mardi 27 mai 2014

Imaginales 2014 d'Epinal

Imaginales 2014 de la ville d’Épinal

                    

Le Festival des mondes imaginaires d’Épinal s’est déroulé du 22 au 25 mai 2014. Les auteurs étaient extrêmement nombreux au point que chacun ne disposait que de l’espace d’une chaise sous l’immense Bulle du livre où se déroulaient les dédicaces.
Jeunes et moins jeunes se côtoyaient dans une ambiance toujours fort conviviale et c’était à la fois le temps des retrouvailles pour les habitués et celui des découvertes pour connaître non seulement les jeunes générations mais aussi les écrivains qui n’avaient pas encore été invités jusqu’alors.
Personnellement, j’ai pu ainsi voir en chair et en os des auteurs dont je parle dans mes essais depuis 2002. Je citerai d’abord l’elficologue joyeux et festif Pierre Dubois  dont l’œuvre est immense. J’avais toujours souhaité que les Imaginales s’ouvre au policier. C’est chose faite grâce au courant historique et au thriller fantastique. D’où la présence d’auteurs comme Didier Daeninckx, Patrick Pécherot  avec qui j’ai eu de riches échanges… sur Rimbaud), Colin Thibert originaire de Suisse. Mon grand regret, c’est de ne pas avoir réussi à rencontrer Béatrice Nicodème.


Une fois de plus, ce petit panorama est subjectif. Je laisse à d’autres le soin de signaler les vedettes, les distinctions et les débats. Mon intervention vise en priorité à mettre en avant les auteurs qui ont par le passé ou qui continuent aujourd’hui à consacrer des ouvrages à la littérature de jeunesse. Aux lecteurs patients de découvrir dans quelles circonstances et à quel moment de leur carrière littéraire. La présence d’Anne Golon, la créatrice d’Angélique s’explique par le fait qu’elle a publié sous le pseudonyme de Joëlle Danterne des récits scouts comme Master Kouki et La Patrouille des Saints-Innocents (C’était en 1946 et 1947 !). J’étais heureux de rencontrer Roger Martin, d’abord parce que c’est un auteur courageux. Ensuite, hasard heureux, je venais de parler sur le blog de son entretien fabuleux avec Paul Berna. J’ai enfin découvert Hugo Verlomme, l’amoureux de la mer et des vagues, sans doute encore sous-estimé par les Vosgiens, montagnards irréductibles.


Je ne m’attarderai pas sur les œuvres de chacun et de chacune. Je dirai seulement que je suis impressionné par la somme des talents, la coexistence de tant d’intelligences concentrées en si peu d’espace.            
Si je termine le montage par la photo de Jérôme Vincent, animateur patient d’ActuSF, c’est pour envoyer le sourire d’une personne au dévouement constant, à la bonne humeur permanente. Un signe optimiste dont nous avons tous besoin dans cette période où les nuages sombres semblent s’amonceler. C’est la dernière fois que j’évoque cette manifestation.

AUTEURS PHOTOGRAPHIÉS nommés dans l’ordre alphabétique :
Jean-Pierre ANDREVON
AYERDHAL
Samantha BAILLY
Lionel BEHRA
Jean-Luc BIZIEN
Pierre BORDAGE
Charlotte BOUSQUET
Fabien CLAVEL
Fabrice COLIN
Didier DAENINCKX
Marie-Charlotte DELMAS
Victor DIXEN
Pierre DUBOIS
Fabien FERNANDEZ
Olivier GAY
Laurent GENEFORT
Anne GOLON (alias Joëlle DANTERNE)



Yves GREVET
Alain GROUSSET
Johan HELIOT
Loïc HENRY
Jean-Luc MARCASTEL
Roger MARTIN
Danielle MARTINIGOL
Xavier MAUMÉJEAN
Emmanuelle NUNCQ
Patrick PÉCHEROT
Chantal ROBILLARD
Cristina RODRIGUEZ
Carina ROZENFELD
Arthur TENOR
Colin THIBERT
Hugo VERLOMME
Jérôme VINCENT






mardi 13 mai 2014

Paul Berna et les bibliothèques "Rouge et Or" et "Souveraine" (2)

Paul Berna, alias Jean Sabran (1908-1994), pilier de la « Bibliothèque Rouge et Or » et de la collection « Souveraine », chez G.P.  (2)

Les premiers ouvrages de Jean Sabran parus dans la célèbre « Bibliothèque Rouge et Or » sont parfois ignorés car il s’agit d’adaptations, d’exercices de réécriture d’ouvrages signés naturellement par leurs auteurs d’origine. Il faut ouvrir les ouvrages dans les premières et dernières pages pour lire l’expression : « Adaptation de Jean Sabran ».
C’est ainsi que sont parus dans la « Bibliothèque Rouge et Or » à partir de 1949 :
-          Le Robinson suisse (R. Wyss), 1949.
-          Le Dernier de Mohicans (F. Cooper), 1949.
-          La Légende d’Ulenspiegel (C. De Coster), 1949.
-          Contes de mille et une nuits (A. Galland), Tomes 1 et 2, 1950.
-          Les Trappeurs de l’Arkansas (G. Aimard), 1950.
-          Un corsaire de quinze ans (L. Garneray), 1950.
-          Un marin de Surcouf (L. Garneray), 1950.
-          Les Aventures de Robert-Robert (L. Desnoyers), 1951.
-          Les Naufragés du Saint-Antoine (L. Garneray), 1951.
-          Les Trois Mousquetaires, Tome 1 (A. Dumas), 1952.
-          Les Trois Mousquetaires, Tome 2, (A. Dumas) 1952.
-          La Porte du dragon (Barbara Gilson), 1963.


Jean Sabran sous le pseudonyme de Paul Berna se révèle ensuite un double précurseur, aussi doué pour la science-fiction juvénile (baptisée « anticipation »), avec Nous irons à Lunaterra, puis La Porte des étoiles (1954), envisageant la conquête prochaine de la Lune, en 1954, Le Continent du ciel en 1955, et pour l'énigme policière moderne, ancrée dans des quartiers populaires des banlieues de l’époque, énigme bien représentée par Le Cheval sans tête en 1955 et par sa suite, Le Piano à bretelles, l’année suivante.
Dans Le Cheval sans tête de Paul Berna, la bande à Gaby est formée d’enfants de la banlieue parisienne. Leur  trésor est un cheval-sans-tête à roulettes, utilisé pour des courses de vitesse dans ce quartier populaire de Louvigny-Triage. Le cheval excite la convoitise d’adultes bizarres qui le volent. L’inspecteur Sinet, sur la piste des malfaiteurs, aura bien besoin de l’aide des enfants pour trouver la solution. Ce n’est pas tant l’intrigue policière, pourtant bien bâtie comme un scénario de film qui impressionne, c’est davantage le ton novateur du romancier, habile à restituer au plus juste la langue, la vie des banlieues de l’époque.
Aucun misérabilisme, ni « réalisme » apitoyé sous la plume de Paul Berna qui excelle à rendre compte de l’argot jubilatoire de cette bande débrouillarde, comme l’est son égérie Marion, l’amie des chiens, un langage familier mais juste, effarouchant alors certains, bien que l’ouvrage ait reçu le Grand Prix de littérature du Salon de l’enfance en 1955. Les illustrations de Pierre Dehay, puis celles de Jean Reschofsky en 1961, restituent le cadre populaire de cette aventure : les maisons grises aux volets mal fixés, donnant sur une rue étroite, mal éclairée le soir, la fabrique abandonnée, entourée de barbelés, non loin des locomotives, encore à vapeur, du Paris-Vintimille.
Paul Berna, qui s’est toujours défendu de faire des romans policiers à série, s’est seulement contenté d’introduire le commissaire Sinet dans plusieurs romans où il joue plutôt un rôle secondaire par rapport aux enfants ou aux adolescents. Il n’est encore qu’inspecteur dans Le Cheval sans tête.


On retrouve « les dix garnements de la bande à Gaby » dans Le Piano à Bretelles (1956) où ils n’ont rien perdu de leur gentillesse et de leur drôlerie. Intrigués par un chien jaune devenu noir quand il est attaché au pliant d’un aveugle jouant une même complainte sur son accordéon, ils s’engagent dans une nouvelle enquête.
Paul Berna mêle roman d’aventures et intrigue proche de l’énigme policière dans Millionnaires en herbe (1958) quand les enfants veulent sauver les habitations de gens modestes, menacées par des promoteurs indélicats.
Dans Le Bout du monde (1961), on retrouve les dix jeunes de la bande à Gaby. Les aînés âgés de dix-huit ans projettent d’acheter une vieille voiture à un vendeur qui propose le transport rémunéré de caisses de ferraille pour la payer. Or, le marchand de ferraille participe à un trafic de fausse monnaie et la bande qui doit se disculper ne pourra prendre la route qu’après maintes péripéties. La joyeuse bande est toujours constituée de dix enfants, sous la conduite de la grande Gaby, fière de sa fonction de conductrice. Cette bande revient encore dans les aventures imprévisibles et parfois dramatiques qui émaillent La Piste du souvenir (1962), quand les jeunes gens sont poursuivis par des aigrefins.
L’enquête menée dans Le Témoignage du chat noir (1963) développe aventure policière déclenchée par une escroquerie sur le logement d’une famille pauvre (l’occasion de poser  clairement un problème social).
Il faut attendre la mutation de la « Bibliothèque Rouge & Or » en collection « Souveraine » pour voir paraître, chez G.P., les enquêtes du Commissaire Sinet. Il y eut d’abord, illustré par Daniel Dupuy, Le Commissaire Sinet et Le Mystère de l’autoroute Sud en 1967. Un simple fait divers : un mulet blessé sur l’autoroute du Sud conduit le commissaire Sinet et un groupe de lycéens vers une ténébreuse affaire de vol. Le sympathique policier revient en 1968, dans Le Commissaire Sinet. Le Mystère des poissons rouges. Faut-il considérer L’Epave de la Bérénice (1969) comme une aventure policière ? Certes, l’orphelin et marin Fanch est entraîné par un inconnu, parfois suspect, dans une chasse au trésor mystérieuse pour récupérer, dans une épave, une tête antique précieuse. Certes, il faut lutter de vitesse avec de vrais aventuriers mais l’intrigue est plutôt mince.

      
La collection « Rouge & Or Souveraine » donne encore l’occasion à Paul Berna de publier en 1970, Opération, Oiseau-noir où s’opposent la bande d’Horace-l’Affreux, le chef gredin des ferrailleurs opprimant les travailleurs du bidonville de Bois-Bréau, et un groupe de jeunes formé de Cady, Sandra et leurs amis. Aidés par une assistante sociale et un jeune prêtre, ils mettront fin au trafic louche d’Horace et de ses complices. Ne passons pas sous silence les autres romans policiers de Paul Berna parus chez le même éditeur G.P.
Le Carrefour de la pie (1957), c’est une station-service isolée au bord d’une grande route, en face d’une auberge relais où s’arrêtent les chauffeurs de poids lourds et parfois des gens louches comme ceux qui menacent le pompiste M. Langlais dont le fils Frédéric est inquiet. Pour défendre son père injustement accusé par des inconnus malfaisants, Frédéric entreprend une longue enquête reconstituant le passé de son père, afin d’établir son innocence.
Dans Le Kangourou volant (1957), l’enquête menée autour de la petite Josy, abandonnée dans l’aérogare d’Orly, conduit sur la piste de minables espions industriels.  
On doit encore à Paul Berna d’autres récits parus aux éditions G.P. : Les Pèlerins de Chiberta (« Souveraine », 1958), Le Champion («Souveraine », 1960) qui a obtenu un grand prix, La Grande alerte (« Souveraine », 1960), Le Bout du monde (« Souveraine », 1961), La Piste du souvenir (« Souveraine », 1962), L’Epave de la Bérénice (« Souveraine », 1969).
Toujours chez G.P. ont encore été édités, Un pays sans légende dans la collection « Olympic », 1970, et deux récits dans la collection « Grand angle » : La Dernière aube en 1974 et Rocas d’Esperanza en 1977.      



Jean Sabran, alias Paul Berna aux éditions G.P.

Jean Sabran (alias Paul Berna, 1908-1994) et les éditions G.P. (1)

Né à Hyères en 1908 dans une famille de sept enfants, Jean Sabran dont le père est mort au Front en 1914 passe sept tristes années chez les Maristes de Fribourg en Suisse. Après des études à Toulon et Aix, le baccalauréat et un apprentissage dans une banque, il effectue son service militaire à Châlons-sur-Marne. Il exerce plusieurs petits métiers et écrit déjà pour les adultes sous divers pseudonymes avant la guerre de 39-45.
C’est en 1949 que Jean Sabran, sur les conseils de son frère Guy, illustrateur déjà très connu chez l’éditeur, entre aux éditions G.P. (Générale Publicité) où il ne prendra le pseudonyme de Paul Berna qu’en 1954.


Souvent illustré par son frère Guy, Jean Sabran dont la carrière littéraire a été retardée par la guerre adapte des récits souvent classiques. Il va aussi, on le verra, être « rewriter » dans les collections « Rouge et Or » et « Souveraine »
On lui doit notamment dans la « Bibliothèque Rouge et Bleue », les albums suivants :
-          Les Animaux de la ferme, 1949. (Ill. J.-A. Dupuich)
-          Les Bons enfants (d’après la comtesse de Ségur), 1949.
-          Blanche Neige et autres contes, 1949. (Ill. Guy Sabran)
-          Jehanne d’Arc, 1949. (Ill. Guy Sabran)
-          Ali Baba et les 40 voleurs, 1950. (Ill. Guy Sabran)
-          Robin des bois, 1950. (Ill. J.-A. Dupuich)
-          Les Aventures du baron de Crac, 1950. (Ill. Guy Sabran)
-          Le Roman de Renart, fabliaux du Moyen Âge, 1950.
-          Voyages de Sindbad le Marin, 1950. (Ill. J.-A. Dupuich)
-          La Légende de Merlin l’Enchanteur, 1951. (Ill. J.-A. Dupuich)
-          Les Aventures de Pinocchio, 1954. (Ill. Emile Folliette)
Dans la même collection mais sous le nom de Paul Berna, sont également parus :
-          Vacances en scooter, 1952. (Ill. Guy Sabran)
-          Le Scooter en folie, 1954. (Ill. Guy Sabran)


(Alors que Jean Sabran et son frère Guy avaient déjà publié Vacances en scooter en 1952 (scandalisant parfois les adultes lecteurs, ahuris de voir une fillette de 8 ans et son frère adolescent faisant le tour des plages de France en scooter),  l'année 1955 revient sur ce thème d’actualité, avec Le Scooter en folie. Aujourd’hui, l’absence de casques choquerait davantage !).
-          Nous irons à Lunaterra, 1954. (Ill. Guy Sabran)
-          Le Jardinier de la Lune, 1955. (Ill. Guy Sabran)
-          Tommy, chien parlant, 1956. (Ill. Luce Lagarde)

Sont également parus sous le nom de Jean Sabran, aux éditions G.P., les albums suivants :
-          Le Livre de Zoupette, 1949.
-          Zoupette à la mer, 1949.
-          Minouche à la montagne, 1950.
-          Zoupette en camping, 1950.
-          Minouche à la campagne, 1951.
-          Zoupette au Maroc, 1954.
-          Minouche à la ferme, 1955.


Dans une 2e partie nous verrons que Jean Sabran signe Paul Berna, des œuvres prestigieuses de la « Collection Rouge & Or », née en 1947, et qui fait place en 1949 à la « Bibliothèque Rouge et or », laquelle connaît son apogée au cœur des années 50. La « Souveraine » prend la suite de la « Bibliothèque Rouge et or ».

Pour en savoir plus sur Jean Sabran, consulter les pages consacrées à Jean Sabran ou à Paul Berna (son principal pseudonyme) dans les ouvrages suivants :
-     Roger Martin : N° 12 de la revue Hard-boiled Dick, octobre 1984. Elle contient une excellente interview de Jean Sabran par Roger Martin. La plupart des ouvrages ont pillé cet entretien pour composer la biographie de l’écrivain.
-       Claude Bron : Romanciers choisis pour l’enfance et l’adolescence, Ed. H. Messeiller, Neuchatel, 1972. Pages 44-48.
-          Nic Diament : Dictionnaire des écrivains pour la jeunesse : 1914-1991 Ecole des loisirs, 1993. Pages 72-75.
-          Françoise Demougin : Paul Berna et Saint-Marcoux : lire et se construire en Rouge et or : Cahiers Robinson n°, 21. Presses de l’université d’Artois, 2007. Pages 129-140.
-   Raymond Perrin : Histoire du polar jeunesse. Romans et bandes dessinées L’Harmattan, 2011. Pages 42-44 : Les Editions G.P. et les récits policiers de Paul Berna. 
-      Michel Manson : Dictionnaire du livre de jeunesse, Ed. du Cercle de la Librairie, 2013, pages 80-81.