dimanche 22 mars 2015

"Les Maîtres de l'Aventure" et le genre policier, chez Rageot (2)

« Les Maîtres de l’Aventure », chez Rageot et le genre policier

Dans la collection « Les Maîtres de l’Aventure » édite par Rageot dès 1982, Boileau et Narcejac prolongent les enquêtes du jeune Sans Atout, alias François Robion, nées dans la collection « Jeunesse poche » avec trois épisodes parus.
En 1984, paraît Dans la gueule du loup, illustré par Daniel Ceppi. En Auvergne, entre Cantal et Lozère, dans les souterrains qui s’enfoncent au cœur du massif, on croit déceler une menace semblable à celle de la légendaire Bête du Gévaudan. Sans Atout et son ami Paul, tombent dans un tel piège qu’ils ne peuvent rien raconter « ni à la police, ni aux journaux, ni même à [leurs] parents ». En fait, l’affaire cache un réel trafic de voitures.


Une étrange disparition constitue un véritable casse-tête pour Sans Atout. Il est sûr d’avoir vu un cadavre chez son amie Sylviane. Or, ce cadavre a disparu et le mort présumé téléphone le lendemain de Londres... Sans Atout a-t-il eu raison d’accompagner son père Maître Robion dans cette petite station thermale où risque de s’exercer La Vengeance de la mouche ?
L’intrigue de L’Invisible agresseur (1984) se situe au cœur de l’île d’Oléron, dans un château transformé en hôtel. Quelques années plus tôt, un vieux châtelain a été tué par un criminel qui semble avoir joué au passe-muraille. Sans Atout aura bien besoin de son père pour clarifier tant de mystères.
Sans Atout préfère participer à la mise en place d’un plan ORSEC plutôt que de réviser ses leçons quand Un cadavre fait le mort (1987). Un vrai cadavre, puis deux, puis trois sèment la panique dans le village de Saint-Vincent-la-Rivière. Des messages menaçants sont signés Le Hibou. S’agit-il d’un complice de l’assassin ou d’une fausse piste ? En fait, une sombre histoire d’héritage est à l’origine des meurtres. Plus simplement, M. Lagabrielle imagine dans Les Deux vies de Jérémie (1985) une intrigue qui n’est pas vraiment nouvelle puisque le malheureux garçon Jérémie est enlevé à la sortie de l’école et il est contraint de partager l’existence de son kidnappeur. Avec Un cri dans les roseaux, l’Allemand Jo Pestum conçoit une enquête difficile pour le commissaire Lucas qui vient pourtant de prendre sa retraite. Dans le village de son enfance, un mystère troublant inquiète les habitants et oblige Lucas à se remettre à l’ouvrage. 
On a  traduit de l’américain plusieurs ouvrages de Jay Bennett. Dans Allo ! ici le tueur (Say Hello to the Hit man) (1986), une voix inconnue menace de mort un étudiant tranquille, Fred Morgan. Qui peut vouloir transformer ainsi sa vie en cauchemar ? Est-il une victime choisie au hasard ou Fred est-il l’enjeu d’un terrible complot ? Crime posthume (The long Black Coat datant de 1973), traduit en 1989 par Caroline Westberg, évoque deux frères. Vinnie Brant, l’aîné, est mort pendant la guerre au Vietnam. Phil, son cadet, songe souvent à lui car il l’adorait. Or, deux individus qui se prétendent des amis de Vinnie, s’introduisent dans la vie de Phil qui va bientôt se rendre compte qu’il est loin de tout savoir sur l’existence de son frère.
 Bernard Barokas sonde un Mystère dans la vallée des rois (1983) quand un trésor archéologique récemment découvert en Égypte suscite les convoitises et les intrigues que le jeune journaliste Romain Caire va tenter d’éclaircir.
Sylvie Corgiat est coauteur avec Bruno Lecigne, du récit policier Une ombre en cavale (1988). Quand il se réveille dans un train, Léo Météni ne sait plus qui il est ni où il va. Il retrouve son identité grâce à son portefeuille. En outre, une coupure de journal assure qu’il est un truand et un meurtrier évadé ! Le malfaiteur amnésique se retrouve embarqué dans un cambriolage alors qu’il semble avoir tout oublié de son « métier ». Serait-il quelqu’un d’autre puisqu’il ne connaît rien aux coffres-forts ? (Le roman sera réédité dans la collection « Cascade Policier » en 2003).


L’éditeur classe encore parmi les récits policiers, Rendez-vous à Hong-Kong (une cargaison d’uranium a disparu en Mer de Chine) d’Huguette Pérol, Eté brûlant à Mexico de Paul Thiès et Le Voleur du Tokaïdo de Katherine Paterson. On y traduit aussi Harlem Blues (1992) de Walter Dean Myers, un récit sans concession traduit par Caroline Westberg. Deux adolescents, Didi et Motown, tentent avec courage d’améliorer leur condition sociale, dans le ghetto noir de Harlem où sévit la drogue et où les trafiquants font la loi. Une jeune fille qui ne supporte plus que son frère devienne toxicomane veut faire la guerre aux dealers mais elle est très vite menacée par le « fournisseur » de son frère... 
Choisissons plutôt de nous attarder sur Jean-Paul Nozière qui publie d’abord chez Rageot, Dossier top secret (1988). Autour d’une centrale atomique se produisent des enlèvements inexpliqués. Dans l’espoir de retrouver son amie Jessica, Arnaud enquête et découvre bientôt une histoire d’espionnage si redoutable que personne n’ose parler. 
Le récit de Jean-Paul Nozière,  Souviens-toi de Titus (1989), est récompensé par le Prix Polar jeunesse et le Prix Gavroche. Dans une petite ville banale de Bourgogne où rien ne se passe d’habitude, des notables sont assassinés et l’auteur des crimes signe ses forfaits de citations littéraires. Le lycée semble au cœur de l’affaire et un certain Titus fait resurgir un passé qui empoisonne l’atmosphère …

Jean Alessandrini et Le Capitaine Nox, justicier nocturne

Jean Alessandrini inaugure les enquêtes du capitaine Nox avec Le Détective de minuit dans la collection dénommée cette fois « Les Maîtres de l'aventure Policier»). Le rubis fabuleux « L’Œil de Mars », extraordinaire cristal rouge que l’on dit venu de l’Espace, a de quoi susciter les convoitises. Or, l’organisation terroriste, le Couloir 38, a trouvé peut-être le moyen de compromettre l’ordre mondial par sa capture, doublée de l’enlèvement du Président de la République. Le Capitaine Nox (Harmmakis Nox !), puits de sciences et justicier de la nuit qui doit autant à Sherlock Holmes qu’à Fantômas, pourra-t-il dénouer un puissant réseau d’intrigues ?
Toujours dans la même collection, on retrouve le Capitaine Nox au cœur de La Malédiction de Chéops (1989). Peut-il y avoir une relation entre le mystérieux message hiéroglyphique, trouvé en 1996 au cœur de la grande pyramide égyptienne de Chéops et la série de meurtres extravagants commis dans la ville de Paris ? Qui est l’assassin ? Comment et pourquoi agit-il ainsi ? Quand le Capitaine Nox se décidera-t-il à résoudre de multiples énigmes, manifestant enfin ses qualités de détective hors pair ?


(Version revue, parfois écourtée, du texte paru dans Histoire du polar jeunesse Romans et bandes dessinées L’Harmattan, 2011.

"Les Maîtres de l'Aventure" chez Rageot dès 1982

"Les Maîtres de l'Aventure", une collection née chez Rageot en 1982          
Avant d’ajouter cet élément au « Cercle des collections jeunesse disparues », il n’est peut-être pas inutile de rappeler les collections des éditions Rageot présentées ici même (comme dirait David Pujadas).
On peut retrouver sur le blog :
- Collection "Jeunesse poche" (Hatier-G.T. Rageot) : Une des premières collections de « poche » : 16 février 2010
- Collection «  Heures joyeuses » Amitié-G.T. Rageot
3 parties : 10 août 2012
- Collection « Bibliothèque de l’Amitié » à partir de 1959 (Editions de l’Amitié- G.T. Rageot)
(6 parties)
1 : 30/08/2012, 2 : 30/08/2012, 3 : 31/08/2012, 4 : 31/08/2012
5 : 31/08/2012, 6 : 03/09/2012


Les Éditions de l’Amitié-G.T. Rageot proposent,  pour les 10-14 ans, « l’aventure en poche » avec la collection "Les Maîtres de l’Aventure", aux couvertures très attrayantes. De 1922 à 1990, plus de soixante romans vont paraître. Les couvertures en couleurs sont très attrayantes et chaque volume bénéficie d’illustrations intérieures en noir et blanc. Il faut dépasser la dizaine de récits réédités provenant des collections antérieures (« Heures joyeuses », « Bibliothèque de l’amitié », « Jeunesse Poche »…) pour en apprécier la qualité et l’originalité. Par exemple, Yvon Mauffret réédite Le Trésor du menhir de 1967 et l’on republie plusieurs récits de L.N. Lavolle (L’Acrobate de Minos, L’Île née de la mer et Boléro d’or devenu Le Prince des landes).
 Pour « gagner l’attention des plus réticents, étonner les plus blasés et retenir les plus difficiles », quatre dominantes apparaissent et le nouvel auteur, Paul Thiès, illustre à lui seul plusieurs thématiques. Il aborde l’aventure exotique et maritime dans Les Forbans des Caraïbes (1983), et Les Aventuriers du Saint Corentin (1985), emmène le lecteur sur des terres lointaines, avec Ali de Bassora, voleur de génie (primé en 1986) et frôle l'étrange grâce aux pouvoirs de Saint-Roch dans l’excellent récit, Le Sorcier aux loups (1988). Le fantastique est plus évident dans la trilogie La Longue marche de Benjamin de François Sautereau, commencée avec La Vallée des esprits,(1989), poursuivie dans La Forteresse de la nuit et achevée avec La Fontaine maléfique (1990). Reste le policier que nous traiterons dans le prochain article du blog. Si l’Histoire est présente, c'est surtout par l'évocation du Moyen Age ou des conquêtes du monde américain (par exemple, dans Souvenirs d’un visage pâle d’Anne E. Crompton et Les Pionniers de la prairie de V & B Cleaver).

Une série naît pour les seniors, avec des romans qui correspondent à leurs interrogations contemporaines, comme Ma vie, c’est l’enfer (1987) de Jean-Paul Nozière. La voyageuse Huguette Pérol traque l’aventure très loin, dans Rendez-vous à Hong-Kong (1983). La S-F et le western viendront plus tard, grâce à Pierre Pelot en particulier, avec la réédition du récit de S-F : Une Autre Terre, (réédition de la première partie des aventures d’Arian Dhaye, poursuivies dans L’Île aux enragés), et pour le second genre, d’une aventure déguisée et inédite de Dylan Stark : Pour un cheval qui savait rire (1982), magnifiquement illustrée par Claude Auclair. Autre réédition appréciée, celle du récit antiraciste : Le Paradis des autres de Michel Grimaud. Sylvie Corgiat, avant de goûter au polar avec Bruno Lecigne, coauteur de Une ombre en cavale (1988), avait osé aborder la S-F avec Les Trafiquants de mémoire (1987).


On croirait à tort que la collection "Les Maîtres de l’Aventure" lance sa dernière salve lors du premier semestre 1989. Huguette Pérol, trois ans après La Reine sorcière, la rebelle Damya, avec La Loi du plus fort (2e Prix du roman historique), jette alors un regard lucide et sévère sur le miracle japonais et ses élèves-modèles. Évelyne Brisou-Pellen, lauréate du Prix du roman historique de Poitiers en 1990, irait bien jusqu’à Tombouctou en compagnie de L’Héritier du désert. Elle  gratifie encore les lecteurs de deux autres récits historiques : Le Défi des druides et La Cour aux étoiles. Les personnages de Jean-Côme Noguès redoutent une Embuscade à la Pierre clouée des brigands et manants, du temps de Richelieu. Le même auteur propose une plongée en Italie au XVe siècle pour évoquer les rêves artistiques de Silvio ou l’été florentin. Quand l’existence de la collection est menacée, les distinctions pleuvent. Souviens-toi de Titus de Jean-Paul Nozière est récompensé par le Prix Polar jeunesse. Le Destin aux mille visages (1988), dont le héros Djamal sillonne le Moyen Orient mais au XIIe siècle, raconté par la voyageuse Nicole Vidal (1928-2003), est aussi primé. L’assoupissement apparent des "Maîtres de l’aventure" a pu occulter le fleuron de la collection, l’excellent roman de science-fiction Le Cœur en abîme (1988), de Christian Grenier, qui mêle le charme de la spéléologie à une curieuse métamorphose amoureuse, sur la planète imaginaire Samos.
Alors qu’elle a eu le temps de donner sa chance à deux nouveaux auteurs : Roger Judenne, publiant un de ses premiers romans, centré sur la chute de l’empire aztèque : La Colère du Dieu Serpent, en 1986, deux ans avant Les Diables de Séville, vils suppôts de l’Inquisition, et Alain Surget pour son Prisonnier de la rivière noire, illustré par Thierry Desailly, la collection, tout en subsistant au catalogue encore quelques années, est peu à peu supplantée par la collection « Cascade » qui vient de naître en 1989.



(Version revue du texte paru dans Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle, pages 337-338 et 373-374. L’Harmattan, 2014). 

jeudi 19 mars 2015

Wroclaw invitée au Salon du Livre 2015 de Paris

Pour saluer Wroclaw au Salon du Livre de Paris

Puisque la ville de Wroclaw est l’une des villes polonaises invitées au Salon du Livre de Paris, du 20 au 23 mars 2015, en hommage à cette ville, voici une peinture miniature unique datant du XVIIe siècle.

Miniature extraite d'un album amicorum de 1677-1679

Elle orne l’album amicorum CORNUCOPIA de l’étudiant Nicolai Lucae, réalisé de 1677 à 1679 au coeur de l’Europe (un album déjà présenté sur ce blog). La ville de Wratislavia (l’actuelle ville de Wroclaw située en Basse-Silésie) était aussi nommée Vraclav ou Breslau à l’époque et Vratislavie en français.
Wratislavia, ville aux cent ponts arrosée par l’Oder et quatre de ses affluents, surnommée la « Venise polonaise du Nord », vit alors sous le règne de Jean III Sobieski, roi de l’Union de Pologne-Lituanie depuis 1674. Son histoire a été particulièrement troublée. Après avoir été dépendante des couronnes de Pologne et de Bohême, n’est-elle pas devenue ville-État sous l’autorité de l’empire des Habsbourg avant d’être rattachée à la Prusse au milieu du XVIIIe siècle ? Elle est ensuite placée sous l’autorité de l’empire allemand de Bismarck. Elle subit le joug de l’Allemagne hitlérienne avant de revenir enfin à la Pologne en 1945.


                       L'album amicorum de Nicolai Lucae

Ville cosmopolite, d’abord catholique, passée au luthéranisme au XVIe siècle quand elle devient un centre de l’humanisme, elle fit toujours bon accueil aux Juifs jusqu’à ce que l’arrivée des nazis bouleverse la situation dans un lieu bientôt ravagé par la guerre. Aujourd’hui, plus de vingt cinq ans après la chute du communisme, Wroclaw s’épanouit en jouissant de son entière liberté. 

mercredi 18 mars 2015

Gilgamesh, réveille-toi !

Gilgamesh ! Réveille-toi ! Les barbares sont aux portes de ta cité !

Gilgamesh, toi le roi bâtisseur de la fière cité d’Ourouk,
Toi qui, après tant d’aventures périlleuses, faisais admirer le solide rempart de terre cuite que tu avais fait édifier autour de ta cité,
Réveille-toi car les barbares sont de retour.
Toi qui, avec Enkidou, avais vaincu le grand taureau céleste, sache que ces minables ont détruit un grand taureau ailé assyrien à Mossoul.

                                      Couverture de Renaud Perrin 

Mossoul, c’était Ninive, là où l’Anglais Austen Henry Layard avait, au milieu du XIXe siècle, retrouvé les milliers de tablettes d’argile, couvertes de signes cunéiformes qui contaient tes exploits. Si ces tablettes gisant dans la bibliothèque royale d’Assourbanipal n’aient pas été envoyées au British Museum de Londres pour être plus tard traduites par Henry Rawlinson, sans doute n’aurions nous pas autant apprécié ta légende, Gilgamesh, car ces barbares sans âme, ces crétins hors norme, qui n’appartiennent à aucun temps auraient été capables de tout saccager.        
C’est aussi à Ninive, donc à Mossoul, que l’ancien graveur de coupures bancaires, George Smith (1850-1876), assyriologue autodidacte, a retrouvé la 11e tablette de ton Epopée, celle qui raconte le déluge babylonien vécu par Outa-Napishtim.
Ces barbares dénués d'humanité qui se condamnent à n’avoir aucun avenir puisqu’ils nient la plus profonde partie de leur propre passé ont encore détruit les ruines assyriennes de Nimroud, sur les rives du Tigre, insultant l’Histoire du berceau de l’Humanité et de l’écriture.
On avait déjà vu leurs semblables saccageant en 2003 le musée archéologique de Bagdad sous les yeux indifférents (donc complices) des soldats américains.
Mais ces hypocrites sont aussi des voleurs car ils dérobent les pièces archéologiques qu’ils revendent sans vergogne aux plus offrants.
Depuis, ils ont fait pire à Palmyre, décapitant l'âme du lieu et détruisant un temple de 2000 ans.
Honte aux pays occidentaux qui laissent perpétrer ces crimes et, sans vergogne, font le commerce des antiquités avec ces assassins.   



Merci aux archéologues et aux fouilleurs des pays concernés qui, jadis,  ont mis à jour et sauvé les trésors de la Mésopotamie dont certains sont exposés au Louvre comme les statues de Gilgamesh provenant du Palais de Sargon II à Khorsabad. Merci aux savants qui ont assuré les meilleures traductions de L’Épopée de Gilgamesh.     

vendredi 13 mars 2015

Gedalge et Les Voyageurs de l'Espérance de Georges Duhamel (6)

Gedalge et Les Voyageurs de « L’Espérance ». Récit de l’Age atomique de Georges Duhamel

C’est chez Gedalge que paraît en 1953 la 1ère édition du récit Les Voyageurs de « L’Espérance » de Georges Duhamel (Paris, 30 juin 1884 -Valmondois, 13 avril 1966). Médecin épris de littérature, romancier, académicien et chroniqueur interrogeant la modernité, Georges Duhamel avait publié chez l’éditeur Paul Hartmann Les Jumeaux de Vallangoujard (1931), un récit d’anticipation fondé sur la gémellité.    
L’ouvrage posait la question de savoir si les jumeaux Zani et Zano, élevés selon les principes de la science appliqués par le professeur Pipe, allaient échapper au modèle standard prôné par cet utopiste du bonheur imposé, au risque d’abandonner leur identité. D’ailleurs, l’ouvrage est réédité chez Gedalge dans les cartonnages utilisés souvent comme livres de prix.

Dans son nouveau livre Les Voyageurs de « L’Espérance », sous-titré Récit de l’Age atomique, composé spécialement pour la jeunesse et publié une première fois en 1953, Georges Duhamel a imaginé l’effroyable catastrophe déterminée par l'éclatement de tout un arsenal atomique, plusieurs bombes ayant explosé simultanément.
Cette catastrophe dont les effets n’ont pas été calculés et maîtrisés (on le devine plus aisément aujourd’hui et on le découvre surtout dans la dernière partie du roman) a des répercussions profondes et irrémédiables sur l’aspect du monde terrestre. Elle surprend la famille bourgeoise, cultivée et aisée des Fromond qui vivent dans un clan constitué de 5 adultes et de 5 enfants, ayant à leur service le jardinier Grégoire et son épouse Gervaise. A la fin d’un déjeuner, ses membres perçoivent des grondements bizarres dans les entrailles de la terre. Radio et téléphone ne fonctionnent plus et la route est coupée.         
Toute la famille Fromond qui se disposait à partir pour une croisière de vacances décide d’utiliser le bateau L’Espérance, à la fois à voile et à moteur, pour fuir cette terre où le niveau de l’eau commence à s’élever. Grands-parents, enfants, petits enfants et serviteurs (et même le chien Dick et le chat Kyoko) s'embarquent à temps sur le bateau familial. Les provisions, l’eau potable et Ils savent seulement que l’on devait expérimenter la bombe Z dans les déserts du Nolaska et pensent trouver leur salut sur les flots.


Partis vers l’inconnu puisqu’il n’y a plus de repère, ils vont errer, pendant des jours et des jours, sur les mers, bouleversées comme tout le reste de la planète. Ils croisent un iceberg et des ours blancs, une multitude de poissons morts, des cachalots et un monstre marin, des victimes noyées, des épaves et même des villes englouties  …
Ayant échappé à maints périls, ils finissent par arriver un jour, comme jadis Noé, sur une île sans plage formée par le sommet d'une montagne et qu’ils nomment Alicia. Ils vivent ainsi dans Fromondville, en s'efforçant de reconstruire une sorte de civilisation. Ils aménageant une baraque, un jardin, un parc pour les trois chèvres et les quatre chevreaux capturés. Le vieux Guillaume Fromond, savant et célibataire, décède dans l’île où il est enterré. Un avion de passage largue un paquet content une brochure les informant du malheur universel et le pitoyable état du monde après la catastrophe. Plutôt que de quitter l’île, les Fromond préfèrent rester sur leur île où ils pensent demeurer les maîtres de leur destinée.

Ce roman écrit par un académicien qui ne peut s’empêcher d’étaler sa culture à longueurs de pages  (l’étymologie du mot brouette n’a rien à faire ici) est d’une lecture parfois agaçante et les trop nombreuses digressions cassent le rythme du récit. On sait combien Georges Duhamel était en fait un homme du passé (ne décrivait-il pas le cinéma comme « un divertissement d'ilotes, un passe-temps d'illettrés, de créatures misérables, ahuries par leur besogne et leurs soucis » ?) mais sa dénonciation du péril nucléaire reste légitime.
Alors que Pierre Versins, dit dans son Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction dit que c’est un « rare exemple d’anticipation pessimiste pour enfants », Georges Duhamel assurait qu’il voulait  surtout « présenter à des êtres jeunes les problèmes du temps ». Or, la lecture du roman au XXIe siècle risque de faire apparaître un style bien désuet.



Les éditions Gedalge ont proposé plusieurs éditions du récit. Il y eut d’abord en 1953 l’ouvrage de la collection « Les Loisirs de la jeunesse ». La reliure souple est munie d’une jaquette mobile en couleurs et l’intérieur du livre est agrémenté à la fois d’illustrations en noir et blanc, d’un frontispice en couleurs et de 5 hors-texte en couleurs, l’artiste Jacques Roubille s’étant chargé de toutes les illustrations.
En 1958, dans la collection « Aurore » paraît ce même récit mais sous le titre Les Rescapés de « L’Espérance » Récit de l’Age atomique, illustré par Michel Dahin.
C’est en 1959 que paraît le cartonnage grand format (33 cm sur 26) sous le titre Les Voyageurs de L’Espérance, avec la fameuse couverture rouge et or, le 1er plat étant orné d’une illustration contrecollée tandis que l ’intérieur du livre reprend les illustrations et hors-texte de Jacques Roubille.
La collection « La Comète » adopte en 1960 les illustrations monochromes de Maurice Raffray pour cette nouvelle édition qui adoptera en couverture au moins deux versions des motifs décoratifs propres à la collection. En 1963, le bleu foncé, le bleu clair et l’orange se substituent au vert foncé, au vert clair et au jaune de l’édition de 1960.
Il existe d’autres tirages des diverses collections.     


       

mercredi 11 mars 2015

Gedalge et le roman Peau-de-Pêche de Gabriel Maurière (5)

Les Editions Gedalge et Peau-de-Pêche de Gabriel Maurière (Henri Legrand, 1873-1930) (5)

Pendant la Première Guerre Mondiale, un petit Parisien de neuf à dix ans, prénommé Charles ou plutôt Charlot, est confié à une prétendue « tante » malhonnête et brutale qui le pousse à mendier à la porte des églises pour qu’elle nourrisse ses quatre « mioches ». Un jour, une jeune mariée qui vient de lui donner une pièce d’argent perd par terre son porte-billets. L’enfant court, remet l’objet perdu à la dame et s’enfuit. Il remet sa pièce de vingt sous à sa tante, furieuse quand il lui raconte sa bonne action.
Charles revoit pourtant la bonne dame Madame Desflouves qui l’invite chez elle. Quand il apprend que sa tante est aussi allée chez elle, qu’elle a reçu vingt francs et lui a pourtant volé une montre, Charles s’enfuit et il est renversé par un autobus. Hospitalisé et rétabli, le petit Dupré ne retournera pas dans son faubourg miséreux.
Il apprend qu’il va partir à la campagne, dans le village de Charmont-sous-Barbuise, dans l’Aube, « à seize kilomètres de Troyes », chez des oncle et tante, de braves paysans qui vont le traiter comme leur propre fils. D’ailleurs, ils ont déjà un fils, Albert, parti pour la guerre dans les tranchées de Champagne et une fille, Lucie, qui ne manque pas de taquiner Charles.
Alors qu’il est bien vite émerveillé par les beautés de la campagne et surtout par les animaux de la ferme, en particulier le chien Tom aussitôt devenu son ami, l’âne et le cheval Pierrot, Charles doit s’adapter à sa nouvelle école très différente de celle de la rue Vitruve à Paris. Très vite, on le surnomme Peau-de-Pêche à cause de son teint pâle et délicat et de ses joues roses, ce qui n’offusque guère.



Petit à petit, il découvre et apprécie la vie de la ferme et la vie saine de la campagne. Quand ses compagnons de classe le sortent d’un bourbier où il risquait de se noyer, il s’en fait enfin des  amis mais celui qui lui est le plus cher, c’est le grand Alexis, surnommé La Ficelle. C’est lui qui l’initie à la vie sylvestre, à la pêche dans la Barbuise et même à la chasse. Sa scola rité terminée, au lieu de poursuivre ses études, Peau-de-Pêche choisit la terre, à la grande satisfaction de son oncle.
Mais la guerre vient brutalement frapper la famille d’accueil. Albert est gravement blessé. La tante et Charles se rendent à Châlons puis à Pogny où la guerre fait rage. Ils y découvrent qu’Albert est décédé et enterré et les parents désespérés vont reporter leur affection sur l’enfant adopté, âgé de 13 ans et demi lors de l’armistice de 1918.
Bien plus tard, Charles aura l’occasion de revoir à Paris Madame Desflouves, toujours désintéressée et protectrice, laquelle va jouer un rôle déterminant dans sa vie sentimentale et son avenir puisque c’est grâce à elle qu’il conservera l’amitié d’Alexis et épousera Lucie.          
         
  
Le roman Peau-de-Pêche, constitué de cinq parties, publié d’abord en 1927, puis en 1929 dans sa version définitive, va connaître de très nombreuses éditions chez Gedalge. On le rencontre d’abord dans la collection « Aurore » où il est encore présent dans une version reliée en 1956, à l’époque où l’éditeur a déjà vendu 200 000 exemplaires du récit.
Il adopte d’autant plus vite la forme d’un roman scolaire que Gabriel Maurière, d’abord instituteur, puis professeur, devient inspecteur de l’Enseignement primaire. Le récit prend  donc la forme d’un « Livre de lecture courante » pour le Cours moyen et supérieur. En 1930, il est illustré par Edmond Rocher et des notes en bas de pages explicitent de nombreux termes ou expressions. 
Le roman fait aussi partie des fameux livres de prix à couvertures rouges et des principales collections des éditions Gedalge. Après la Libération, en 1946, paraît sa deuxième édition illustrée par Raylambert. La solide reliure carmin, couverte d’une jaquette mobile illustrée en couleurs, cache un mauvais papier mais 4 hors-texte agrémentent cette édition. La 3e édition paraît en 1957 dans la collection « Les Loisirs de la jeunesse », avec un papier de qualité qui met en valeur les anciennes illustrations en noir et blanc de Raylambert ainsi que le frontispice et les hors-texte, cette fois au nombre de cinq.

La dernière édition de la maison Gedalge, paraît dans la collection « Comète » en 1960, avec des illustrations monochromes peu attrayantes de Anne Castille.             


jeudi 5 mars 2015

Gedalge et les collections "Comète", "Grand Pavois" et "Juvénilia" (4)

Gedalge, éditeur de livres pour la jeunesse (4)

IV "La Comète" remplace "Les Loisirs de la jeunesse"
Dernières collections : "Grand Pavois" et : "Juvenilia"

Sans faire vraiment preuve d’innovation et d’imagination, les éditions Gedalge créent la collection : "La Comète", reliée, illustrée  et cousue, qui coexiste quelques années avec "Les Loisirs de la jeunesse", laquelle collection était remarquable pour ses frontispices et ses hors-texte en couleur et dont elle réédite la plupart des titres.


Les volumes de « La Comète » de format 18 cm. sur 13 présentent des couvertures ornées de taches de couleurs, tantôt froides, tantôt chaudes, à gauche d’une illustration d’une taille évidemment réduite, en noir et blanc ou monochrome.    
Malheureusement, les dates d’éditions sont rares et sont souvent remplacées en début de volume par le copyright datant généralement de la publication dans la collection « Les Loisirs de la jeunesse ».
Chaque livre ne bénéficie pas du même type d’illustration. Par exemple, Peau-de-Pêche de Gabriel Maurière, une fois de plus réédité en 1960, est pauvrement illustré d’images sombres en noir et blanc, avec quelques touches de vert, d’Anne Castille. De même Les Voyageurs de l’Espérance de Georges Duhamel est réédité en 1960 avec des illustrations en noir et blanc de Maurice Raffray.  Les Voyageurs de « L’Espérance » de Georges Duhamel, sous-titré Récit de l’âge atomique,  une anticipation plutôt noire méritait mieux.
L’éditeur a tenté un équilibre entre les auteurs classiques et modernes. On réédite sans surprises les Contes d’Hans Christian Andersen, Colomba de Prosper Mérimée, La Tulipe noire de Dumas, Le Prince et le Pauvre de Mark Twain, Ivanhoé de Walter Scott, en 1960 (illustré parfois en double page de dessins monochromes orange de Lebègue), La Perle noire de Henri de Monfreid…  


Parmi la tétralogie des « âges farouches » de J.-H. Rosny, on a choisit de rééditer seulement Erymah et La Guerre du feu. Mais on réédite sous eux couvertures différentes Ambor le loup ((l’histoire de ce chef gaulois qui combat avec Vercingétorix contre l’invasion romaine) en 1958. Les récits biographiques de personnages réels ou mythiques sont encor là puisque Madeleine Doumerc raconte Lulli (des cuisines royales à l’Opéra), de Dispan de Floran, on republie Robin des bois, Denise Adhémar conte encore l’histoire de Ha-Ouf, Fils de lions (sous-titré Conte pour Axelle) et l’on a eu la bonne idée de reprendre le frontispice et les magnifiques hors-texte en couleurs de André Hofer. On a fait de même pour l’auteur-illustrateur Henri Iselin qui se plaît à recenser Les Evasions historiques. L’amoureux de la mer qu’est resté Léonce Peillard méritait bien aussi que Premier voyage autour du monde : Magellan, conserve aussi frontispice et hors-texte. Le fait qu’on réédite Henri de Graffigny qui se penche sur Les Martyrs du pôle. (ceux du yacht « La Jeannette », pris dans les glaces au XIXe siècle) et, en 1957 . Henri de Monfreid, illustré par André Hofer, raconte La Perle noire (1957). Des traductions apparaissent plus tard : L’Émeraude de Ceylan (1958) vieux récit de l’Italien Emilio Salgari et Le Pistolet d’or à monture d’argent (1960) de Daniel Hawthorne, illustré par Mixi-Bérel (illustrateur encore peu connu qui signe parfois Mixi). 
Parmi les rares traductions d’ouvrages scandinaves, on retrouve Sylvia de Alvide Prydz et Annie en Norvège de Cecilie Lund.
Au sujet des nouveautés, citons Le Pistolet à monture d’argent de Daniel Hawthorne, Sahara, horizon sud de P. Leprohon. Quelques récits d’aventures ne parviennent pas à masquer une impression de désuétude et de décalage par rapport à cette fin des années 50. Voici Le Coffret d’ébène de Christian Fontugne et Claire Audrix, Mystère à Montségur de J Yves-Blanc     


Ce n’est pas la réédition des romans de Claude Esil  (Le Maître des diligences), de Thérèse Lenôtre (Le Roi de Rome), de Max Ferré (Alain Gerbault navigateur solitaire), de R.P. Groffe (Le Cabaret des bons enfants), de Jean Neuville (Légendes de la mer), de A. Le Corbeiller (Surcouf), de Noël Tani (Le Dernier des Caraïbes) qui peuvent supprimer l’impression de déjà vu.
Heureusement, il y a aussi Histoires improbables d’André Ferré, La Tour de Jaman de René Tramond et la réédition justifiée du récit de Jean Gaillard : Le Rallye fantastique.   
La maison Gedalge publie aussi des ouvrages documentaires dans la collection "Grand Pavois" en 1959-1960, avec des titres sur la conquête spatiale, le Tour de France, les Indiens ou le cinéma. 


A la même, époque, la collection « Juvenilia » publie quelques livres-disques avec la collaboration de Jacqueline Caurat, speakerine à la télévision et présentatrice d’émissions sur la philatélie.
La Librairie Gedalge qui entretient depuis trop longtemps les fonds de ses collections essoufflées, republiant sans cesse les mêmes titres avec trop peu de nouveautés, a beau tenter de faire croire à une modernisation de ses collections alors que naissent de nouvelles maisons d'édition ou de nouveaux départements pour la jeunesse, disparaît en 1975. La Librairie Gedalge n’est plus en phase avec son époque depuis au moins une décennie.


Deux ans plus tôt, l’ancien résistant Antonin Wast, son directeur depuis 1946 (mais il avait racheté des part de la Librairie bien plus tôt), décédé le 31 décembre 1973 dans un accident de bus, avait publié Le Guide du routard auparavant refusé par une soixantaine d’éditeurs. Cette publication vite interrompue n’est qu’un épiphénomène peu significatif.


mercredi 4 mars 2015

Chez Gedalge, collection "Les Loisirs de la jeunesse" (3)

Gedalge, éditeur de livres pour la jeunesse

III "Les Loisirs de la jeunesse", la nouvelle collection de Gedalge

Les Éditions Gedalge ont en fait créé deux collections nommées "Les Loisirs de la jeunesse". La première a vu le jour avant la guerre en 1938-1939. Les ouvrages paraissent alors sous une couverture cartonnée au dos toilé bleu et une vignette en couleurs a été contrecollée sur la couverture., Sont alors parus, en 1938, Les Martyrs du pôle de Henry de Graffigny (1863-1934), illustré par André Galland, Erymah de J.H. Rosny, illustré par André Hofer, Le Prince et le Pauvre de Mark Twain, Campagnat le mystérieux de Jacques des Gachons (1868-1945), Mes années d’enfance et de jeunesse d’Alexandre Dumas, Mes années d’enfance et d‘adolescence de George Sand, La Prodigieuse aventure d’un enfant du peuple René Caillé (1799-1838) d’Henriette Célarié, Le Singe et le Tortue Contes persans de Marc-Yvon Gaillard (1938), illustré par André Galland, et Contes et Légendes de l’Auvergne, de la Marche et du Limousin (1940) de Georges Nigremont…


Après la guerre, en 1945, la collection « Les Loisirs de la jeunesse » reliée adopte le format 18 cm sur 14. A cette époque paraît le livre d’Henriette Célarié : Récits tragiques et héroïques (1940-1944), illustré par André Galland dans une collection reliée ornée en couverture d’une vignette rectangulaire en couleurs et contrecollée. Cette série de livres ne porte pas officiellement le nom d’une collection mais il pourrait s’agir d’une variante de la collection « Les Loisirs de la jeunesse ». Les volumes imprimés sur un papier médiocre ne sont pourvus que de quelques illustrations pleine page en noir et blanc. Les éditions Gedalge (nommées parfois « Anciennes éditions Gedalge, A. Wast & Cie), dirigées depuis la Libération par Antonin Wast (1901-1973), ancien résistant, sont toujours très fortes pour rééditer leurs anciens ouvrages Par exemple, on voit reparaître Campagnat le mystérieux de Jacques des Gachons, Robin des bois de Dispan de Floran… De Claude Esil, on peut lire Une jeune Français sous la Terreur (1945) et L’Hécatombe à Diane.  Noël Tani (alias Mademoiselle Leroux, auteur bien connu aux éditions Montsouris), propose Le Dernier des Caraïbes (souvent réédité) et Marcel Artigues, Le Duel des frégates (1947), illustré par Lochard. Lily Jean-Javal revient avec Odile et son tuteur et Armand Le Corbeiller offre la 1ère édition de son Surcouf (Robert Surcouf, 1773-1827).


La nouvelle collection « Les Loisirs de la jeunesse », celle que l’on connaît le mieux et qui constitue sans doute la  meilleure collection de la maison Gedalge,  est pourvue d’une jaquette amovible illustrée et présente en plus d’illustrations en noir et blanc des hors-texte en couleurs. On y réédite des ouvrages parus avant la guerre et des nouveautés. L’auteur privilégié est J.H. Rosny Aîné puisque l’on réunit pour un jeune lectorat la tétralogie des « âges farouches », depuis Le Trésor lointain jusqu'à Erymah et les récits intitulés, Le Félin géant et La Guerre du feu, tous deux davantage connus. Il est certain que les spécialistes de la Préhistoire doivent sourire des illustrations parfois anachroniques d’André Hofer. On réédite aussi Ambor le loup et un récit peu connu de Rudyard Kipling et W. Balestier : Le Naulahka (publié par Ollendorff en 1908), l’histoire d’un collier de pierres précieuses recherché en Inde par Nicolas Tarvin.


La réédition en en 1946, illustrée par Félix Jobbé-Duval du roman de Noël Tani, Le Dernier des Caraïbes bénéficie de superbes hors-texte en couleurs. C’est l’histoire étrange d’un jeune homme d’origine caraïbe, élevé par une famille française, reconnu comme prince par les siens et chargé de reconquérir les îles des Caraïbes. Bonnets blancs et blancs bonnets de Lily Jean-Javal est aussi publié en 1946 et Maggie Salcedo illustre plus tard La Revanche de Sybil. Raylambert (1889-1967) dessine avec tact et tendresse les enfants défavorisés, évoqués dans Peau-de-pêche par Gabriel Maurière (Henri Legrand, 1873-1930). Cette histoire d’un enfant des quartiers misérables de Paris qui reprend goût à la vie dans le village de Charmont, près de Troyes, déjà écrite en 1918 et chez Gedalge dès 1927, méritait d’être rééditée. Le livre de Gabriel Maurière réédité dans les différentes collections de la maison constitue l’un des plus grands succès de l’éditeur : 200 000 exemplaires vendus en 1956. Le récit maritime de Marcel Artigues, Le Duel des frégates, bénéficie d’une nouvelle édition, cette fois luxueuse et pourvue de hors-texte en couleur de Gustave Gerno. La réédition en 1947 du récit de Henry de Graffigny (alias Raoul Marquis, 1863-1942) : Les Martyrs des pôles, illustré par André Galland, ne doit pas cacher que l’auteur, vulgarisateur scientifique de renom, était en vogue en 1910, quand il publiait Le Tour de France en aéroplane. Du même auteur, on publie aussi Voyage de cinq Américains dans les planètes. Henriette Célarié, racontant René Caillé  dans La Prodigieuse aventure d’un enfant du peuple, en 1949, bénéficie des hors-texte aux couleurs vives et contrastées de Félix Jobbé-Duval. Louis Dispan de Floran conte une fois de plus sa version de Robin des bois et autres chroniques du cycle breton (1950) dans un style savoureux et plein d’humour. Le Duel des frégates de Marcel Artigues bénéficie de deux éditions, l’une populaire et l’autre avec hors-texte. Des textes ont vieilli, tels Les Martyrs des pôles de Henry de Graffigny, Le Roi de Rome de Thérèse Lenôtre (édité cette fois avec de jolis hors-texte en couleurs de Maggie Salgado) ou Les Désirs de Riquette d’Henry Champly (1894-1967).


En plus de son Surcouf, Armand Le Corbeiller propose sa version de Cartouche et Max Ferré s’infiltre dans la collection avec Alain Gerbault navigateur solitaire. Après l’ajout d’auteurs « classiques » : Mark Twain (Le Prince et le Pauvre), Grimm (Blanche-Neige), Alexandre Dumas (La Tulipe noire), Andersen (Rien qu’un violoneux, illustré en 1951 par Icare Marchegay), Prosper Mérimée (Colomba), la collection prospère dans les années 50.   
Parmi les nouveautés, on distingue Légendes de la mer (1954), de Jean Neuville, illustré par André Hofer, Le Cabaret des bons enfants (1955) de René-Paul Groffe, L’Oncle Amiral. Contes chinois de Lucie Paul Margueritte, illustré par Icare Marchegay, Le Maître des diligences de Claude Esil, la biographie de Vincent Caillard, « l’ami de la route », Rosario Montès (1947) de Pierre Sinmare, un récit ancré au Mexique sous le règne de l’empereur Maximilien.
Relevons encore Le Merveilleux destin de quatre fillettes (il s’agit de l’enfance de quatre filles nobles et privilégiées) d’Huberte Hébert, Ha-Ouf fils de lions de Denise Adhémar, Chevaliers de légendes de Dominique Paladhile, Les Quatre Fan’Foudys d’Eugène David-Bernard, La Tour de Jaman de Renée Tramond, Les Évasions historiques d’Henri Iselin auteur et illustrateur, Seul sur la route (1951) d’E. Coste qui raconte la fuite d’une famille française face à l’invasion allemande en juin 1940.     


Nous reviendrons sur deux titres essentiels de la collection : Peau-de-pêche de Gabriel Maurière, une fois de plus réédité mais avec une très belle couverture et des hors-texte de Raylambert et Les Voyageurs de l’espérance, création originale en 1953 de Georges Duhamel, sous-titrée Récit de l’âge atomique, une anticipation plutôt noire illustrée par Jacques Roubille.