Epigones, La Martinière, Galic, S.P.E.S,Urtebise,etc.

Souhaitons que demeurent longtemps les œuvres majeures d’un romancier sincère et authentique dont la carrière littéraire s’est construite sur près d’un demi-siècle.
En relisant certains de ses romans, je me dis souvent : « J’aurais bien aimé rencontrer cet homme-là ! »


Références :
Claude BRON : Romanciers choisis pour l’enfance et l’adolescence Editions H. Messeillier, Neuchatel, 1972.
Nic DIAMENT : Dictionnaire des écrivains français pour la jeunesse : 1914-1991 L'Ecole des loisirs, 1993.
Didier-Jacques DUCHE : La Bibliothèque idéale des enfants Editions universitaires, 1967.
Jacqueline et Bernard LE NAIL : Dictionnaire des auteurs de jeunesse de Bretagne Préface de François CARADEC Keltia Graphic Editions des montagnes Noires, 2001.
Raymond PERRIN : Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle Nouvelle édition 2009, remaniée, revue et augmentée de Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans L’Harmattan, 2009.


Yvon Mauffret et la presse des jeunes



Yvon Mauffret (1927-2011) et la presse des jeunes

Le romancier breton Yvon Mauffret, sous le pseudonyme d’Yvon Rhuys, a participé aux journaux pour filles Lisette et Lisette Magazine. Pour Lisette, il compose d’abord pour de courts récits (en 1959*1960), par exemple Le Trésor du baron Pierre et Nadette et le vase grec. Il intervient ensuite en tant que scénariste de bande dessinée, il propose un épisode de la série « Nanou », illustré par La Selve : Nanou et l’inconnu de Florineige (1960).
Plus tard, on retrouve sa signature dans la série « Domi », illustrée par Pierre Lacroix (par exemple en 1965, dans Domi et le cirque Minestrone). On retrouve le scénariste Yvon Rhuys, dans Lisette Magazine, de 1969 à 171, pour la bande dessinée humoristique, Les Caboches (les aventures de trois cousins français et de deux jeunes Anglais), une bande dessinée par Jip, alias Jean-Paul Dethorey.
Dès les débuts de la revue Je bouquine, publiée par Bayard Presse, Yvon Mauffret apparaît. Il écrit d’abord Un homme à la mer, un court récit illustré par Romain Slocombe paru dans le n° 2, en avril 1984 et le récit sera réédité dans « Le Livre de poche jeunesse–Je bouquine ». Suivront deux autres récits maritimes : Le Rescapé, en décembre 1985 et S.O.S. dans la tempête, paru en juillet 1988.

P.S. : Contrairement à ce qu’on a pu lire parfois, Yvon Rhys est apparemment le seul pseudonyme d’Yvon Mauffret et il n’a rien à voir avec celui de François Drall.

dimanche 14 août 2011

Henri Thomas et Boris Simon : une amitié peu connue



Henri Thomas (1912-1993) et Boris Simon (1913-1972) : une amitié peu connue

Si la Nouvelle Revue Française n’avait pas publié en octobre 1994, dans son numéro 501, sur une quinzaine de pages (pages 158-173), les Lettres à Boris Simon (1932-1943) du poète, écrivain et traducteur Henri Thomas, il est probable qu’on aurait oublié que ces deux hommes s’étaient liés d’une amitié durable.
En effet, les ouvrages consacrés à l’écrivain d’origine vosgienne sont plus que discrets sur les rencontres et les échanges des deux Lorrains (Boris Simon étant né à Malzéville, près de Nancy). On chercherait vainement la moindre allusion dans le numéro 100 des Cahiers vosgiens paru en avril 1993 ou dans le n° 2 de la revue L’Erckmann Chatrian, parue la même année, deux ensembles pourtant entièrement consacrés, l’un au « voyageur du rêve », l’autre au « solitaire vosgien ». Aucune allusion au cœur du Henri Thomas (Editions du Félin) de Salim Jay en 1990. Dans Henri Thomas ou les feux du solitaire (1992), le regretté François Jodin est aussi très sobre. Il cite Boris Simon comme participant en 1932 à la revue Les Cahiers de l’humanisme dans laquelle « on ne trouve pas de numéro où ait écrit Henri Thomas » ! Dans la même page 49, il ajoute seulement : « A noter que Thomas est venu, plus tard, aux obsèques de Boris Simon, en compagnie de l’abbé Pierre ». (C’était en 1972 à Saint-Cloud). C’est tout (1). Les biographes actuels ne sont guère plus diserts (2).
Il est donc utile, voire urgent d’esquisser le sujet.
Après ses études au Lycée de Saint-Dié (Saint-Romont dans Le Seau à Charbon) et un premier prix de philosophie au Concours général, Henri Thomas, natif d’Anglemont, dans une famille vosgienne de paysans et d’instituteurs, après sa scolarité à Saint-Dié, fait sa khâgne au lycée Poincaré de Nancy en 1931-1932. C’est là qu’il fait la connaissance de Boris Simon, son aîné d’un an, né à Malzéville en 1913, d’un père français, chef de travaux de mathématiques à Nancy et passionné d’art, et d’une mère russe, Elisabeth Gontcharov, petite nièce de l’écrivain Ivan Gontcharov (il serait donc temps d’en finir avec la mention de la seule « origine russe »).

Une correspondance connue partiellement et unilatéralement

Les deux amis qui se séparent quand Thomas part préparer Normale Sup au lycée parisien Henri-IV (un projet bientôt abandonné), vont entretenir une correspondance dont nous ne connaissons guère pour l’instant que des bribes, la parution de l’ensemble des lettres annoncée pour 1995, sous le titre Serment de jeunesse, n’étant pas encore effective.
Que nous apprennent les extraits parus dans la NRF ? Surtout des échanges d’impressions de lectures et de rencontres littéraires ou sentimentales. Henri apprend à Boris qu’il aura comme professeur de philosophie au Lycée Henri-IV, Alain (alias Emile Chartier, peu apprécié par celui qui lui préfère ce "vieil immoraliste" de Gide). Il lui parle de leurs projets poétiques respectifs en espérant une édition commune de leurs deux livres à Paris (en fait, Henri Thomas ne publiera ses propres poésies qu’en 1939 dans la revue Mesures). Il évoque un déjeuner avec Gide, ses relations à la NRF avec Paulhan... En 1941, Thomas parle d’un recueil de poésie de Boris (mais on en ignore le titre, même s’il nomme trois poèmes). Comme les réponses de Boris Simon sont absentes, la correspondance unilatérale de Thomas ainsi publiée, reste sibylline et difficile à décoder.
Notons que les Carnets 1934-1948 d’Henri Thomas (3), publiés chez Claire Paulhan, citent cinq fois Boris Simon et évoquent en outre leur condisciple à Nancy, René Wauquier, membre actif des Cahiers de l’Humanisme et qui préparait l’agrégation d’allemand.
Peut-être vaut-il mieux s’interroger sur ce qui a pu rapprocher ces deux hommes. Tous deux ont perdu très tôt leur père. Celui d’Henri Thomas décède des suites directes de la guerre en janvier 1919. Celui de Boris Simon disparaît en février 1922, à l’âge de 42 ans. Or, des quatre fils de Pol Simon (dont le journaliste et écrivain Sacha et l’illustrateur Romain), deux d’entre eux, Sacha et Boris, en raison de la guerre et de la Révolution russe, vécurent en Russie de 1914 à 1921, chez la grand-mère maternelle.
Boris, devenu comme ses frères et comme Henri Thomas, pupille de la nation, a donc très peu connu son père et cette situation d’enfant de la guerre et d’orphelin de père a dû rapprocher les deux amis qui vont, l’un et l’autre, se chercher des pères de substitution fort différents.
Tous deux ont des aptitudes prononcées pour les langues étrangères. Boris parle couramment le russe et sera professeur d’allemand (et d’Histoire de l’art) et traduira Thomas Bernhard et Harry Kessler. On connaît le considérable travail d’Henri Thomas en temps que traducteur. N’a-t-il pas traduit du russe, de l’allemand, de l’anglais, les plus grands auteurs comme Pouchkine, Shakespeare, Melville, Adalbert Stifter, Goethe, Ernst Jünger, etc ? Peut-être leur correspondance complète évoque-t-elle des échanges sur les langues, leur goût de la traduction et leurs aptitudes respectives.

Des chemins sans doute divergents

Mais chaque personnalité, au fil des ans, va prendre des directions qui les éloignent l’un et l’autre de leurs goûts partagés de grands adolescents sensibles et imaginatifs. On connaît, chez Thomas, éternel migrateur au point de devenir un « méconnu capital » (selon Maxime Caron) (4), la propension au refus de « rouler dans la bonne ornière », comme disait Rimbaud. On sait son indifférence à l’air du temps et sa capacité au renoncement, son goût du rêve et de la solitude (« Récris-moi quand tu es gai » demande-t-il à Boris).
Boris Simon, après des ambitions poétiques qui paraissent assez vite abandonnées, semble davantage, comme ses trois frères d’ailleurs, entrer dans la vie adulte avec optimisme et sans grands états d’âme. Il s’oriente vers l’enseignement et la peinture (comme le rappellent les Carnets 1934-1948, il a fait partie du groupe des Annonciades de Pontarlier). Outre des poèmes et des pièces de théâtre, cet ancien scout de France, comme ses frères Romain et Louis (rédacteur en chef de la revue Scouts de France), choisit d’écrire des ouvrages probablement fort éloignés de la sensibilité de Thomas puisqu’il s’agit de romans scouts (publiés entre 1946 et 1959) et de jeux dramatiques !
Plus tard encore, l’écart risque de se creuser quand Boris Simon convalescent de la tuberculose, fait la connaissance de l’Abbé Pierre dans sa première résidence de Neuilly-Plaisance. Ils se lient d’amitié et Boris passe plusieurs années à promouvoir l’œuvre de son ami en devenant son principal collaborateur. A partir de 1952, Boris fait le récit-témoignage, vécu de l’intérieur, de l’aventure des Compagnons d’Emmaüs. Il en résulte l’ouvrage Les Chiffonniers d’Emmaüs,écrit dès 1952 et paru au Seuil en 1954, après « l’Appel de l’Abbé Pierre » sur le sort des sans-logis (un ouvrage réédité à l’initiative de Madame Isabelle Simon, fille de l’écrivain, chez Michalon, en 2004). Le livre est adapté en un film qui sort en 1955, avec un scénario de René Barjavel, l’année où Boris publie Le Poids des autres, Les Chiffonniers d’Emmaüs 2.
Espérons qu’un jour paraîtra enfin la correspondance croisée d’Henri Thomas et de Boris Simon pour qu’on apprécie davantage les liens affectifs et intellectuels de deux êtres attachants qui se sont sans doute autant nourris de leurs points communs que de leurs différences.

Notes et références :
1) François Jodin : Henri Thomas ou les feux du solitaire
Epinal : La Licorne, 1992 (204 p.)
2) Paul Marin : Henri Thomas Le Temps qu’il fait, 1998.
On peut y lire, page 17 : En 1938, alors qu’il est étudiant à Strasbourg, Thomas écrit à Boris Simon : « J’ai des soirées toutes illuminées par cet seule pensée : PROGRESSER, muer mes velléités en volontés, mes volontés en réalités ».
3) Dans les Carnets (1934-1948), édition établie par Nathalie Thomas, fille de l’écrivain, pour les éditions Claire Paulhan, Boris Simon est cité 5 fois, en particulier page 33, pour une photo qui montre, à la droite de Thomas, « fumant la pipe, son ami Boris Simon ».
4) Maxime Caron : Henri Thomas Ed. La Part commune, 2006.

Raymond Perrin

Merci à Damien Didier-Laurent pour son aide précieuse.

P.S. : Une version réduite du sujet avait, en vain, a été proposée à un quotidien lorrain.
Comme le blog s'appelle "Eclectisme" et que j'évoque en outre Boris Simon, le frère de Romain Simon, largement évoqué ici, je n'ai pas de scrupule à publier ce texte dans ce blog !
On peut consulter désormais sur Wikipédia la page consacrée à Boris Simon-Gontcharov, page revue et corrigée en 2010.

vendredi 5 août 2011

Michel Grimaud (Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse) : une double disparition


Michel Grimaud (Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse) : une double disparition

J’étais loin d’imaginer en écrivant un hommage pour les « Grimaud », après la mort de Marcelle le 22 janvier 2011, que son compagnon Jean-Louis allait la rejoindre le 27 juillet de cette même année 2011.
Je ne vais pas reproduire cet hommage que j’ai légèrement revu. Il suffit de cliquer sur « Michel Grimaud » à droite pour le lire.
Outre cette double disparition, ce qui m’émeut aujourd’hui, c’est que, fort discrètement comme à son habitude, à la date du 11 février 2011, dans la partie commentaires, Jean-Louis a écrit : « Le coucou a dit : Merci (JLF) ». Je n’ai pas voulu ajouter quoi que ce soit à ce message laconique.
Ce qui me sidère, c’est que beaucoup d’internautes semblent encore ignorer l’œuvre des Grimaud même ceux qui connaissaient son blog. Il y a même des internautes qui confondent parfois leurs livres avec ceux d’autres auteurs !
Alors, pour éviter cet état de fait, je me fais un devoir de publier 36 couvertures concernant leur œuvre. Cela n’a rien d’exhaustif mais j’espère que cette publication donnera une idée de la richesse et de la variété de leur œuvre car la meilleure façon de leur rendre hommage, c’est encore de chercher à connaître ce qu’ils ont écrit et de sauver leurs livres d’un injuste oubli.
J'espère qu'après le temps de l'été et des vacances, des plumes plus compétentes se pencheront sur les livres des Grimaud pour en rappeler l'originalité et la force.