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samedi 3 mars 2018

La romancière L.N. Lavolle (Hélène Chaulet, 1914-1994) et ses nombreux ouvrages


La romancière L.N. Lavolle (Hélène Chaulet, 1914-1994), alias Claude Bailly, alias Denise Glize

Petite fille de Paschal Grousset, alias André Laurie, collaborateur de Jules Verne, la romancière Hélène Chaulet , fille de médecin, cadette de sept enfants, a grandi en Inde  avant de rentrer en France (à Paris et dans les Landes) où elle épouse un ingénieur français. Grande voyageuse, polyglotte, passionnée d’histoire, d’archéologie et d’ethnologie, celle qui utilisera surtout le pseudonyme de L.N. Lavolle introduira dans ses nombreux romans sa connaissance du monde, en particulier de l’Asie et de l’Orient, et son esprit de tolérance. Le cadre historique et géographique de ses romans s’inspirera directement de ce qu’elle a vu et vécu dans des pays aussi divers que l’Italie, l’Espagne, la Turquie, la Grèce, l’Egypte, l’Afghanistan, l’Iran, l’Irak, le Soudan ou la Chine,   

D’abord, des éditeurs catholiques

Elle publie d’abord ses récits chez des éditeurs catholiques (ce qui lui vaudra peut-être l’ignorance voulue ou la sous-estimation de son œuvre par les critiques strictement laïques, bien que leur contenu seulement humaniste et antiraciste n’ait rien à voir avec un quelconque prosélytisme).


Chez Desclée de Brouwer, dans la collection « Belle humeur », L.N. Lavolle publie 4 de ses récits. D’abord Le Conquérant de Golconde (1957) dont l’action se situe en Inde. Puis Habib Oullah et les quarante voleurs (1958), Le Monde de l’or noir (1960) évoquant l’Iran, avant  L’Ombre du pharaon paru en 1963, un voyage dans l’Egypte ancienne, au temps d’Aménophis IV qui deviendra Akhénaton.

Chez l’éditeur Fleurus, L.N. Lavolle est présente dans trois collections.
La collection « Jean-François » (Fleurus/Gautier-Languereau), plutôt destinée au garçons édite quatre de ses romans.  En 1956, L’Emeraude du Grand Mogol, première évocation de l’Inde ancienne, un récit republié en feuilleton en 1961 dans l’hebdomadaire Lisette,  illustré par Marcello. Un tailleur de pierres précieuses pour un prince hindou cherche à sauver d’un grave danger les parents du prince et les emmène dans la jungle…  On prépublie L’Onagre [à la robe] d'argent dans Âmes Vaillantes, début 1957, un récit publié en volume en 1958, contant les aventures en Iran d’une petite bergère et d’un fauconnier.
Nuno de Nazaré (au Portugal) paraît en 1959 et Aventures sur le Nil en 1962. Nuno, le fils de pêcheur répare une barque et s’embarque avec ses amis pour la pêche mais gare au raz de marée ! Dans l’hebdomadaire catholique Bernadette édité par la Bonne Presse, L.N. Lavolle  publie à la même époque L’Enfant du fleuve, inspiré par le fleuve Nil et illustré par Pierdec (alias Pierre Decomble).  

Dans la collection « Monique » destinée aux filles, L.-N. Lavolle, propose plusieurs récits parfois prépubliés dans les journaux du groupe Fleurus. Les Sorcières de la mer (1959), illustré par Alain d’Orange, est centré sur le sort de la petite Cinghalaise Nola, capable de plonger dans un lagon à la recherche des perles, de capturer et d’apprivoiser des dulongs, dans un milieu marin souvent dangereux. Un an plus tard, la romancière publie L’Indien aux yeux clairs, illustré par Jean Le Moing. La petite française Nelly, fille du consul de France à Bombay, découvre la misère de l'Inde, la situation tragique des "hors-castes", la rivalité religieuse des Hindous et des musulmans. 
L’éphémère collection « Caravelles »  (1957-1958) présente l’exotique Mango..



Chez Gautier-Languereau, paraissent plusieurs romans dans la « Bibliothèque bleue » ou Nouvelle Bibliothèque de Suzette » qui réédite Nuno de Nazaré. dans la "Bibliothèque bleue" en 1964. Après avoir publié Le Magicien d’Istanbul (1961) L.N. Lavolle, toujours attachée à la véracité du cadre historique ou géographique de ses récits, crée le personnage récurrent de Nathie, dont les aventures internationales débutent avec Nathie en Chine en 1962, Deux enfants chinois ont perdu leurs parents lors d’une migration à Hong Kong. Après bien des péripéties, ils sont accueillis dans la famille du consul de France grâce à la générosité de Nathie. Lors d’un voyage à Formose, ils retrouvent leurs parents.
Nathie réapparaît  en Crète, pays du roi Minos et de sa capitale Cnossos, avec Nathie et le Minotaure (1963), avant Nathie en Iran (1965). Les trois volumes sont illustrés par Georges Pichard, tout comme Le Magicien d'Istanbul publié en 1961.
Toujours chez Gautier-Languereau, la série « 3 romans » publie encore, en 1974, Nuno de Nazaré, Le Génie des forêts (1976) et Les Nouveaux esclaves (1978).

Dans la « Bibliothèque de l’Amitié »


Avant même la naissance de la collection « Bibliothèque de l’Amitié », les éditions de l‘Amitié-G.T Rageot publient, dans la collection "Heures joyeuses", Nothi, fils de l’Inde (1958) en quête de son ami, le grand éléphant Chaudru qu’il ne retrouvera qu’en se faisant coolie et après avoir traversé le Bengale avec des baladins.
Auteur-clé de la collection, la grande voyageuse polyglotte L. N. Lavolle accorde généreusement une quinzaine de titres à la collection, entre 1959, quand elle publie L'Etang perdu (quand deux enfants de l’immense forêt landaise défendent la faune et la flore de leur pays, 105 000 exemplaires auront  été vendus en 1981) et 1974, pour Énigme à Madère, quand Norman se mêle à la vie des jeunes pêcheurs portugais. L’auteur remporte le Grand Prix du Salon de l’enfance en 1960 pour Les Clés du désert, un beau roman qui ressuscite la civilisation sumérienne de Mésopotamie à travers l’histoire fabuleuse de Nina, la petite chanteuse. (L’ouvrage reparaîtra dans la collection "Bibliothèque de l'Amitié-Histoire").   
Les publications s’enchaînent : La Porte de jade (1961), ouverte sur « la route de la soie », avec Nane et Nourman joints aux Kasaks nomades pour retrouver leur pays, Les Secrets de la lande (1963) (quand Bertrand est subitement transplanté dans les Landes). Ce sont aussi les Landes qui servent de cadre à L’Etang perdu en 1964 (deux enfants landais veulent sauver la faune et la flore de leur région) et la collection « Les Maîtres de l’aventure » publie plus tard Le Prince des Landes.
L’Île née de la mer (1964) commence en Inde en 1947 quand des bandes d’enfants livrés à eux-mêmes vont pouvoir se réfugier dans les îles Maldives, grâce à la bonté du capitaine d’un boutre,  Le Lis de la mousson (1965, quand la pauvre Indienne Naurouzi aimerait bien faire pousser des lis sur les rivages du lac Dal, au Cachemire). Paraît Le Boléro d’or (1971, quand le jeune Landais Niceto veut être toréro et conquérir le trophée pour conquérir l’estime des autres... Il faut ajouter un volume signé Claude Bailly en 1963 : Nicolo et le lézard bleu.
Le blog vient de présenter un autre livre de Claude Bailly : Passage Saint-Ange paru dans la collection « Le Livre TV » Cette collection« Le Livre TV » permet à Hélène Chaulet d’être doublement présente grâce à L’Otage de Rome signé L.N. Lavolle (quand Constantin, le futur empereur de Rome séjourne en Sicile) et à Passage Saint-Ange, signé Claude Bailly.
Dans la "Bibliothèque de l’Amitié-Histoire" qui publie 6 titres par an, l’Antiquité est bien représentée grâce aux récits de L.-N. Lavolle. Par exemple, L'Acrobate de Minos publié en  1966 ou Les Perles de Cléopâtre, en 1968 (quand l’enfant Ptolémée, souverain légitime d’Egypte, souffre des ambitions et des manœuvres de César et de Cléopâtre)., par exemple,
Après la publication de L’Acrobate de Minos (réédité dans deux autres collections), Il faut ajouter deux récits inspirés par l’Inde ancienne : L’Ami du Grand Mogol (1970) et A l’ombre du Grand Mogol (1970). Terminons par Les Fils du soleil publié en 1973.
La collection Jeunesse Poche » redonne une chance au récit Afghanistan (DDB, 1958) grâce à Émeutes à Kaboul (1971)



Chez G.P. Rouge et Or, Hachette et Duculot


Chez G.P., Rouge et Or, dans la collection « Souveraine », en 1968 et 1969, L.-N. Lavolle propose L’Évadé de Carthage (1968) et Le Cheval des ténèbres (1969), avant L'Affaire du Miqueou. Dans la collection « Spirale » paraissent Les Baladins d’Anatolie (1971) et Menaces sur l’inventeur.
    Toujours chez G.P., la collection « Olympic » attend 1974 pour publier L’Expédition de l’Intrépide, un récit maritime.
Les éditions Hachette ont ouvert leur « Bibliothèque rose » dès 1952 puisqu’elle y publie Sous le ciel de l’Inde, réédité en 1958. Il  faut faire un saut jusqu’en 1966 pour rencontrer Le Bois des Quatre-Vents, publié dans la collection « Idéal Bibliothèque » .
Dans la collection « Travelling » des éditions Duculot, les pays du Tiers Monde sont présents, comme l'Inde, vue autant à travers ses mythes et ses réalités, dans le roman de L.N. Lavolle (comme Le Paria). Deux autres volumes paraissent : en 1974 : Le Feu des mages et, en 1977, Le Village des enfants perdus.
Les ouvrages de L.N. Lavolle ont reçu de nombreux prix et ils ont été traduits dans de nombreux pays, notamment l’Afrique du Sud, Le Danemark, La Grande-Bretagne, Les Pays Bas, La Norvège, La Suède, Les Etats-Unis, L’Espagne, L’Italie…



mercredi 28 février 2018

Passage Saint-Ange, un roman de Claude Bailly (Hélène Chaulet, 1914-1994), alias L.N. Lavolle


« Le Livre tv » : Passage Saint-Ange de Claude Bailly (Hélène Chaulet, 1914-1994), alias  L.N. Lavolle, alias Denise Glize

Passage Saint-Ange, un récit de Claude Bailly, publié en 1964 dans la collection « Le Livre tv » sous le n° 11, aux éditions de l'Amitié, illustré par J. Daynié, a des aspects qui devraient interpeller les lecteurs d’aujourd’hui.
Précisons d’abord que Claude Bailly est un des pseudonymes d’Hélène Chaulet (née au Vietnam en 1914, décédée à Biarritz en 1994), passionnée d’archéologie et d’ethnologie, grande voyageuse. Elle est surtout connue sous pseudonyme de L.N. Lavolle (L.N. pour Hélène) et sous celui, plus rare, de D. Glize (pour Émeutes à Kaboul en 1971).


L’action de Passage Saint-Ange, dans le 17e arrondissement de Paris, se situe dans un quartier populaire aujourd’hui disparu (ou plutôt complètement transformé en une impasse bordée de hauts immeubles modernes et d’arbres, entre l’Avenue de Saint-Ouen et la Rue Jean Leclaire).
Comme toujours dans ses romans, avec un grand souci documentaire, Claude Bailly écrit, p. 8 : « Les lampadaires éclairaient  les 3 blocs rouges des H.L.M., les trottoirs jonchés de poubelles et de détritus, et, plus loin, les masures du passage Saint-Ange, qui venaient buter contre le haut mur que les enfants nommaient entre eux la Citadelle ».


Ces enfants d’origines ethniques très diverses (Maghrébins, Arméniens, Chinois, Iraniens, Polonais, Hongrois, Italiens, Portugais) se nomment Jacinto, Dominik, Berjouk, Bela, Satvi, Reza, Nam et Clara. Ces enfants du Clan des chats (parce que l’eau à l’hôtel est coupée très tôt), formait « une jeunesse grouillante, mal lavée, mal peignée, qui devait se coucher sans se donner la peine de se déshabiller » et qui ne mangeait pas à sa faim. Elle s’oppose parfois aux enfants des H.L.M. rouges, habitants légaux et bien nourris.  Le Clan des Chats récupère des bouteilles dans les poubelles pour les vendre à un marchand du quartier.
Parce que la cage d’Akbar, un mainate apprivoisé et une radio transistor portative ont disparu, la police soupçonne les enfants du quartier qui redoutent qu’elle découvre que les habitants vivent « dix ou douze par chambre ». « Les chambres d’hôtel changeaient sans cesse d’occupants. Passage Saint-Ange, les gens achetaient trois ou quatre heures de sommeil, comme d’autres achètent un morceau de pain » (p. 26). Nicole, une fille des H.L.M., déclare à Jacinto, chef du Clan des Chats, le plus apte à comprendre les nombreuses langues du quartier,  que « la citadelle sera bientôt démolie puisqu’on va raser les taudis du passage, avec leurs puces et leurs punaises (…) pour y bâtir d’autres H.L.M. ».  Il est vrai que le passage est une « ruelle putride aux rigoles stagnantes d’eau de lessive, aux tas de légumes pourris, lancés par des mains négligentes du haut des fenêtres. »  
Quand la police visite les hôtels, les occupants en situation irrégulière ont eu le temps de fuir mais Jacinto, l’adolescent portugais de 13 ans, est emmené au poste … où. il joue bientôt aux cartes avec les agents ! En fait, seuls le chat de gouttière Nakib et le chien Nabi qui sert de guide à l’aveugle Clara ont aperçu le voleur.


Dirigé cette fois par le jeune Chinois Nam, le Clan des Chats décide de faire des recherches au marché aux puces de Saint-Ouen pourtant très éloigné. Il faut traverser le boulevard périphérique avant d’arriver aux roulottes de tziganes où la jeune aveugle Clara chante accompagnée par le guitariste tzigane Matéo, l’oncle de Bela, qui reconnaît en elle une grande artiste. Un journaliste de la télévision assiste à la scène... Les enfants se dispersent pour visiter les brocanteurs de la Porte de Clignancourt, d’autres, le coin de la cité Jules-Vallès ou le marché Paul Bert.
En revenant vers une fête foraine, les enfants entendent des cris. C’est le chat Nakib et son ami le chien Nabi qui provoquent le singe dressé Joko et mettent son dompteur en fureur. En fait, Joko a fait une fugue la nuit dernière et c’est lui qui a pris la cage d’Akbar et le poste de radio. Le Clan des Chats est soulagé.           
Mais Clara a disparu. Le Clan des Chats se rend au poste de police, récupère Jacinto et demande que l’on retrouve Clara. Les recherches sont vaines jusqu’au moment où les enfants et les adultes du quartier se tenant devant trois appareils de télévision d’un bazar du passage regardent un reportage intitulé « Une heure au marché aux puces ». Soudain, le documentaire se termine sur le chant d’une enfant à la voix inoubliable et merveilleuse : c’était Clara accompagnée par le guitariste Matéo.


Ce roman, sans être pesant, prône la tolérance et la solidarité, des qualités aussi mises à mal aujourd’hui que parfois les droits des enfants et ceux des migrants. Certes, le récit n’est pas sans défaut. Qui peut croire qu’un chat et un chien puissent se conduite en détectives ? Le marché aux puces paraît bien éloigné du Passage Saint-Ange. Sur 8 pages, l’auteur intègre un conte indien, Les deux frères, qui brise le rythme du récit.
Néanmoins, ce roman mérite d’être redécouvert car il n'a rien perdu de son actualité.