samedi 30 janvier 2010

Interview d'Erik L'Homme en juin 2005


Je viens de retrouver l'interview que j'avais réalisée en juin 2005 pour le site mauvais genres, animé par Bernard Strainchamps (aujourd'hui, avec toujours le même dynamisme, il anime "bibliosurf.com")
Voici cette interview, sans doute peu connue car le site mauvais genres a fermé 15 jours après sa publication. Depuis, les livres d'Erik L'Homme connaissent un immense succès mérité et de plus en plus de traductions.

Erik L'Homme
quand l'écriture vaut un trésor et tous les royaumes





Quatre années ont suffi à Erik L’Homme pour inscrire son nom dans le monde de la littérature jeunesse. Grâce à la trilogie fantastique Le Livre des étoiles (amorcée en 2001), le diptyque de science-fiction Les Maîtres des brisants dont le 2e tome est paru en mars 2005, et l’album des Contes d’un royaume perdu, illustré par François Place, le romancier s’est creusé une place enviable dans les collections de Gallimard Jeunesse.

Né en 1967 et toujours fidèle à sa Drôme provençale dont il a longtemps défendu l’environnement par le biais du journalisme, Erik L’Homme s’est d’abord doté d’un solide bagage intellectuel et d’une expérience de « bourlingueur » avant de se lancer « officiellement » dans l’écriture de fictions.

Très attaché à son pays qu’il aime arpenter, il poursuit des études universitaires qui le conduiront plus tard à la rédaction d’une thèse d’Histoire et Civilisations.

Car très vite, le goût de l’aventure le mène dans des mondes aussi « incertains » que ceux qu’il bâtira dans ses romans. Que ce soit dans l’Orient d’Alexandre le Grand, sur les traces de « l’homme sauvage » quelque part au Pakistan, ou bien à la poursuite d’un improbable trésor aux Philippines, il découvre que la quête elle-même et les rencontres qu’elle suscite sont les seuls véritables butins que l’on rapporte.

Après avoir emmagasiné des matériaux, des images, des émotions, et surtout des expériences humaines, il persiste dans ses voyages et retourne entre Pakistan et Afghanistan, dans le « royaume perdu de Chitral » cher à son cœur. Il en revient avec la matière du livre Parlons khowar Langue et culture de l’ancien royaume de Chitral au Pakistan, paru en 1999, à l’Harmattan et celle de son album de contes recueillis sur place et publié en 2003.

L’heureuse et inopinée rencontre de Jean-Philippe Arrou-Vignod, enseignant, écrivain et éditeur chez Gallimard Jeunesse, ainsi que la lecture de Harry Potter, débouchent sur un défi : l’écriture d’une trilogie fantastique « à la française ». C’est ainsi qu’Erik L’Homme, depuis toujours passionné par l’écriture, se lance dans la littérature jeunesse et publie son premier roman à l’âge de 33 ans.

C’est Qadehar le sorcier, premier tome de la trilogie Le Livre des Etoiles, où cohabitent chevaliers et ordinateurs, qui paraît en 2001,. Avec régularité, il propose depuis un volume tous les ans. En 2002 et 2003 paraissent les volumes II et III du Livre des étoiles : Le Seigneur Sha et Le Visage de l’ombre.

En 2004, le cycle de space opera Les Maîtres des brisants s’ouvre avec Chien-de-la-Lune et se clôt en 2005 par Le Secret des abîmes.

J’ai connu Erik à Saint-Dié-des-Vosges, alors qu’il recevait le Prix jeunesse du Festival International de Géographie pour son premier livre. Je venais de publier mon premier essai : Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans.

Comme Erik, resté grand voyageur pour répondre aux sollicitations de ses nombreux lecteurs en France et à l’étranger, revient souvent en Lorraine, non seulement au FIG déodatien mais aussi aux Imaginales d’Epinal et au Livre sur la Place de Nancy, nous avons l’occasion de nous revoir et d’entretenir nos liens d’amitié, bavardant volontiers autour d’un café en grignotant un macaron !


Interview réalisée sur Internet en juin 2005 pour le site de Bernard Strainchamps, "mauvais genres"

Puisque la rencontre avec Jean-Philippe Arrou-Vignod a été déterminante pour ton entrée dans la fiction, peux-tu préciser dans quelles circonstances tu as fait sa connaissance ?

Un jour de 1997, je me promenais dans une librairie valentinoise, au hasard des rayonnages comme j’aime le faire. Soudain, un livre, ou plutôt un titre, a attiré mon attention : L’Homme du cinquième jour, de Jean-Philippe Arrou-Vignod. J’ai lu la quatrième de couverture. Il était question d’une expédition et d’un homme sauvage ! Exactement ce que j’avais vécu quelques années plus tôt ! Très excité, j’ai acheté le livre et je l’ai dévoré. Etonné par les intuitions de l’auteur qui n’avait certainement jamais quitté son bureau pour écrire cette aventure, j’ai décidé, après moult hésitations, de lui écrire et de lui raconter ma propre aventure. La réaction de Jean-Philippe n’a pas tardé : il m’a invité par retour de courrier à le rencontrer à Paris, et nous avons immédiatement sympathisé. Lorsque je lui ai fait part de ma passion pour l’écriture, il s’est gentiment proposé comme lecteur si me prenait un jour l’envie d’écrire pour la jeunesse ! Il a fallu attendre 1999 et la découverte d’Harry Potter pour déclencher cette envie, mais Jean-Philippe était toujours là pour moi, fidèle à sa promesse. Il est devenu un ami. Jamais je n’ai rencontré quelqu’un d’aussi généreux et attentif. Je lui ai dédié mon premier livre. Aujourd’hui encore je l’appelle Maître (en rigolant) et il me menace d’utiliser sa magie si je continue !

Ta connaissance de la littérature jeunesse est assez « classique » et « raisonnable » : contes et légendes lus par tes parents dans l’enfance, romans de tous genres (Club des cinq et autres Langelot agent secret, Gautier, Dumas, Verne, Stevenson…) et B.D. (Tintin, Astérix et Spirou, journal auquel tu étais abonné comme avant toi ton père et ton grand-père…), puis mangas télévisés de la fin des années 70 et lecture de Tolkien... As-tu fait aussi la lecture de quelques ouvrages moins « recommandables » : B.D. du genre Strange ou Nova ? Romans populaires ou romans dits « de gare » ?

J’ai toujours eu tendance à lire tout ce que l’on me mettait (ou que je trouvais !) à portée de main. Je me suis donc, un temps, goinfré de Comics (Doc Strange, les Xmen et le Surfer d’argent étaient mes héros préférés) ! Quant aux romans de gare, trouvés pour 50 cts de francs à l’époque dans les bacs des bouquinistes, j’avoue un faible pour les San Antonio (Foiridon à Morbac City est irrésistible !)…

Ta « culture S-F » semble essentiellement anglo-saxonne : Jack Vance, Frank Herbert, Ursula Le Guin, Mickael Moorcock, Orson Scott Card… Est-ce à dire que tu n’as pas lu les Français du genre ?
J’ai découvert tardivement que les Français étaient dans le domaine capables du meilleur. Aujourd’hui, et même si je lis encore beaucoup d’anglo-saxons (ils sont quand même bons ces coquins-là !), je me régale aussi avec les sagas baroques de Pierre Bordage, les space opera de Laurent Genefort, les nouvelles de Jean-Claude Dunyach… Je fais également des découvertes, comme cette Horde du Contrevent, d’Alain Damasio, dont on parle beaucoup (et pas assez !) en ce moment. Oui, les Français tiennent la rampe !

Est-ce que tu as lu, comme beaucoup de trentenaires de ta génération, les livres-jeu du style « Donjons et dragons », ou joué à des jeux de rôle sur consoles ou sur ordinateurs ? (En cas de réponse positive, conséquences éventuelles sur ton écriture)

Non, je n’ai jamais aimé les Livres dont vous êtes le héros, et j’ai toujours été réfractaire aux jeux vidéo. Mais j’ai bien sûr connu la mode des jeux de rôle, j’étais au lycée au moment du boum ! J’ai même participé à des jeux de rôle grandeur nature (le terme exact m’échappe aujourd’hui), qui m’ont beaucoup plu. Quant à savoir si cela a influencé mon écriture, je ne sais pas. Sans doute. Si tel a été le cas, c’est qu’il y avait de toute façon en moi un terreau favorable !

Puisque le fantôme sombre d’Albator hante Les Maîtres des brisants, peux-tu dire ce que tu apprécies dans les mangas (encore mal connus et peu appréciés en France par les adultes) ? Penses-tu que certains aspects du genre marqueront la culture de demain et comptes-tu tenir compte de cet apport dans tes futurs écrits ?

Pour commencer, il faut distinguer les « mangas » (terme générique qui désigne la bande dessinée japonaise) et les « anime » (les dessins animés). Albator 78, qui a déclenché chez moi (à l’instar d’Harry Potter pour Le livre des Etoiles) l’écriture des Maîtres des Brisants, est un « anime », pas un « manga » ! Ceci dit, c’est vrai que j’aime « mangas » et « anime », tels qu’ils sont proposés en France en tout cas. Leurs histoires sont généralement complexes, leurs personnages, même caricaturés, restent très humains et ne se divisent pas forcément en bons et en méchants. Les nombreux genres (Gakuen étudiants, Kawaï enfantins, Shojo sentimentaux, Shonen virils…) possèdent bien sûr chacun leurs codes, mais tous ont en commun d’offrir une narration directe et enlevée.

Je ne sais pas comment la culture de demain sera marquée par les « mangas », mais elle le sera, c’est évident. Il suffit de voir l’engouement des jeunes pour eux, et le linéaire qui leur est désormais consacré dans les librairies B.D. ! Je pense que l’on ne pourra pas raconter une histoire dans dix ou quinze ans de la même façon que maintenant. Personnellement, j’essayerai non pas de m’adapter mais de comprendre et d’intégrer à l’instinct ces changements !

En disant que la lecture de Harry Potter avait déclenché en toi une sorte de pari, n’as-tu pas pris le risque que l’on dise que tu as surfé un thème « tendance » à l’époque ?

Le thème commençait seulement à tendre vers la « tendance » quand Qadehar le Sorcier est sorti (juin 2001). On trouvait alors sur le rayonnage Fantasy des libraires les Harry Potter (sortis d’abord en poche, rappelons-le), les Pullman (A la croisée des mondes), le premier Peggy Sue de Brussolo, le premier Tom Cox de Franck Krebs et… pas grand chose d’autre !

Quant à l’image du surf, moi, elle ne me dérange pas. On quitte la plage et les bronzeurs quand on chevauche une belle grosse vague ! Et on prend le risque de tomber, de se faire rincer par quelques méchants rouleaux. Surfer peut être jubilatoire, ce n’est certainement pas aussi facile qu’on veut bien l’imaginer.

En fait, ton imaginaire s’abreuve à d’autres sources que J.K. Rowling et tu nourris tes romans à la fois de ta culture historique du Moyen Age et des matériaux fabuleux glanés dans tes voyages. Peux-tu donner des exemples précis de villes, de paysages ou d’anecdotes qui viennent de tes « expéditions » ?
Mon imaginaire, c’est vrai, puise dans les livres (Le seigneur des anneaux plus que Harry Potter, quand même !), les films (Stargate, par exemple, qui m’a inspiré l’idée des portes conduisant d’un monde à l’autre), les choses vécues (Agathe a existé et m’a martyrisé au collège bien avant Guillemot !), ma culture d’historien (j’ai effectué des recherches sur les runes avant de créer mes Graphèmes) et mes voyages.

Ainsi, la ville de Ferghânâ dans laquelle déambule Guillemot avant de faire la connaissance de Kyle, m’a été inspirée par Marrakech au Maroc. Le peuple de la mer, que rencontre Coralie, existe vraiment (sous une forme moins « fantastique » !) et nomadise, à bord de radeaux, au sud de l’archipel philippin. Enfin, pour terminer, les brigands qui capturent Romaric et Coralie m’ont rappelé ceux qui nous ont dévalisé, mon frère et moi, un jour de neige, sur la route du col de la Lowari au Pakistan…

C’est une grande chance de voir ton album Contes d’un royaume perdu mis en scène et en images par le grand illustrateur François Place. Peux-tu préciser comment s’est déroulée votre collaboration ?

C’est vrai, c’est une chance. Cela faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec François. Je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une édition du FIG, à St Dié (il s’en passe des choses dans les Vosges !). C’est un personnage étonnant, doté de tous les talents : écrivain, illustrateur, boute-en-train…Enfin bref, lorsque j’ai proposé mes contes chez Gallimard, je n’imaginais pas une seconde qu’ils proposeraient à François d’en être l’illustrateur ! Par chance, mes textes lui ont plu, ont fait naître des images dans sa tête. Cette région du monde (l’Asie centrale) lui a toujours tenu à cœur et il a, je pense, développé très vite une intimité avec les lieux et les gens, sans jamais y être allé. Tant mieux ! Car c’était la première fois que je faisais ce type d’exercice, et je m’étais interdit d’interférer dans son travail. Pour moi, un album est le résultat de deux imaginaires qui se rencontrent. C’est ce qui s’est passé, j’en suis heureux !

Ce qui surprend chez toi, c’est le naturel de tes rapports humains avec tous les êtres quelle que soient la génération à laquelle ils appartiennent. Tu sembles en phase avec chacun et tes récits s’en ressentent. Cette empathie immédiate est-elle un héritage de tes voyages dans des pays où la convivialité est essentielle ?

Hum, difficile à dire. Mais bon, tu exagères beaucoup ! Les gens m’intéressent depuis toujours. Je les écoute je les observe, j’essaye d’imaginer ce qu’ils sont en creux, dans ce qu’ils ne disent pas, ne montrent pas. Je pense que les voyages m’ont appris à concilier cette attitude de retrait, de recul confortable, avec l’élan vers l’autre, le contact créateur. C’est peut-être ce mélange des deux que tu appelles phase ou empathie. Parce que l’un se nourrit de l’autre.

Dans Les Maîtres des brisants, comment peux-tu concilier l’image d’un « héros » apparaissant comme une sorte de modèle alors qu’il semble en même temps semblable à tous les êtres, avec ses qualités mais aussi ses faiblesses ou ses souffrances ?

Parce que le héros des Maîtres des Brisants, Vrânken de Xaintrailles, surnommé par ses ennemis Chien-de-la-lune et capitaine du « Rongeur d’os », n’est pas un héros… C’est un miroir, un miroir dans lequel les autres personnages se voient évoluer, grandir, parfois mourir. L’ironie de Vrânken pousse Xâvier à faire ses preuves, sa faiblesse oblige Rymôr à être fort, sa confiance force Mörgane à explorer des mondes effrayants, son indifférence cause la perte de Frä Drümar… Vrânken n’est « héroïque » que parce qu’il permet à des héros de naître.

Certains éléments paraissent risqués : noms hérités des légendes scandinaves, vocabulaire néologique et technique un peu difficile et surtout dénouement différent de la tradition qui veut que le « méchant » soit puni. De plus, bien qu’écrivant des récits épiques, tu évites le piège du manichéisme. Comment tes jeunes lecteurs réagissent-ils ? Sont-ils surpris de voir ainsi introduites plus d’humanité et plus de tolérance dans le récit ?

Mes lecteurs (et pas forcément les plus jeunes !) sont évidemment déroutés par les noms compliqués et le vocabulaire étrange que je leur impose. Mais certains voyages sont d’autant plus beaux qu’il a fallu (un peu…) les mériter !
Quant à la problématique bons/méchants ou à la fin « hollywoodienne » que j’ai voulu absolument éviter, je pense que les lecteurs y sont maintenant préparés, et deviennent même demandeurs ! Grâce notamment aux « anime » et « mangas » que nous évoquions tout à l’heure, à cent lieues pour beaucoup de la morale simpliste des Walt Disney…

Fantasy, Science-fiction, conte … En fait, est-ce que le genre du récit importe pour toi plus que le fait d’écrire un récit initiatique aidant les jeunes lecteurs à se situer, à grandir ?

Bien sûr que non. Je n’écris pas de livre de science-fiction ou de fantasy. J’écris des histoires d’aventures qui se passent ailleurs. Des histoires d’amitié et de courage. Des histoires qui menacent et unissent des adultes et des adolescents. Des histoires qui éveillent, qui détruisent, qui confrontent des destins. Bref, des histoires initiatiques ! Parce que pouvoir s’appuyer sur quelque chose pour grandir et se situer, comme tu le dis bien, est essentiel.

Je pense que beaucoup de problèmes, aujourd’hui, viennent de la disparition de la dimension initiatique de l’existence. Les jeunes, surtout, sont laissés sans autre repère que celui du consumérisme, qui les transforme sans qu’ils s’en rendent compte en esclaves béats, à l’image de Pinocchio et de ses amis changés en ânes par le maître de la foire ! Ils ont un accès immédiat à tout, tout de suite, sans le filtre du temps et de l’initiation. Sans préparation. Sous le couvert de la liberté, on tue la vraie liberté qui est de savoir et de comprendre, pour pouvoir choisir, décider et agir. On en est loin !

Tes récits ont rapidement été traduits en de nombreuses langues, (dont l’anglais, ce qui est rare pour des romans jeunesse). Quelles sont les traductions qui t’ont le mieux plu et celles qui t’ont le plus étonné ?

On en est aujourd’hui à vingt langues pour les traductions ! J’ai été étonné par les Chinois (les illustrations intérieures, surtout), les Anglais (qualité de la couverture et de la traduction —je lis un peu l’anglais !), les Brésiliens… J’ai été touché par l’édition grecque. Non pas que je lise le grec ! Le livre aurait pu être écrit en haut-martien, c’était pareil ! Mais Marianna, la traductrice, a pris la peine de poser des questions pertinentes pour coller au mieux avec mes intentions. Et puis l’équipe éditoriale m’a invité à Athènes. C’était très agréable ! Enfin, savoir que l’on est traduit et lu dans le pays d’Homère, premier des romanciers, ce n’est pas rien !

Tes succès romanesques semblent davantage dus au bouche à oreille de tes jeunes lecteurs qu’à une analyse critique, souvent adulte. Je suis toujours émerveillé de voir tes lecteurs et lectrices se presser avec enthousiasme et gourmandise vers ton stand pour une dédicace ou un échange !

Je dis toujours que la vérité vient du terrain. Le terrain, pour un auteur jeunesse, ce sont les jeunes lecteurs. J’estime n’avoir de comptes à rendre qu’à eux. A eux et à mon éditeur. L’opinion de critiques grincheux, les prix jeunesse décernés par des adultes et que je n’ai jamais, j’essaye de ne pas y prêter attention. La vérité est ailleurs. Peut-être dans l’enthousiasme, le visage épanoui, le regard brillant des enfants qui viennent jusqu’à mon stand pour voir à quoi je ressemble (pour les plus timides) où pour essayer de m’arracher la promesse d’une suite (pour les moins timides !) !

Quels sont tes projets romanesques actuels ? Vas-tu continuer à utiliser la science-fiction ou la fantasy ? Ou penses-tu t’orienter vers le fantastique pur ?
Envisages-tu un récit en un volume ou un cycle en plusieurs tomes ?


Je ne sais pas exactement quelle forme définitive prendra mon projet en cours. Pour l’instant c’est un livre unique, que j’aurai peut-être envie de décliner en série ensuite. Je l’ai orienté vers le Fantastique, histoire de boucler le triptyque (Fantasy-SF-Fantastique) ! Je n’ai pas d’autre ambition que surprendre, et séduire, ce jeune public si réactif et si stimulant !

Je terminerai par une de tes formules préférées :

« Garde-toi, Erik ! »


Merci Raymond, toi aussi. Et à bientôt, en Lorraine !


P. S. : Je m’aperçois un peu tard que j’ai oublié dans mes questions, d’exploiter les échos des livres d’Erik L’Homme dans les essais récents, d’où ce post-scriptum :

La reconnaissance de l’œuvre d’Erik L’Homme, dans les ouvrages spécialisés, semble commencer en 2003, avec la publication de l’Index de la fantasy : l’heroic fantasy en France de Jean-Luc Triolo, paru chez Encrage. Les tomes I et II du Livre des étoiles sont chroniqués dans le 1er volume, recensant l’année 2002 et le 2e volume paru en 2004, concernant l’année 2003, présente les 3 tomes de la trilogie.

En septembre 2004, André-François Ruaud, maître d’oeuvre du livre superbe : Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux, paru aux éditions Les Moutons électriques, introduit Erik L’Homme, p. 401, parmi Les Enfants d’Orphée et de Mélusine. Il note que « son œuvre présente de réelles qualités qui la rendent attachante ». Il ajoute : « Le ton est d’une agréable légèreté, le cadre brossé avec un entrain communicatif, l’intrigue captivante et bien menée. »

C’est en mars 2005 que, dans son essai Le Roman pour ados, paru au Sorbier, Josée Lartet-Geffard présente, p. 129 et p. 131, Le Livre des étoiles : « une saga fantastique qui (…) s’inscrit dans la continuité de Tolkien par la création d’un monde foisonnant où s’affrontent chevaliers, sorciers et korrigans et (…) ajoute à ces contenus traditionnels des éléments de la modernité, ordinateurs ou cinéma, ainsi que des apports de cultures aussi variées que celles des Philippines, du Pakistan ou de l’Afghanistan. »

Tout récemment, en mai 2005, Jacques Baudou dans son « Que-sais-je ? » sur La Fantasy, p. 92, cite en premier, dans son chapitre sur La Fantasy pour la jeunesse, Erik L’Homme « avec sa trilogie Le Livre des étoiles », parmi « les auteurs français qui se sont montrés aussi imaginatifs que les Anglo-saxons ». Erik l’Homme est en bonne compagnie, puisque Jacques Baudou évoque ensuite Laurent Genefort, Patrick Delperdange, Marc Cantin, Pierre Bottero et Hervé Jubert…


Le Livre des étoiles : Une trilogie fantastique française, bientôt incontournable [C'était en 2005 !]

Non, ce n’est pas chauvinisme que l’on signale que la saga fantastique d’ Erik L’Homme, (d’ailleurs en cours de traduction en anglais), est d’abord écrite en français. C’est parce que le genre, très développé dans le monde anglo-saxon depuis un siècle, malgré la série Golem des frère et sours Murail ou celles de Serge Brussolo, est souvent chichement représenté dans la littérature pour « ados » en France. Certes, Guillemot est apprenti sorcier lui aussi mais il s’enracine dans une culture différente de celle de la créatrice d’Harry Potter. Abreuvant son imaginaire à la fois dans sa connaissance historique et universitaire du Moyen Age et dans son expérience humaine enrichie de voyages mouvementés des Philippines aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan, Erik L’Homme a conçu un univers double original et personnel. Dans le Monde Certain aux mours contemporaines, détaché du Pays d’Ys avant de revenir s’y amarrer, évoluent chevaliers, sorciers et Korrigans. Le Monde Incertain, en revanche, aux villes médiévales truffées de brigands, obéit à d’autres lois magiques.

Le premier tome, Qadehar le Sorcier mettait surtout en valeur la révélation des aptitudes de Guillemot, jeune sorcier assez intrépide pour emmener ses amis au-delà de la Porte du Monde Incertain pour délivrer une jeune fille.

Dans le second tome, tout en s’attachant à l’énigmatique Seigneur Sha, faussement accusé d’avoir volé Le Livre des étoiles, l’auteur parvient à renouveler son récit et à surprendre ses lecteurs en concevant des événements forts. Non seulement, le romancier passionne son lecteur grâce à des actions inattendues et dramatiques, comme l’échec de l’expédition de la Guilde des Sorciers ou le piège des Korrigans redoutables et parjures, mais il dynamise le récit par des dialogues toujours justes et pleins d’humour. Il suscite un intérêt accru pour l’entreprenant Guillemot dont il « confirme les talents », autant que les siens dans l’art de conter, en l’entourant de personnages originaux, tel le jeune sorcier Beltram. Si le romancier a conçu « un univers magique et fantastique » personnel, mêlant chevaliers et sorciers médiévaux et ordinateurs et cinémas de la modernité, c’est parce qu ’il s’abreuve autant à nos mythologies hexagonales qu’à un imaginaire mondial, aussi bien enrichi par la lecture de Tolkien que par celle du Français Pierre Bordage.

Alors que les deux premiers tomes surprenaient par leur dynamisme optimiste et leur confiance dans la lutte contre les difficultés de toutes sortes, le dernier épisode de la trilogie ajoute une dimension humaine inattendue : l’expérience de la souffrance et de la mort. Enlevé par l’Ombre qui compte sur lui pour percer les derniers secrets du Livre des étoiles, Guillemot provoque l’arrivée dans le Monde Incertain de tous ceux qui l’aiment ou l’estiment. Ce sont d’abord ses amis adolescents prêts à prendre tous les risques pour le sauver. Qadéhar, à la tête d’une armée de Chevaliers, alliée aux hommes libres du Monde Incertain, renforcée par les Korrigans convaincus par Beltram, part à la recherche de celui qui est, sans qu’il le sache encore, bien plus que son élève. Les douleurs morales et physiques n’épargneront personne. L’auteur, informé de nouvelles tragiques en provenance d’Afghanistan au moment de la conception du livre, a su transcender ses sentiments par le biais de l’écriture. Il en résulte une ouvre à la fois grave et néanmoins optimiste et dynamique, susceptible ô combien d’aider les jeunes lecteurs à mûrir et à grandir. Pour comprendre le succès de cette « saga des sorciers », il faut aller au-delà de la vogue du fantastique pour comprendre que les adolescents sont sans doute davantage sensibles au « parler vrai » des personnages et à la résolution des conflits grâce aux forces conjuguées de la solidarité et de la fidélité en amitié

Alors que sa trilogie fantastique, Le Livre des étoiles, continue de séduire en France comme à l’étranger, grâce à l’édition dans la collection « Folio junior », Erik L’Homme amorce une « saga » de S-F : Les Maîtres des brisants.

Vient de paraître dans la collection « Hors-piste », le premier épisode Chien-de-la-lune : c’est le surnom donné par ses ennemis au capitaine Vrânken de la planète Nifhell. Vrânk, (pour les intimes), maître du « Rongeur d’os », vieux vaisseau spatial et « crève-Brisants », vient d’être chargé de contrer l’étrange offensive d’une flotte ennemie, susceptible de contrôler la galaxie. En effet, le Khan de la planète rivale Muspell vient d’attaquer Planète Morte et plus particulièrement la base impériale chargée de surveiller les « Chemins Blancs », des raccourcis indispensables pour les voyages spatiaux. Cette base est dirigée par le commandant Brinx Voranx et un jeune stagiaire néophyte, Rôlan Atcoll, est blessé et fait prisonnier... Mais cette étrange attaque, entreprise avec les vieux navires de guerre de Muspell, même si elle bénéficie du concours d’un chaman « otchigin », capable d’anticiper les actions de leur cible, n’est-elle pas un leurre destiné à piéger les gens de Nifhell ? Avant de décoller de sa planète, le capitaine Vrânken, très motivé en apprenant qu’il doit affronter une expédition dirigée par la redoutable « Pieuvre », doit d’abord accueillir des adolescents stagiaires, arrachés un peu brutalement à leurs études et à leur milieu familial pour une expédition de trois ans. Nul doute que les jeunes lecteurs seront d’abord séduits par l’identification possible avec les membres de ce trio, formé de deux garçons et d’une fille d’origine sociale et de formation très différentes. Xâvier, fils d’un général-comte, après avoir vite perdu de sa superbe, manifeste des dons stratégiques utiles en la circonstance. Mârk, orphelin de condition modeste, embauché pour la cuisine, est doté de qualités humaines et d’un sens du dévouement à toute épreuve. Quant à la seule jeune fille, Mörgane, formée à la dure école des devineresses, elle seconde brillamment l’adulte Frä Daüda, susceptible d’assister le capitaine dans ses tactiques guerrières.

Même si les ingrédients classiques du space opera et d’une nouvelle « guerre des étoiles » sont là, Erik L’Homme a su les renouveler par des trouvailles, comme celles de l’échiquier magnétique, des guêpes cybertueuses, de « l’exochaloupe »...

Les puristes de la S-F seront-ils surpris par l’introduction de pouvoirs surnaturels dans chaque camp : le chaman « otchigin » chez les partisans du khan et la devineresse du camp de Nifhell ? Les péripéties, les drames aux conséquences parfois tragiques ne manquent pas : trahison, meurtre, blessures et destructions... Les lecteurs et lectrices adolescents apprécieront le caractère bien trempé et l’évolution des membres d’un trio, d’ailleurs dotés aussi d’humour et de fantaisie, embarqués dans une aventure où se conjuguent surtout solidarité, esprit déductif et tactique et générosité.

Nul doute que cette série, astucieusement amorcée, ménage bien des surprises et va créer quelque impatience chez ceux qui vont sans doute réclamer au plus tôt la sortie du 2e épisode : Le Secret des abîmes.


Erik L’Homme a percé "Le Secret des abîmes"

Quel soulagement pour les lecteurs du Maître des brisants, heureux de découvrir le sort des défenseurs de l’Empire et surtout celui du trio d’ adolescents stagiaires, de moins en moins néophytes depuis qu’ils ont fait preuve de courage et d’initiative dans la défense du Rongeur d’Os ! Il est vrai que l’auteur avait laissé ses personnages dans un état inquiétant et une situation plutôt dramatique. Chien-de-la-lune, alias le capitaine Vrânken, dupé par les hommes du khan, éloigné à dessein de sa planète Nifhell vers Planète Morte alors que les troupes du khan envahissent et incendient la capitale Kenningar, est en outre blessé à l’épaule. C’est le jeune Mârk, on s’en souvient, qui a reçu la guêpe "cybertueuse" à sa place. Il recouvre ses esprits à l’infirmerie, auprès de ses amis Xâvier et Mörgane.

Pour aggraver la situation, le passage des Chemins blancs, pour rejoindre Nifhell, ont été coupés. Or, sans cette sorte de raccourci spatio-temporel, la planète agressée ne peut être rejointe qu’après une course interminable ! On se doute bien que le salut ne saurait venir que du vieux vaisseau de Chien-de-la-lune et de ses ressources secrètes. Encore faut-il harmoniser la réalité actuelle et celles des vieilles légendes, seules capables d’assurer une traversée de l’espace à la vitesse de la lumière.

Plutôt que de céder à la tentation de rendre plus techniquement vraisemblable son space-opéra, (ce qu’il faut laisser au cinéma et à la bande dessinée), obéissant sans doute en cela à des goûts plus personnels, Erik l’Homme a préféré orienter le récit vers le merveilleux traditionnel des légendes, (comme ces sagas qui lui ont inspiré ses noms propres), celui des animaux fantastiques, licornes ou gôndüls, et des forces spirituelles. Certes, Erik L’Homme, en incarnant le secret des brisants dans la métamorphose inattendue du vaisseau le Rongeur d’Os, reconnaît s’être souvenu des « cétacyborgs », ces curieux vaisseaux créés par Alexandro Jodorowski et Juan Gimenez, dans la B.D. : « La Caste des Méta-Barons ». Mais il n’est pas interdit d’y voir aussi un hommage à Danielle Martinigol, laquelle a donné des « abîmes » une image « vivante » et originale, étonnante et émouvante, celle d’astronefs mythiques. S’interroger sur le genre de récit développé par Erik L’Homme : science-fiction, fantastique, fantasy ou récit merveilleux ? serait vain et stérile. Qu’importe en fait les technoscanners, les exochaloupes ou les guêpes cybertueuses ! Qu’importe, même et surtout à l’heure du centenaire de la mort de Jules Verne, si le degré de « scientificité » du récit ne semble pas l’essentiel. En revanche, dans ce roman initiatique destiné à des préadolescents, pour les aider à grandir et à accéder peu à peu à une certaine maturité, ce qui prime, ce sont les relations humaines, nouées souvent entre des adolescents et adolescentes au caractère bien trempé. Loin de tout angélisme ou manichéisme, avec souvent beaucoup d’humour et de justesse dans les dialogues, l’auteur campe des personnages auxquels adhèrent les jeunes lecteurs parce qu’il ne cache ni leurs qualités, ni leurs faiblesses et leurs défauts, permettant ainsi une empathie profonde. Si ce sont des êtres naturellement faillibles, ce qui les lie, c’est d’abord le sentiment très fort d’une amitié construite au fil de l’action, muée en fidélité lorsque les épreuves se multiplient. Solidarité et sollicitude vont de pair chez ces garçons et ses filles, sans éviter ni les taquineries propres à leur âge, ni les imprudences liées à leur fougue. Heureusement, ils sont très humains et la difficile introduction de Rôlan dans le trio Mörgane-Xâvier-Mârk est révélatrice d’une certaine authenticité psychologique des personnages. Ce deuxième tome qui continue de plonger le lecteur dans un monde conflictuel et menaçant est aussi celui de la fragilité des êtres, qui paient physiquement et moralement le prix de leur lutte. C’est particulièrement le cas pour Mörgane et Vranken.

Après ces combats épiques et malgré les amours contrariées du capitaine et de la Pieuvre, le roman clôt une aventure que certains auraient sans doute voulu prolonger !

vendredi 29 janvier 2010

"Olympic", une collection de qualité étrangement ignorée





Les illustrations de ce message, comme celles qui précèdent ou qui suivront, devront être considérées comme des hommages aux auteurs, illustrateurs et éditeurs, parfois disparus, le plus souvent bien vivants. Elles sont aussi une tentative de reconnaissance d'un patrimoine à préserver d'urgence.
Dans le cadre de la conservation partagée, la BM de Clamecy en Bourgogne et la BMVR de Toulouse, région Midi-Pyrénées (Olympic, années 70-80), sont chargées de cette collection.

"Olympic", une collection en phase avec son époque : des nouveaux genres et de nouveaux auteurs

Les éditions G.P. Paris, toujours présidées par Victor Dancette, créent en 1967 la collection "Olympic". Constituée de volumes reliés d’environ 190 pages, imprimés sur du « papier vélin supérieur » et pourvus d'une jaquette mobile illustrée en couleur, d’abord sur un décor coloré puis sur un fond blanc, elle semble surtout destinée aux livres de prix, achetés par les établissements scolaires. Sa typographie et sa mise en page sont soignées chaque volume dispose d’une trentaine d’illustrations en noir et blanc.

Une collection qui satisfait les goûts des filles et des garçons

Rivale surtout des collections "Plein vent" (Laffont), "Fantasia" (Magnard) et "Bibliothèque internationale" (Nathan), la collection s’adresse jusqu’en 1970, tantôt aux garçons (Le Naufragé de Rhodes de Jacqueline Cervon, plusieurs fois primé, Thunderbolt le rebelle de Jacques Talrich), tantôt aux filles (Quelques brins d'edelweiss de Dominique Egleton, la série Karin de Inger Berga (de Karin et son destin à Karin se marie, Pour qu’un cœur batte encore de Saint Marcoux…), tantôt à un lectorat mixte (A Peyreloube, un été de Hélène Coudrier, Voici venir l’orage d’Anne Clairac, dans un village suisse). Des traductions dans les premiers titres peuvent fausser l’idée d’une collection vite très ouverte aux écrivains français. Par exemple, Le Convoi maudit de George G. Stewart (réédition d'un roman anglais de 1936, racontant l’aventure de pionniers américains bien trop pressés d’arriver en Californie), C’était mon ami de Finn Havrevold (déjà chez G.P. en 1963), Oh ! Suzanna de J.R. Williams (encore une histoire de l’Ouest américain de la fin du XIXe siècle) ou La Poursuite implacable (quand un marchand suédois vole des rennes à une famille lapone) et Les Pirates de la mer d’Arthur Catheral…

Plumes féminines confirmées ou nouvelles

Tout en conservant les aspects du livre de prix, agrémenté d'une maquette agréable, la collection "Olympic" évolue favorablement. Elle s'assure le concours des plumes confirmées. En plus des auteurs féminins déjà cités, on remarque en 1967, Yvonne Meynier (Le Dernier orage, quand Yves et Marion doivent affronter une terrible inondation), en 1968, Marcelle Manceau (Agnès mon amie), en 1969, Colette Nast (Peur sur l’alpage) et Bertrande de Rivière (Le Guet-apens de Terre Sainte), un récit ancré à la fin du XIIe siècle, en France et en Orient), en 1970, Claire Graf (Le Pays de Léa), et en 1971, Lucy Vincent (Suspense à la montagne noire). La collection fait encore appel à d’autres talents. Suzanne Malavié imagine que la jeune Nathalie, découvrant dans un parchemin l’histoire d’un sculpteur méconnu du XVe siècle, part à la recherche de L’Artiste de Santiago (1971). Jacqueline Cervon fait se rencontrer un jeune Perse et un jeune Grec à la ressemblance étonnante, au cours des guerres médiques dans Le Fouet et la cithare (1971). Sur un fond tout aussi historique, Hélène Coudrier conçoit Galla et les amphores de Sallerne (1972) et Anne Clairac, imagine que la Savoyarde Claude Perrier devient Le Chevalier d’Albin (1972), à la fin du XVIIe siècle. Il faut faire un saut jusqu’en 1974 et 1975 pour rencontrer L.N. Lavolle (L’Expédition de l’Intrépide), Renée Aurembou (Le Disparu des villes mortes), Suzanne Sens (Les Contrebandiers du sel) mais Amélia Elizabeth Walden intervient en 1972 (Le Pic du diable) et en 1974 (La Décision de Carol). Les adolescents, scolarisés jusqu’à 16 ans depuis la rentrée 1967, vont rencontrer des auteurs adaptés à leurs goûts et à leurs intérêts. En 1969, 30 titres disponibles constituent « une bibliothèque "dans le vent" pour les 13-15 ans ». La collection paraît peu marquée par les effets de mai 68, sauf peut-être lorsque Michèle Gilles met en scène en 1969, dans Le Garçon qui venait de la mer, un adolescent (provisoirement) révolté par les adultes, avant des rencontres bénéfiques au cours d’un été.

Une place de choix pour les talents masculins

Les auteurs français masculins trouvent peu à peu une place de choix. Après Jacques Christophe dont on réédite l’histoire romantique, Les Violettes de Baden (1968), intervient celui qui fut longtemps l’écrivain de la marine marchande, Yvon Mauffret, pour cinq récits, depuis Marina où le temps d’un été (1968), dont le cadre est une belle maison de Bretagne, jusqu’à Goulven (1976), (bourlingueur, peut-être aventurier de la mer au passé mystérieux), en passant par Le Manoir en péril (1970) et La Maison dans l’île (1972). Mais le titre le plus connu, souvent réédité, c’est Pilotin du Cap Horn (1970), quand Etienne, 17 ans, fils d’un riche armateur, en échec dans ses études, embarque sur « La Bérénice » dont l’équipage va l’aider à mûrir.
Place à l’aventure avec Surcouf, le roi de la course (l’impétueuse jeunesse du plus célèbre corsaire de France), de Jean Ollivier, avec le roman historique de Gil Lacq, L'Herbe des Sarrasins. Si Un Pays sans légende (1969) de Paul Berna permet aux lecteurs de retrouver un auteur qui leur est familier, Le Maître de la foudre, un curieux roman de Dominique Egleton qui flirte avec la S-F, pose des problèmes taxinomiques aux spécialistes. C’est à coup sûr plus surprenant que Les Mahuzier sous la Révolution d’Archibald Mahuzier !
Hubert Balme s’introduit chez les Pygmées nomades dans Le Fétiche de Balila et Jean Ollivier se plaît à présenter Jean Laffitte, dernier des grands flibustiers des Antilles, c’est Le Gentilhomme du Sud. De 1970 à 1973, Pierre Pelot propose quatre récits forts différents. En 1970, La Drave évoque la traque d’un homme chez les bûcherons canadiens qui affrontent la rivière en furie, pour acheminer leur bois. Les Epaules du diable (1972) sont celles des taureaux affrontés dans l’arène et La Révolte du Sonora, même si le cadre paraît historique, est surtout l’histoire de Sando et d’une tribu Yaqui alors que le très beau récit, Les Légendes de Terre, appartient à la science-fiction. N'oublions surtout pas, dans le même genre, celui de la S-F, La Machination de Christian Grenier (ces deux derniers livres cités ayant connu une seconde vie dans "Le Livre de poche jeunesse)
De 1974 à 1975, William Camus va publier les quatre épisodes de son personnage américain, Pete Breakfast, depuis Le Faiseur de pluie jusqu’à Ce Sacré Far-West, illustrés par Jean Retailleau qui se charge aussi des volumes : Outi-Tanka jeune bison et L’Or des fous, quand Pete passe du monde des Iroquois à celui du Grand Nord. Entre temps sont venus, X.B. Leprince (Dans le sillage de l’Altaïr) et Maurice Vauthier (Des galères pour Saint Marc), connus chez "Signe de piste" et Joseph Le Poëzat-Guigner (Le Croisé d’Anjou), un auteur connu chez Magnard (et en Meuse et en Bretagne !).

Des illustrateurs talentueux et chevronnées

Les illustrateurs fréquents sont Jean Retailleau, Michel Jouin, Jacques Pecnard, Jean Reschofsky. Se font plus rares Maurice Paulin, Michel Gourlier, Gil Pascal et Daniel Dupuy (surtout pour les jaquettes), Monique Gorde, Françoise Bertier, Daniel Billon, et Annie-Claude Martin. En 1976, plus de 80 titres sont disponibles mais on s’étonne de l’oubli actuel général qui frappe cette collection de qualité.

mercredi 27 janvier 2010

Rimbaud et la Lettre de Gênes. Du dossier au livre



L’édition du livre Rimbaud Un « pierrot » dans « l’embêtement blanc » Lecture de la Lettre de Gênes de 1978 est une longue histoire. Il y eut d’abord un « dossier » publié dans le quotidien La Liberté de l’Est.

Le livre est à peu près totalement écrit et proposé aux éditeurs en 2004, date des 150 ans de la naissance de Rimbaud. 2004 est un mauvais choix, tant les publications sur le poète pullulent alors.
La première partie de l’essai (largement revue depuis), paraît sur le site ecrivosges.com.
L’essai est à nouveau en circulation. Un éditeur lorrain prend le manuscrit en 2007, ne fait rien pendant un an puis procède en 2009 à certains travaux éditoriaux. Or, fin juillet 2009, comme je manifeste une certaine impatience, il décide de ne pas le publier.
Je fabrique rapidement un prêt-à-clicher pour l’Harmattan que j’envoie personnellement, début août, à son directeur, M. Denis Pryen. Le 25 août, il manifeste par téléphone son intérêt et accepte l’édition de l’essai…

Après tout, il n’est pas si fréquent qu’un Vosgien s’attaque à un tel « sujet ». On peut seulement citer auparavant, Jean-Paul Germonville (Un certain Arthur R., voyou de Charleville, La Bartavelle, 1991) et Richard Rognet (La Jambe coupée d’Arthur Rimbaud, Editions Voix Richard Meier, 1997).
Le fait que Rimbaud traverse le Massif vosgien dans des conditions politiques (occupation allemande de l’Alsace) et atmosphériques particulières, donne au livre un intérêt particulier.

Il existe globalement deux façons de traiter Rimbaud. La 1ère que je trouve un peu désinvolte, consiste à écrire comme si personne ne l’avait fait auparavant. La seconde prend en charge les éléments de l’immense « rimbaldothèque » constituée depuis plus d’un siècle et les travaux, si inégaux soient-ils, par les nombreux devanciers.
C’est évidemment cette seconde méthode qui est utilisée ici, sans complaisance ni sévérité inutile mais en rendant compte des apports de ces devanciers, parfois prestigieux, parfois plus anonymes.
Peut-on publier un livre sur Rimbaud en s’appuyant sur un seul de ses textes ? C’est le pari engagé ici. C’est au lecteur de dire si le pari est tenu.
L’essai analyse en profondeur cette longue et précieuse Lettre de Gênes, maillon exceptionnel, entre le « défroqué de la poésie » et le commerçant d’Arabie et d’Afrique.
Le plus souvent à pied, Rimbaud traverse les Vosges, passe à Remiremont et au Col de Bussang dans une tempête de neige. Dans l’ascension du Gothard, pris dans « l’embêtement blanc » angoissant, tel « un pierrot dans un four », il laisse échapper un dernier cri poétique, un chant du cygne. Cette enquête minutieuse, sans concession, revisite toute l’histoire des livres sur Rimbaud et opère une lecture plurielle et approfondie de cette lettre.

Il y a 15 ans, Pierre Pelot au Festival "Fantastic'Arts" de Gérardmer



Je ne vais pas vous dire comment Pierre Pelot a participé au jury "cinéma" du Film fantastique de Gérardmer,(un festival appelé "Fantastica" à l'époque), début février 1995, ni quel rôle j'ai joué pour provoquer cette participation. D'abord, parce que vous ne me croiriez pas, ensuite, parce que d'autres personnes s'en sont attribué le mérite, enfin, parce que j'aurais l'air de me vanter. Il me suffit de me souvenir que Pelot m'a téléphoné en décembre 94 (ou début janvier 95), tout heureux de m'annoncer la bonne nouvelle.

Toujours est-il que j'avais eu le temps de préparer, avant la manifestation, un gros dossier sur ce "maître de la science-fiction et du fantastique français"(dossier qui a d'abord servi au journaliste chargé d'annoncer la nouvelle). Comme je suis toujours trop "long", il a fallu faire subir à cet énorme dossier une juste "cure d'amaigrissement". D'où une longue attente et sa parution... une dizaine de jours après le festival, le 14 février 1995 dans le supplément Livres en liberté de La Liberté de l'Est.

Publier ces informations ne me paraît pas inutile, surtout pour les lecteurs qui connaissent Pelot, seulement depuis son "Grand OEuvre", en 2003 : C'est ainsi que les hommes vivent.

J'ajoute que le 17e festival du film fantastique s'ouvre aujourd'hui, 27 janvier 2010, dans "la Perle des Vosges". Le jury est présidé par le grand cinéaste américain John Mc Tiernan.

mardi 26 janvier 2010

Les Bibliothèques et collections Hachette de 1980 à 2010



Les bibliothèques et collections Hachette (2)
De 1980 à nos jours

A partir de 1980, l’édition change d’échelle, ce qui est aussi valable pour « l’édition jeunesse »


1980 : L’industrie du livre est financièrement dominée en France par les deux grands groupes Lagardère Groupe avec Hachette Livre, et Vivendi, dirigé par Jean-Marie Messier (avec Havas publications édition), dont les principales activités sont étrangères aux industries culturelles.
Décembre 1980 : L’homme d’affaires Jean-Luc Lagardère, président du groupe Matra (matériel militaire, les missiles, les satellites, l’informatique, les télécommunications et l’automobile), contrôle Hachette et en devient P-DG en janvier 1981. Dès lors, l’édition échappe à l’édition.
1982 : Impression offset adoptée pour les Bibliothèques "Verte" et "Rose"
1983 : Collections "Masque jeunesse" (9-11 ans), "Echos Plume" et "Echos
Personnages"
Brochage pour ces collections, et bientôt pour la "Verte" et la "Rose".
Juillet 1983 : Hachette possède Marabout.
Oct. 1984 : Dupuis tombe sous la tutelle de Hachette et du groupe Bruxelles-Lambert.
1984 : 1ers inédits au "Livre de poche jeunesse"
1985 : Hachette Jeunesse crée la collection "Haute tension".
1986 : Hachette Jeunesse lance la collection : "Les Maîtres du jeu".
1987 : "Le Livre de poche jeunesse" décline quatre collections nouvelles :
"Cadou" (3-6 ans), "Copain" (6-8 ans), "Clip" (9-13 ans) et collection "Club"
(plus de 13 ans).
1988 : création du Département Hachette Jeunesse, créé en 1988.
1988 : "Le Livre de Poche Jeunesse" réédite, sous le label "Mon bel oranger", la collection éponyme, chez Stock, dès 1971. Créée par André Bay, elle est dirigée par Marie-Pierre Bay.
1989 : Selon Jean-Marie Bouvaist (Les Enjeux de l’édition jeunesse à la veille de 1992), Hachette (L.P.J., Grasset, Les Deux Coqs d’or, Gautier-Languereau) vend 38 % des livres pour la jeunesse, (soit 11 % de son chiffre d’affaires)
1990 : Hachette-jeunesse : dans la "Bibliothèque verte", "La Verte aventure", dirigée par Laurence Décréau, est subdivisée en genres, pour les 11/14 ans. (5 sous-collections : aventures humaines, héroïques, fantastiques, policières, légendaires). Une partie de "La Verte", devient "La Verte série" (pour les 9-12 ans) (direction, Laurence Décréau), plus une série "Verte Aventure policière", d’Agatha Christie à Anthony Horowitz.
1990 : "Le Livre de poche jeunesse" ajoute la sous-collection "Fleurs d'encre" (poésie).
1990-91 : Chez Hachette, dans la "Verte aventure", la sous-collection "Aventures humaines" s’enrichit de la série, "Les Couleurs du temps".
1991 : Disney Hachette Edition devient la filiale commune de Hachette et de Disney France.
Juin 1991 : Hachette rachète le fond scolaire d’Istra, Gautier-Languereau et les Deux Coqs d’Or
1992 : Fusion Matra-Hachette. Hachette Livre devient filiale du Groupe.
1992 : Création de Hachette Jeunesse Disney, à Paris
1993 : Le Groupe Livre Hachette devient Hachette Livre, une filiale du groupe Lagardère.
1993 : Hachette acquiert 70 % de Calmann-Lévy, vend ses parts de Dupuis à Albert Frères.
1996 : La collection "Verte aventure" éclate d’abord en trois nouvelles sous-collections : "Policier", "Fantastique" et "Science-Fiction".
Mai 1996 : Matra-Hachette, absorbé par le holding Lagardère Groupe naissant. Hachette Livre rachète La Librairie Hatier qui apporte, outre les scolaires Foucher et Didier, les éditions Rageot.
1996 : "Les Encyclopoches"
1997 : Hachette crée "Vertige Cauchemar"
1997 : On distingue Hachette Jeunesse Romans et Hachette Jeunesse Images
1997 : Hachette Jeunesse Romans crée la collection "Courts toujours"
1997 : Collection interactive "Histoires masquées", coéditée par Le Masque et Hachette Jeunesse
1998 : Hachette jeunesse crée "Vertige Coup de foudre" (roman sentimental), "Eclipse" (romans courts), et "Planète verte" (dirigée par Yves Frémion) dans la "Bibliothèque Verte".
1998 : Hachette crée "Frouss'land" (policiers interactifs et ludiques).
1999 : "Vertige Fou Rire"
1999 : Les Classiques Hachette lancent la collection "Biblio Collège"
2000 : Naissance de Hatier international (Hachette Livre)
avril 2000 : Hachette relance la "Bibliothèque Rose" et la "Verte" avec une nouvelle maquette.
2000 : Chez Hachette "(Court toujours)" à 10 F, au format carré.
Début 2002 : Les deux géants de l’oligopole, Vivendi Universal Publishing (Nathan Jeunesse, Larousse Jeunesse, Pocket Jeunesse, Syros, Hemma) et Hachette livre (Hachette Jeunesse, Le Livre de poche jeunesse, Gautier-Languereau, Deux Coqs d’or, Grasset jeunesse, Groupe Hatier), dominent encore l’édition française, devant Albin Michel, le groupe RCS (Flammarion-Père Castor, Casterman Jeunesse, J’ai lu jeunesse), Gallimard et Le Seuil.
L’édition pour la jeunesse adopte peu à peu le même fonctionnement que l’édition pour adultes : étalement de la sortie des fictions, collections de grand format ou de semi-poches.
23 octobre 2002 : Jean-Luc Lagardère, P-DG de Lagardère Groupe, du groupe Hachette et patron de l’armement français, rachète le département édition Vivendi Universal Publishing.
Hachette-Vivendi, n° 3 européen, crée une situation de monopole et un abus de position dominante : Hachette posséderait alors 55 % de l’édition française et 65 à 70 % de la distribution.
Le Seuil, La Martinière et Gallimard, éditeurs encore « indépendants », avec le soutien des libraires, saisissent les autorités européennes et la Commission européenne de la concurrence, dont le commissaire est alors l’Italien Mario Monti, contre la puissance de Hachette-Vivendi.
Printemps 2002 : Chez Hachette Jeunesse, les grands romans classiques sont remis à l’honneur dans "La Bibliothèque Hachette"
Mars 2003 : Décès de Jean-Luc Lagardère. Son fils Arnaud le remplace, renvoie Jean-Louis Lisimachio, P-DG de Hachette-Livre, remplacé par Arnaud Nourry.
Déc. 2003 : Selon la Commission européenne, Hachette-Lagardère ne garde que 39 % d’Editis.
2003 : Dès le mois d’août, dans la Bibliothèque verte, chez Hachette Jeunesse, paraissent des novélisations de la bande dessinée d’Arleston et Tarquin : Lanfeust de Troy.
Mai 2004 : Pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne, Arnaud Lagardère, écartant Gallimard et Médias-Participations, vend 61 % de VUP (baptisé Editis en octobre 2003), à la holding Wendel Investissement, dirigée par Ernest-Antoine Seillière.
6 février 2006 : Après le rachat de Time Warner Book Group, 5e éditeur américain, Hachette Livre, propriété du Groupe Lagardère, dirigé par Arnaud Lagardère, devient le troisième éditeur mondial, derrière le groupe britannique Pearson et le groupe allemand Bertelsmann.
2006 : Le Groupe Hachette va fêter les 150 ans de la « Bibliothèque rose », non pour revenir à la Comtesse de Ségur, mais plutôt pour s’attarder sur Enid Blyton (1897-1968)
8 novembre 2006 : Le "Livre de poche jeunesse" lance la première collection de fiction jeunesse arborant la couleur "Fantasy", une collection hélas trop éphémère (stoppée en 2008) !
2007 : Le "Livre de poche jeunesse" (Hachette) lance pour peu de temps la collection jeunesse "Science-fiction", déjà stoppée en 2008.
2009 : La collection "Le Livre de poche jeunesse" (Hachette) a trente ans.
La "Bibliothèque Verte" et la "Bibliothèque rose" qui ont multiplié les novélisations à partir de personnages de B.D., de dessins animés et de mangas, persistent dans cette voie, au point de changer profondément l’image de ces collections.

lundi 25 janvier 2010

Le casse-tête des collections Hachette jusqu'en 1979 (1)




Le casse-tête des bibliothèques et collections Hachette (1)
Des origines à 1979


A la suite d'un courriel de l'ami Yves Marion, auteur d'un essai remarquable sur le romancier Paul-Jacques Bonzon, intitulé De la Manche à la Drôme : itinéraire de Paul-Jacques Bonzon, je me suis replongé dans l'Histoire des collections juvéniles, chez Hachette. Cette Histoire est parfois floue et bien compliquée.

Dans Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle (L’Harmattan, 2009), version revue, très augmentée et actualisée (grâce à son grand format) de Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans, la chronologie concernant toutes les collections « jeunesse » des éditions Hachette, n’est pas encore assez précise.
Dans une telle synthèse où l’on doit faire une place à tous les éditeurs, des informations ont été écartées. Les éditions Hachette (dont beaucoup d’archives ont disparu) n’ont rien fait pour faciliter le travail des chercheurs. On ne peut que se reporter au livre de Jean Mistler sur La Librairie Hachette de 1826 à nos jours, paru en 1964 (pour les veinards qui le trouvent) pour la période antérieure à cette date). Les ouvrages récents, consacrés aux « bibliothèques » et « collections » Hachette n’apportent pas non plus les réponses attendues
Or, la confusion règne parfois parmi des collections qui se chevauchent ou qui prennent un nom officiel à une certaine date, alors que des ouvrages portent déjà le nom de la collection plusieurs années auparavant.

Essayons une chronologie qui risque d’être parfois approximative :

1852 (ou 1854 ?) : "La Bibliothèque des Chemins de fer" (Hachette).
1856-57 : "La Bibliothèque rose illustrée" (Hachette) (série pour les jeunes, issue de la Bibliothèque des chemins de fer).
1864 : Collection " Bibliothèque des merveilles", chez Hachette
1872-début XXe : "Bibliothèque de la jeunesse" (Lib. Hachette).
1879, début XXe : "Bibliothèque des écoles et des familles"
Début du XXe siècle : "Nouvelle Bibliothèque d'éducation et de récréation" (remplacée en 1924 par la "Bibliothèque verte"…)
1882 : "Bibliothèque de la famille" (Hachette).
A partir des années 80 : "Nouvelle Collection illustrée Hachette".
1910 : Collection "Idéal-Bibliothèque", Lafitte (Hachette en 1916).
1914 : Les successeurs de Louis Hachette rachètent le fonds Pierre-Jules Hetzel.
1919 : « Livres de prix » (Hachette) : "Bibliothèque des écoles et des familles" ;
"Ouvrages de guerre" ; "Mémoires et Récits de guerre".
1924 : Création officielle de la "Bibliothèque verte" (Hachette), qui émane de la
"Nouvelle Bibliothèque d'éducation et de récréation".
Au cours des années 20 la « Rose » devient la "Bibliothèque Rose illustrée"
1925 : Collection "Bibliothèque bleue", chez Hachette
1925 : La "Bibliothèque rose" devient "Illustrée".
1928 : "La Nouvelle Collection Jules Verne"
"Voyages extraordinaires de Jules Verne"
1928 : "Collection du Petit Monde"
"Bibliothèque du Dimanche illustré"
"Collection du Prix Jules Verne"
1929 : impression sur rotatives et façonnage mécanique des cartonnages
1930 : "La Nouvelle Collection Ségur" (certains disent 1931) (1ère)
1931 : "Albums à dos bleus" Albums Disney…
1944 : A la libération de Paris, Hachette lance "Jeunesse du monde".
1948 : Reprise des albums Disney, Albums Tarzan…
Vers 1948, jusqu’en 1951 : Dans la "Bibliothèque verte" : une série "Romans d’aventures".
A la même époque» : "Collection « Tarzan » " (plusieurs traducteurs)
1949 : la Librairie Générale de France, une filiale de Hachette, et Gallimard, développent la collection "Pourpre"
1949 : "Nouvelle collection Ségur" (2e)
1949 : "Nouvelle collection Fleuriot"
1950 : "Idéal Bibliothèque", collection reliée et illustrée
1951 : "Le Rayon fantastique"
1953 : "Le Livre de poche" (Librairie Générale de France, filiale de Hachette)
1953 : Chez Hachette, Pierre Probst commence à dessiner la série Caroline.
1955 : "Collection Ségur-Fleuriot" (cette date de 1955 est floue : certains
indiquent 1954, 1956 et même 1950) La collection regrouperait alors les deux collections : "Nouvelle collection Ségur" et "Nouvelle collection Fleuriot". Durée parfois annoncée : 1955-1957. L’identification malaisée (pas de marque ni sur la couverture, ni sur la jaquette) se fait grâce aux couleurs : Hachette imprimé en noir et lettres des titres avec des cadres noirs sur fond rouge clair)
Cette "Collection Ségur-Fleuriot" (qui s’ouvre à Enid Blyton en 1955) disparaît en 1957. En fait, Elle serait une transition entre l’ancienne et la nouvelle "Bibliothèque rose"
1955 : Hachette diffuse des séries de romans anglo-saxons en "Bibliothèque verte",
"Rose" et "Collection Ségur". (Club des cinq, Alice…).
Le processus va s'amplifier.
Novembre 1956 : Collection "Bibliothèque Hachette" (une façon de relancer la
"Bibliothèque de la jeunesse" (de 1956 à 1959)
1958 : "Nouvelle Bibliothèque rose" (avec couverture pelliculée en couleurs)
(De 1958 à 1971)
La "Nouvelle collection Ségur" deviendrait alors une version bon
marché de la "Nouvelle Bibliothèque rose"
1958 : "La Bibliothèque Verte" s'ouvre aux séries françaises.
1961 : La "Bibliothèque rose" publie la série "Fantômette" (G. Chaulet) et la "Bibliothèque verte" s'ouvre à la série "Les Six Compagnons" (de P.-J. Bonzon).
Octobre 1962 : Hachette lance la collection "Mini rose", pour les benjamins.
1973 : Collection "Ariane"
1974 : La "Bibliothèque rouge", devient "Poche Rouge" (76)
1974 : "Grandes œuvres" luxueuse, Hachette (Jules Verne).
1974 : Pour célébrer le centenaire de la mort de la Comtesse de Ségur, Hachette réédite l'intégrale de ses œuvres, dans la collection "Grandes Œuvres".
1975 : Albums (6-12 ans) de "La Bouteille à l'encre" (1975-1979) chez Hachette.
1975 : Hachette lance les albums "Tapis volant" (6-12 ans) et "Toboggan".
1976 : Collection "Vermeille"
Mars 1979 : Collection "Le Livre de poche jeunesse"
1977 : "Voies libres" (Hachette), après la "Bibliothèque rouge".
1978 : Hachette édite les "Intégrales" de Jules Verne, pour le 150e anniversaire de sa naissance.
1979 : albums "Eclipse"
1979 (mars) : Hachette lance la collection "Le Livre de poche jeunesse" (L.G.F.).

Une deuxième partie traitera bientôt de la période 1980-2010

vendredi 22 janvier 2010

1980 EN 50 FICTIONS JEUNESSE



En plus d'ouvrages des nouvelles collections "Castor poche" (toujours vivace en 2010) (Père Castor Flammarion) et "L'Ami de poche" (chez Casterman), on rencontre naturellement les collections "Folio junior" (née en 1977, chez Gallimard jeunesse et dont les couvertures et le format ont bien changé) et "Le Livre de poche jeunesse" (créée chez Hachette Jeunesse en mars 1979).

Cette liste de 50 livres présents dans l'édition jeunesse, au cours de l'année 1980, est évidemment subjective (si certains le désirent je peux en ajouter beaucoup d'autres, ce qui élargira le champ de collections présentes). Néanmoins, elle peut éclairer sur des "nouveautés" que l'on ne croyait peut-être pas aussi anciennes.

1980 :
Richard BACH, Ill. Gérard FRANQUIN : Jonathan Livingstone le goéland “Castor poche Flammarion”
Michel-Aimé BAUDOUY : Sylvie de Plaisance (rééd. de Vivre à Plaisance, 1977) (« Travelling », Duculot).
Evelyne BRISOU-PELLEN, Ill. Alain LETORT : Le Mystère de la nuit des pierres (« B. Amitié »)
Frances H. BURNETT : Le Jardin secret, écrit en 1910 et traduit … en 1980
Christian BRUEL, Anne BOZELLEC : Le Cheval dans l'arbre (album Le Sourire qui mord)
Italo CALVINO : Romarine et autres contes (coll. jeunesse et traduit de l'italien). Nathan Liste Cycle III
William CAMUS, Ill. Patrick PHILIPPON : Légendes Peaux-Rouges « Fantasia », Magnard, h.-t. coul.
Jane CARRUTH : Le Grand livre des fées (1980) (contes réunis par...)
Forrest CARTER : Pleure Géronimo (« Mon bel oranger », Stock)
Wanda CHOTOMSKA, Ill. Bruno LE SOURD : L'Arbre à voile (« Castor poche » n° 2, Flammarion) (tr. polon.)
Etienne DELESSERT, A. Van der ESSEN : Série "Yok-Yok" (albums Gallimard)
Philippe EBLY, Ill. Yvon LE GALL : Le Naufragé des étoiles (Les Conquérants de étoiles) « Bibl. verte »
Michael ENDE : Momo (roman/conte) ("Mon Bel Oranger"). e. o. en alld : 1973, trad. de Marianne Strauss
Yvonne ESCOULA, Ill. Tina Mercié, Bernard HERON : Six chevaux bleus « Folio junior » Gallimard Jeunesse
Marie-Raymond FARRE, Gilles BACHELET : La Longue route des savants fous « Tapis volant », Hachette
Sid FLEISCHMAN, Ill. LAVERDET : L'Homme qui brillait la nuit « Le Livre de poche Jeunesse » (é. o. : 1965)
Michel FORGIT, Ill. Victor de la FUENTE : Epreuves par neuf « SF », Fernand Nathan
Irène FRAIN : Contes du cheval bleu Diableries et vaisseaux fantômes « Livre de poche Jeunesse »
F. GLASS : J' m'appelle Tigre (« Mon Bel Oranger », Stock).
M. GRIMAUD : Le Temps des gueux (« Travelling. sur le futur », Duculot.)
Pierre GRIPARI, Ill. Philippe DUMAS : Texas Jim ou le coyote triste (pièce) « Renard poche », Ec. Loisirs
Pierre GRIPARI, Ill. Puig ROSADO : Le Gentil petit diable et autres contes de la Rue Broca « Folio junior »
Kurt HELD : Zora la rousse et sa bande (adapt. 13 ép. T.V diffusés, Récré A2,1981) Bib. de l’Ecole des Loisirs
Charlotte HERMAN, Ill. Monique TOUVAY : Le Fauteuil de grand-mère (trad., e.o. 1977) (« Castor poche »)
Anthony HOPE : Le Prisonnier de Zenda (Rééd. Pierre Belfond). Couv. Ill. (trad. de l'angl. par Michel Darroux).
James HOUSTON, Ill. de l’auteur : Akavak ((« Castor poche » n° 1, Flammarion)
Janusz KORCZAK, Ill. François DAVOT : La Gloire (« Castor Poche »). adap. du polonais. 1ère éd. 1913.
Jean-Marie G. LE CLEZIO : Lullaby « Folio junior », Gallimard Jeunesse
Christian LEOURIER, Ill. Jean-Marie VIVES : L'Appel des ondins. (« Eclipse », Hachette).
Astrid LINDGREN, Ill. BOIRY : Vic le victorieux (éd. suéd. 55, trad. G.P. 1980, L.P. Clip en 1987)
George MACDONALD : Contes du jour et de la nuit (« Aux quatre coins du temps », Bordas)
Mouloud MAMMERI : Contes berbères de Kabylie : Machaho ! Tellem chaho ! (A.Q.C.T., Bordas)
Hubert MONTEILHET, Ill. J. M. BARTHELEMY : Un métier de fantôme « Bibliothèque Internationale », Nathan
Philippe NEVEU, Ill. Christophe BESSE : Rue des gamins incomparables (« Tire lire poche », Magnard)
Marcela PAZ : Papelucho (« Aux Quatre Coins du Temps », Bordas)
Mervin PEAKE (1911-1968) : Lettres d'un oncle perdu (« L'Ami de poche ») (1ère éd. en anglais 1948)
PEF (Pierre Elie Ferrier) : La Belle lisse poire du Prince de Motordu (album ; « Folio benjamin », Gallimard)
Pierre PELOT : Fou comme l'oiseau (« Les Chemins de l'Amitié »). (adapté pour la T.V. par F. Cazeneuve)
Pierre PELOT : Dylan Stark : La Couleur de Dieu « L'Ami de poche », Casterman (nouvelle édition)
Yves PINGUILLY : La Folie mauve des lilas (« Les Chemins de l’Amitié »)
Hélène RAY : Je m'appelle Juliette (Tirelire-poche, Magnard)
Christine RENARD, Ill. Victor de LA FUENTE : La Nuit des luminneux « SF », Fernand Nathan
Joyce ROCKWOOD, Ill. Vincent RIO : Une jument extraordinaire « Castor Poche » Flammarion
William STEIG : L'Ile d'Abel « Folio Junior », Gallimard J.
Michel TOURNIER, Ill. Danièle BOUR : Pierrot ou les secrets de la nuit Gallimard Jeunesse Liste Cycle III
Marylin SACHS, IlL. François DAVOT : Du soleil sur la joue (« Castor poche », Flammarion)
Bertrand SOLET, Ill Françoise BOUDIGNON : Les Cahiers de Baptistin Etienne « Le L. de poche J. » é. o.72
Henri TROYAT : Viou Flammarion. (éd. en Castor p. en 1984)
Adela TURIN et Anne MONTECROCI : Planète Mary : Année 35 « Du côté des petites filles », éd. des Femmes
Alan WILDSMITH, Ill. Yves BEAUJARD : Un été aux arpents (« Castor poche ; 10 ») Flammarion 211 p.
Henri WINTERFELD, Ill. J-Paul BARTHE : Les Enfants de Timpelbach « Le L. de poche Jeunesse » é. o. 1957

N.B : Les lecteurs curieux pourront découvrir quelques titres absents de la liste parmi les illustrations.

Nouveautés de l'édition et de la presse jeunesse en 1980



Puisque nous entrons dans les "années en 10", je compte faire quelques rétrospectives concernant les décennies passées.
Reculons d'une génération et reportons-nous il y a trente ans !

Que propose l’édition jeunesse au cours de l’année 1980 ?

Un changement d’échelle dans l’édition

En 1980, selon Jean-Yves Mollier (Où va le livre ?, La Dispute), « Le champ de l’édition (l’industrie du livre) est financièrement dominé en France par deux grands groupes dont les activités premières sont étrangères aux industries culturelles. Il s’agit d’une part, de Lagardère Groupe avec Hachette Livre, entreprise intégrée dans la structure industrielle Matra-Hachette dont le P-DG est Jean-Luc Lagardère et, d’autre part, de Vivendi, dirigée par Jean-Marie Messier, avec Havas publications édition ». Le monde éditorial français est alors essentiellement « duopolaire », devant « la bande des quatre » : Gallimard, Flammarion, Albin Michel, Le Seuil, devançant Hatier et Masson et huit challengers.
En décembre 1980, L’homme d’affaires Jean-Luc Lagardère, président du groupe Matra, (spécialisé dans le matériel militaire, les missiles, les satellites, l’informatique, les télécommunications et l’automobile), prend le contrôle de Hachette, (OPA externe sur Hachette qui vient de connaître une décennie calamiteuse). Il devient P-DG de Hachette en janvier 1981. L’édition va désormais échapper à l’édition.

Plusieurs collections de poche apparaissent

En avril naît la collection "Castor poche" chez Flammarion, à l'Atelier du Père Castor de François Faucher qui la dirige avec Martine Lang. La série "Junior" est illustrée. Tous les genres seront finalement représentés.
Cette collection généraliste, conçue au départ pour les 8 à 13 ans, « grandit avec les enfants » et s’étend peu à peu de Castor Poche Benjamin à Castor Poche Senior
La collection romanesque "Tire Lire Poche" chez Magnard fait une entrée plus discrète.
En revanche, la collection "L'Ami de poche", dirigée par J.-H. Malineau, sort plusieurs titres chez Casterman en publiant des classiques et des oeuvres plus éclectiques, avant d’élargir ses traductions.
Notons encore, chez Nathan, les collections. éphémères : "Nathan SF" et "Nathan P.J.".
Gallimard Jeunesse regroupe déjà 14 collections et l’on remarque les naissances de "Folio Junior en poésie"et de "Folio Benjamin" (5-7 ans), qui réédite Beatrix Potter.
Dans la collection "Folio Junior" sont réédités des titres de la collection " Plein vent", créée par André Massepain, chez Robert Laffont en 1966 (par exemple, Sierra brûlante de Pierre Pelot). Casterman publie "Contes de toujours", avec Bruno de la Salle et Hatier publie des contes illustrés dans la collection "Fées et Gestes". L’Ecole des loisirs restructure son catalogue en distinguant albums et livres cartonnés et éditions brochées au format de poche.
Côté presse, il faut apprécier le lancement de Milan Presse par Patrice Amen, très attaché à la laïcité (le 1er journal : Toboggan paraît en novembre)
Chez Fleurus, Turbule (M) ne tient que le temps de 42 numéros de janvier 1980 à juillet 1983.

jeudi 21 janvier 2010

Avatar, James Cameron... et Pierre Pelot



Vous avez sans doute vu, avec ou sans lunettes spéciales, le film époustouflant Avatar de James Cameron. Dans la dernière partie, on voit les membres de l’ethnie des Na’vis, connectés à une Nature qui réagit pour les sauver de l’attaque colonialiste d’envahisseurs surarmés.
Ces séquences m’ont aussitôt fait penser à trois livres de Pierre Pelot, sans que j’aie la naÏveté de croire que James Cameron les connaisse.
Ces trois romans utilisent le voyage d'une planète souillée ou dominatrice ou parvenue à un très haut degré de technicité vers un monde où la nature, alliée des plus faibles ou de ceux qui lui sont demeurés fidèles, intervient. Pelot y apparaît comme un des rares auteurs panthéistes de la S-F ?
En réécrivant un livre inspiré par la mythologie des Indiens Hopi, en pensant parallèlement aux Chroniques Martiennes, Pelot a donné naissance à La Septième saison où les légendes des extra-terrestres doivent beaucoup aux légendes indiennes. C’est son premier récit publié au « Fleuve Noir Anticipation ». Dans La Septième saison, Pelot exprime une vision pessimiste. Lorsque les Terriens quittent leur planète pourrie, tuée à petit feu et polluée jusqu'aux plus extrêmes limites, ils ne sont pas pour autant débarrassés de leurs vices. « Ils n'ont pas manqué d'emporter avec eux leur carapace ordurière (politiciens véreux, militaires bornés, policiers sadiques, populations normalisées, armes de destructions massives … » écrit Jean Giraud (est-ce l’auteur de Blueberry, alias Moebius ?), dans Horizons du fantastique, dès la première édition en 1972.
Venus de Terre I dans un immense vaisseau, les derniers Terriens émigrent vers Larkioss, le nouveau monde très habitable d'une autre constellation. Une race humanoïde, pacifique et primitive y habite. Qu'à cela ne tienne : les envahisseurs massacrent l'ancien peuple au laser ou à la bombe bactériologique et refoulent les survivants irréductibles dans des réserves souterraines où les croyances et les coutumes se transmettent oralement. Grâce à l'enfant Niaok, un « fils de l’esprit », « mort et vivant », aux pouvoirs singuliers, un peuple retrouve ses racines et le sens de ses légendes et de ses croyances.
Mue par cet étendard de la révolte, la planète toute entière se soulève physiquement, géologiquement, lors de La Septième saison. Doté d'une conscience intègre, le docteur Nolis, bravant l'interdit en aimant la Larkiossienne Mea, échappe à l'anéantissement. Bientôt, la nature complice retourne à l'état primitif et s'unit à son peuple spolié pour la décolonisation en marche. Le soulèvement pacifique des Larkiossiens et de la Terre qui « tremble comme une bête vivante » contre l'envahisseur, et l'attitude ouverte et chaleureuse de Nolis sont plus que des notes d'espoir pour tempérer l'impression amère laissée par la violence terrienne. Jean-Pierre Andrevon se montre aussi sensible, dans ce « roman tragique, mais aussi tonique et généreux », à cette « révolte de la planète elle-même qui, véritable entité cosmique réveillée par l'esprit collectif des Larkiossiens télépathes, broie les cités terriennes sous un véritable rouleau compresseur de boue vivante qui laisse derrière lui des prairies et des forêts à la place des villes de béton et de métal. »

C'est encore la nature, par l'action de ses « lianes-algues », qui intervient sous Le Ciel bleu d'Irockee ("Presses Pocket S-F", 1980), pour aider les Shisals exilés sur une planète, comme l'étaient les Indiens refoulés dans les réserves.
Les hautes autorités font mine d'expier leurs massacres, accordent la planète Irockee, une planète vierge présentée comme un paradis, aux survivants du peuple shisal. Or, sur cette nouvelle terre, la nature se révèle l'alliée des nouveaux arrivants. La mer chante, les algues et les lianes attaquent les colonisateurs qu'elles tuent ou contraignent au retour sur Yorgom tandis que le peuple shisal retrouve ses racines et la joie de vivre, hors de toute manipulation, la machination impériale ayant finalement échoué.


Dans Les Légendes de Terre ("Olympic", G.P., 1973 et "Livre de poche jeunesse"), venu de Terra, la planète des savants et des techniciens de haut niveau, un astronef doit se poser sur une rivière gelée d'une "planète bleue" . Là vivent des êtres primitifs qui chassent comme au temps de la préhistoire. Après avoir décidé d'aider les « astronavigateurs » naufragés, ils fraternisent et tous échangent leurs savoirs. Vathor, en partie réparé, peut voler mais pas assez pour regagner la galaxie. Chasseurs et hommes de l'espace vont découvrir, ensemble, au terme d'une expédition mouvementée et périlleuse, les ruines d'une cité pyramidale cachant des vaisseaux aussi perfectionnés que ceux des visiteurs. C'est la chance ultime de remettre Vathor en état. Sans doute grâce à Lyra, une fille de ce peuple de Ghur qu'il aime le bio-technicien Bel a compris le sens profond des mythes enfouis. Il décide donc de rester dans le monde fruste mais chaleureux de la Planète Bleue.

Hommage aux quatre frères Simon




Voici quelques oeuvres de Sacha Simon, grand reporter et écrivain (en haut, à gauche), de Louis Simon, auteur de romans scouts et de chansons de marche (en haut, à droite), de Boris Simon, écrivain et traducteur, surtout connu pour ses deux témoignages sur Les Chiffonniers d'Emmaüs (en bas, à gauche) et Romain Simon, illustrateur animalier talentueux que j'espère rappeler à toutes les mémoires.
P.S. : Dans la chanson de Louis Simon : La Belle fille, lire "Elle a les joues et le teint hâlés" (en non, "jours" : faute de frappe)



Dans les archives 2009 du blog, vous trouverez les pages consacrées à l'ilustrateur animalier Romain Simon mais il ne faut pas oublier ses frères Sacha, Louis et Boris.

mercredi 20 janvier 2010

Lettre ouverte à propos de la littérature jeunesse



Cette lettre ouverte date de 2002 mais beaucoup d'arguments et de références me semblent encore valables. A vous d'en juger et de réagir.

Je ne sais pas si le lien indiqué ci-dessous est encore valide.
Sur le site de Citrouille qui a la bonne idée de garder quelques archives, j'ai publié jadis une lettre en réponse à un article du Nouvel Observateur dont le contenu me paraissait bizarrement "réactionnaire".

http://www.citrouille.net/iblog/B21402419/C1068534385/E137228819/index.html

Voici son contenu, légèrement abrégé, avec l'ajout d'intertitres :
Lettre du 17 juin 2002 d’un lecteur « attentif et néanmoins troublé »

Sous la rubrique « Notre époque » du n° 1962, je viens de lire votre dossier, à première vue intéressant, intitulé Livres pour enfants, Quand le rose vire au noir.

Livres pour enfants ou littérature jeunesse ?

Le titre (...) paraît plus provocateur que le contenu davantage nuancé… . Ne pourrait-on pas aujourd’hui oser parler, (comme le font d’ailleurs les nouveaux programmes de l’école et du collège), compte tenu de l’évolution et de l’extrême diversité du genre, de « littérature pour la jeunesse » ? Ce serait, en même temps, le plus bel hommage qu’on pourrait rendre à un pionnier comme Pierre Marchand dont la disparition le 4 avril dernier [en 2002] n’a guère été prise en compte, (c’est une litote), dans les magazines français.
Serait-ce sans doute cruel et injuste de dire que vous avez trouvé un « marronnier » adéquat pour un entre-deux-tours d’élection. Toutefois, force est de constater que, déjà en mars 1988, dans le n° de la revue « Autrement » consacré à « L’enfant lecteur », la regrettée Germaine Finifter, (dont la collection « Les Uns les autres », chez Syros reste une référence), publiait un dossier intitulé : « Le roman miroir de la société» en précisant, avec optimisme, que certains romans « donnent envie de mener sa vie sans la subir ». Elle osait conclure : « Souhaitons que la littérature de jeunesse fasse s’interroger ses lecteurs sur eux-mêmes et sur le monde auquel ils appartiennent ».

Des raccourcis périlleux

« Le rose vire au noir », écrivez-vous : c’est un raccourci séduisant mais historiquement inexact. Les traductions de la série le « Club des Cinq », (dès 1952 en Belgique), datent de 1955 chez Hachette, et Parwana, une enfance en Afghanistan n’a été que récemment publié, soit 47 ans après ! Il est exagéré d’écrire : « En vingt-cinq ans, on est passé du Club des Cinq (…) aux clans d’enfants des rues de Bogota »).
Il n’est pas non plus pertinent d’écrire : « Pourquoi a-t-il fallu attendre les années 1980 pour qu’émerge en France un courant qui s’annonçait dès 1968 ? ». Ce courant s’est exprimé à travers des collections pour adolescents, vilipendées bassement par un pamphlet d’extrême droite paru en 1985, réédité en 87, trop vite relayé par des municipalités abusant de leurs pouvoirs pour interdire l’accès de certains livres aux bibliothèques (puisqu’ils étaient conformes à la loi de juillet 1949, indiquée en fin de chaque volume).
Ces collections s’appelaient "Plein vent", chez Robert Laffont, (grâce à André Massepain), "Travelling", chez Duculot en 1972, "Les Chemins de l’Amitié", chez Amitié-G.T. Rageot, à partir de 1973, "Grand Angle" pour G.P. en 1974.
A l’inverse, parler de la naissance de l’Ecole des loisirs en 1965, (créée et animée par Jean Fabre, Arthur Hubschmid et Jean Delas), peut prêter à confusion si on l’associe dans la même phrase au « réalisme social ». A l’époque, il s’agissait surtout de publier des albums comme le démontrent les premiers catalogues des collections « Joie de lire » (pour les 3/10 ans, en 1968) ou « Renard Poche », collection d’albums de poche fondée en 1975).
La fiction romanesque y apparaît plus tardivement.
Votre article semble écrit sous le signe de la confusion généralisée. Sans cesse et dès le début, consciemment, je suppose, vous entretenez la confusion entre le conte qui n’est pas votre sujet : aucun titre ne s’y rapporte, (et pourtant la collection « Contes et légendes » de Nathan, née en 1916, est plus que jamais très vivace), et la fiction romanesque est strictement limitée à l’approche des réalités sociales. Au conte appartiennent « les ogres et les sirènes » (page 192), si « les contes de fées » existent (sauf dans votre article), « les contes de faits divers » (page 104) sont, si j’ose dire, une pure fiction. « L’île aux enfants » (qui, à ma connaissance, n’a existé qu’à la télévision et dans la presse juvénile, mais peut-être voulez-vous séduire les « adulescents » ) n’a pas à être transposée en 2002, « pleine de bruit et de fureur ». Vous ne craignez pas d’en rajouter une couche, grâce à des formules apparemment démagogiques et déplacées, puisque, selon vous, « l’ogre s’appelle Pinochet », (mais l’allusion se rapporte à un récit de 1975 !), et « Hitler occupe la maison de Hansel et Gretel ». (J’ai intitulé un chapitre de mon essai : « Peut-on enseigner la Shoah à la jeunesse par la fiction romanesque ? »_(p. 463), et je ne le regrette pas).

La confusion des âges et des lectorats

D’ailleurs, sans cesse, vous semblez jouer sur la confusion des âges, faisant croire que la publicité pour la collection « Médium » (de l’Ecole des loisirs, lue surtout par les 13-15 ans, et où sont parus No pasaran le jeu, superbe livre de Christian Lehman et Je veux voir Marcos de Valérie Dayre : n’oubliez pas les noms des auteurs, merci), « est vue souvent sur le mur des crèches et des écoles » (p. 102). Page 103, les éditeurs « sont penchés sur les berceaux », de qui vous moquez-vous ? Je trouve vos propos d’autant plus sidérants, (même si j’ai moi-même critiqué le lancement médiatique abusif de : J’ai peur du monsieur), que vous n’évoquez à aucun moment les albums des 3-8 ans, ceux, par exemple, des Editions du Rouergue (qui ont beaucoup perdu avec le départ d’Olivier Douzou), des éditions du Seuil et de multiples auteurs et maisons d’édition, vantés à juste titre, avec autant de chaleur et de compétence dans les ouvrages de Jean Perrot.
Confusion des âges donc, d’autant plus inadmissible que les éditeurs, (aussi bien dans le domaine de la presse que du livre juvénile) multiplient, d’une façon excessive et trop souvent pour le marketing, la segmentation des lectorats possibles : les tout-petits (jusqu’à 3 ans), petite enfance (3-5 ans), la moyenne enfance (5-8 ans), la grande ((8-11), les « préados » (11-13), les « ados » (13-15) et « postados » (16-18), voire les jeunes adultes…

Une focalisation excessive

Votre évocation de ce que vous appelez, d’une façon fort ringarde et obsessionnelle, « les livres pour enfants », (Je vous signale, au passage, que Jean Perrot a écrit : Jeux et enjeux du livre d’enfance et de jeunesse », et non « d’enfant » ! C’était en 1999 : avez-vous lu ce qu’il disait du livre « Et pourtant ils lisent », encensé par votre hebdomadaire, bien que cet essai confonde Albert Camus et William Camus et qu’il « oublie » quasiment la vraie littérature pour la jeunesse), votre évocation, donc, est univoque, partiale et partielle puisque vous ne creusez que le prétendu « sillon du réalisme social ».
Nulle part, vous ne dites que la littérature pour la jeunesse est infiniment plus riche dans ses thèmes comme dans son lectorat. Cette focalisation excessive, compulsive, par accumulation de titres sur ce thème unique pourrait faire croire à un courant dominant, voire exclusif, des romans juvéniles. Or, il n’en est rien. Cette littérature plurielle, tonique, (à l’opposé des récits nombrilistes, narcissiques et débilitant dont la critique se repaît), tolérante et antiraciste, (ce qu’elle n’était pas avant l’ajout, en 1954, d’un paragraphe dans la loi de juillet 1949), est aussi diverse dans ses thèmes que dans son public potentiel,

Une littérature, en fait, riche en genres, en auteurs et en supports

Je pourrais vous proposer un dossier aussi riche en titres, non pour dénigrer même si c’est d’une façon voilée et implicite ménageant plus ou moins bien la chèvre et le chou, mais pour valoriser, en choisissant l’un des genres suivants : le conte (ne serait-ce que pour Henri Gougaud), l’énigme policière, (de la collection « Souris noire » en 1986 au « Furet » actuel), les romans d’aventure, d’amour ou d’amitié, le récit historique (avec Odile Weulersse, Pierre Miquel, Bertrand Solet, Jean-Marc Soyez, Alain Surget, Jacqueline Mirande, Evelyne Brisou-Pellen…, les collections historiques chez Bayard…), le récit fantastique, (pour Jean-Marc Ligny, Gudule, Erik L’Homme, déjà traduit en anglais…), la collection des Fantastiques chez Magnard ou des Imaginaires chez Bayard), la science-fiction, (parlez-nous des collections « Autres mondes » animées par l’excellent Denis Guiot chez Mango, du « Cadran bleu » chez Degliame [disparue en novembre 2005], des auteurs Fabrice Colin, Laurent Genefort, Christian Grenier surtout, militant de la S-F juvénile depuis 30 ans, Pierre Grimbert, Alain Grousset, Jean-Pierre Hubert [disparu en mai 2005], Danielle Martinigol avec Les Abîmes d’Autremer… ), voire la romance sentimentale, l’humour et le comique.
Pour montrer les dangers d’un choix aussi limitatif, on pourrait prendre le trio Murail : Elvire (alias Moka), Marie-Aude et Lorris, auteurs à eux trois de plus de 140 romans, dans des genres très différents. Bien avant la série Golem, publiée en Pocket Junior, (et non à l’Ecole des Loisirs comme vous l’écrivez, p. 106), Lorris est l’auteur de romans juvéniles multigenres et du Guide Totem Larousse sur La Science-fiction, dont il est spécialiste, Elvire excelle surtout dans le fantastique et Marie-Aude, avant le « magnifique roman » : Oh, Boy ! a écrit, entre autres récits, trois suites passionnantes qui mettent en scène le collégien Serge T., l’adolescent Emilien et, pour le polar, le professeur étruscologue Nils Hazard. (...)
Certains récits que vous citez sont beaucoup plus « anciens » que vous le croyez. Voici quelques exemples :
Nam de la guerre de Nicole Vidal, réédité, avec un « texte revu » dans la collection « Les Couleurs de l’Histoire » en 2000, était Prix des 13 en 1976. Il avait d’abord paru dans la « Bibliothèque de l’Amitié » en 1975.
Les Larmes de la terre, est une nouvelle version du récit du couple signant Michel Grimaud : Des hommes traqués, paru dans la collection « Plein vent » en 1975 !
Quitter son pays de Marie-Christine Helgerson, « à [son] énième réédition » date effectivement de 1981, (mais bien des lecteurs lui préfèrent Claudine de Lyon publié en 1984 et évoquant le sort des canuts). Pourquoi indiquer que Thierry Lenain est l’auteur de Thomas-la-honte, (dont les extraits sans contexte risquent d’être mal interprétés), de La Fille du canal, alors qu’il n’est pas crédité du titre : Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi ?, cité dans un sens positif ? Quand j’intitulais, dans Un siècle de fictions… , un de mes chapitres : « L’ancrage dans le réel et l’Histoire toujours surveillé de près », je ne pensais pas un seul instant que cette surveillance soupçonneuse, moralisatrice, pratiquant parfois des amalgames, serait exercée par vous.

Courant réaliste et mondes imaginaires

Lecture faite et refaite de votre dossier, je me suis demandé quelle était la finalité de votre travail, certes documenté et au fait de parutions récentes. Je crains en outre qu’en enrobant, plusieurs fois, au point de les étouffer ou d’en atténuer le sens critique, de formules pseudo-humoristiques ou distractives, les propos censés et responsables de personnes aussi courageuses du point de vue éditorial qu’elles sont compétentes et responsables, comme Geneviève Brisac, Madeleine Thoby, Frédérique Guillard…, vous ne fassiez le jeu des esprits rétrogrades et de vous voir alimenter le courant régressif et répressif sur la jeunesse, toujours prêt à renaître, surtout dans le contexte politique et économique actuel.
Je voudrais vous rappeler que le courant « réaliste » a pourtant été, depuis un siècle, à tort ou à raison, le plus encouragé par la France profondément cartésienne, méfiante à l’égard de « la folle du logis ». En 1906, au moment où reparaît la version « autocaviardée » et laïcisée du livre de G. Bruno : Le Tour de la France par deux enfants, sorte leçon de choses continue ô combien réaliste, les petits Anglais satisfont leur imaginaire avec Peter Pan.
Presque 50 ans plus tard, si on relit les recommandations des diverses commissions de contrôle créées après la loi de 1949, (comme le fait Thierry Crépin dans son excellente étude, insistant sur la mise sous tutelle de la presse enfantine : Haro sur le gangster ! La moralisation de la presse enfantine, 1934-1954, (CNRS Editions, 2001), on s’aperçoit que « les récits fantastiques et de science-fiction inquiètent tout particulièrement les éducateurs », coupables, à l’égard des jeunes lecteurs, « de les détourner de la réalité » (p. 236).
Qui veut tirer à boulets rouges sur la littérature juvénile l’accuse de deux maux antagonistes. Ou bien, on lui reproche d’être stéréotypée, mièvre et infantile, ou, à contrario, on l’accuse de trop parler des réalités du monde actuel et de « désespérer la jeunesse ». C’est à se demander si certains esprits ne voudraient pas que l’on revienne aux niaiseries infantilisantes d’autrefois. Au moins, on pourrait tirer à vue dans le champ bien circonscrit des « livres pour enfants » où se remettraient à pousser stéréotypes et clichés, romances pleurnichardes et textes débiles !
On ne peut pas, non plus séparer l’évolution de la littérature de celle de la presse juvénile. (...)

Glissements réversibles des publics jeunes ou adultes

On peut ajouter que des analystes subtils (ou hypocrites) vont jusqu’à réserver aux adultes des livres juvéniles, alors évoqués sans qu’on signale qu’ils paraissent dans les collections pour la jeunesse. On a ainsi « sorti » Philip Pullman de son « rayon jeunesse » quand il a obtenu le prestigieux Whitebread Prize 2002, pour sa trilogie A la croisée des mondes, bien présente pourtant en « Folio Junior ». N’oublie-t-on pas que, de plus en plus, et depuis la révolution du « poche », le jeune lecteur est son propre prescripteur. Un livre se prend, se lit ou se rejette, pour un moment ou pour toujours, en toute liberté. Autant je suis inquiet et désemparé quand des enfants me révèlent qu’ils ont vu leurs parents en train de regarder un film pornographique ou qu’ils ont trouvé des cassettes du genre dans les tiroirs ouverts du bureau paternel, autant je ne crains pas d’affirmer : « laissez-les lire » et laissez à d’autres le soin de jouer aux néocenseurs ! (...)
J’ai écrit ce courrier parce que je croyais que mon livre, conçu avant tout comme une défense et illustration des auteurs et des illustrateurs du livre de jeunesse, devrait permettre un certain recul historique et éviter les approximations fautives dans les dates et l’appréhension de certains phénomènes éditoriaux. Il semble que nous n’en sommes pas encore là.