mardi 13 mai 2014

Paul Berna et les bibliothèques "Rouge et Or" et "Souveraine" (2)

Paul Berna, alias Jean Sabran (1908-1994), pilier de la « Bibliothèque Rouge et Or » et de la collection « Souveraine », chez G.P.  (2)

Les premiers ouvrages de Jean Sabran parus dans la célèbre « Bibliothèque Rouge et Or » sont parfois ignorés car il s’agit d’adaptations, d’exercices de réécriture d’ouvrages signés naturellement par leurs auteurs d’origine. Il faut ouvrir les ouvrages dans les premières et dernières pages pour lire l’expression : « Adaptation de Jean Sabran ».
C’est ainsi que sont parus dans la « Bibliothèque Rouge et Or » à partir de 1949 :
-          Le Robinson suisse (R. Wyss), 1949.
-          Le Dernier de Mohicans (F. Cooper), 1949.
-          La Légende d’Ulenspiegel (C. De Coster), 1949.
-          Contes de mille et une nuits (A. Galland), Tomes 1 et 2, 1950.
-          Les Trappeurs de l’Arkansas (G. Aimard), 1950.
-          Un corsaire de quinze ans (L. Garneray), 1950.
-          Un marin de Surcouf (L. Garneray), 1950.
-          Les Aventures de Robert-Robert (L. Desnoyers), 1951.
-          Les Naufragés du Saint-Antoine (L. Garneray), 1951.
-          Les Trois Mousquetaires, Tome 1 (A. Dumas), 1952.
-          Les Trois Mousquetaires, Tome 2, (A. Dumas) 1952.
-          La Porte du dragon (Barbara Gilson), 1963.


Jean Sabran sous le pseudonyme de Paul Berna se révèle ensuite un double précurseur, aussi doué pour la science-fiction juvénile (baptisée « anticipation »), avec Nous irons à Lunaterra, puis La Porte des étoiles (1954), envisageant la conquête prochaine de la Lune, en 1954, Le Continent du ciel en 1955, et pour l'énigme policière moderne, ancrée dans des quartiers populaires des banlieues de l’époque, énigme bien représentée par Le Cheval sans tête en 1955 et par sa suite, Le Piano à bretelles, l’année suivante.
Dans Le Cheval sans tête de Paul Berna, la bande à Gaby est formée d’enfants de la banlieue parisienne. Leur  trésor est un cheval-sans-tête à roulettes, utilisé pour des courses de vitesse dans ce quartier populaire de Louvigny-Triage. Le cheval excite la convoitise d’adultes bizarres qui le volent. L’inspecteur Sinet, sur la piste des malfaiteurs, aura bien besoin de l’aide des enfants pour trouver la solution. Ce n’est pas tant l’intrigue policière, pourtant bien bâtie comme un scénario de film qui impressionne, c’est davantage le ton novateur du romancier, habile à restituer au plus juste la langue, la vie des banlieues de l’époque.
Aucun misérabilisme, ni « réalisme » apitoyé sous la plume de Paul Berna qui excelle à rendre compte de l’argot jubilatoire de cette bande débrouillarde, comme l’est son égérie Marion, l’amie des chiens, un langage familier mais juste, effarouchant alors certains, bien que l’ouvrage ait reçu le Grand Prix de littérature du Salon de l’enfance en 1955. Les illustrations de Pierre Dehay, puis celles de Jean Reschofsky en 1961, restituent le cadre populaire de cette aventure : les maisons grises aux volets mal fixés, donnant sur une rue étroite, mal éclairée le soir, la fabrique abandonnée, entourée de barbelés, non loin des locomotives, encore à vapeur, du Paris-Vintimille.
Paul Berna, qui s’est toujours défendu de faire des romans policiers à série, s’est seulement contenté d’introduire le commissaire Sinet dans plusieurs romans où il joue plutôt un rôle secondaire par rapport aux enfants ou aux adolescents. Il n’est encore qu’inspecteur dans Le Cheval sans tête.


On retrouve « les dix garnements de la bande à Gaby » dans Le Piano à Bretelles (1956) où ils n’ont rien perdu de leur gentillesse et de leur drôlerie. Intrigués par un chien jaune devenu noir quand il est attaché au pliant d’un aveugle jouant une même complainte sur son accordéon, ils s’engagent dans une nouvelle enquête.
Paul Berna mêle roman d’aventures et intrigue proche de l’énigme policière dans Millionnaires en herbe (1958) quand les enfants veulent sauver les habitations de gens modestes, menacées par des promoteurs indélicats.
Dans Le Bout du monde (1961), on retrouve les dix jeunes de la bande à Gaby. Les aînés âgés de dix-huit ans projettent d’acheter une vieille voiture à un vendeur qui propose le transport rémunéré de caisses de ferraille pour la payer. Or, le marchand de ferraille participe à un trafic de fausse monnaie et la bande qui doit se disculper ne pourra prendre la route qu’après maintes péripéties. La joyeuse bande est toujours constituée de dix enfants, sous la conduite de la grande Gaby, fière de sa fonction de conductrice. Cette bande revient encore dans les aventures imprévisibles et parfois dramatiques qui émaillent La Piste du souvenir (1962), quand les jeunes gens sont poursuivis par des aigrefins.
L’enquête menée dans Le Témoignage du chat noir (1963) développe aventure policière déclenchée par une escroquerie sur le logement d’une famille pauvre (l’occasion de poser  clairement un problème social).
Il faut attendre la mutation de la « Bibliothèque Rouge & Or » en collection « Souveraine » pour voir paraître, chez G.P., les enquêtes du Commissaire Sinet. Il y eut d’abord, illustré par Daniel Dupuy, Le Commissaire Sinet et Le Mystère de l’autoroute Sud en 1967. Un simple fait divers : un mulet blessé sur l’autoroute du Sud conduit le commissaire Sinet et un groupe de lycéens vers une ténébreuse affaire de vol. Le sympathique policier revient en 1968, dans Le Commissaire Sinet. Le Mystère des poissons rouges. Faut-il considérer L’Epave de la Bérénice (1969) comme une aventure policière ? Certes, l’orphelin et marin Fanch est entraîné par un inconnu, parfois suspect, dans une chasse au trésor mystérieuse pour récupérer, dans une épave, une tête antique précieuse. Certes, il faut lutter de vitesse avec de vrais aventuriers mais l’intrigue est plutôt mince.

      
La collection « Rouge & Or Souveraine » donne encore l’occasion à Paul Berna de publier en 1970, Opération, Oiseau-noir où s’opposent la bande d’Horace-l’Affreux, le chef gredin des ferrailleurs opprimant les travailleurs du bidonville de Bois-Bréau, et un groupe de jeunes formé de Cady, Sandra et leurs amis. Aidés par une assistante sociale et un jeune prêtre, ils mettront fin au trafic louche d’Horace et de ses complices. Ne passons pas sous silence les autres romans policiers de Paul Berna parus chez le même éditeur G.P.
Le Carrefour de la pie (1957), c’est une station-service isolée au bord d’une grande route, en face d’une auberge relais où s’arrêtent les chauffeurs de poids lourds et parfois des gens louches comme ceux qui menacent le pompiste M. Langlais dont le fils Frédéric est inquiet. Pour défendre son père injustement accusé par des inconnus malfaisants, Frédéric entreprend une longue enquête reconstituant le passé de son père, afin d’établir son innocence.
Dans Le Kangourou volant (1957), l’enquête menée autour de la petite Josy, abandonnée dans l’aérogare d’Orly, conduit sur la piste de minables espions industriels.  
On doit encore à Paul Berna d’autres récits parus aux éditions G.P. : Les Pèlerins de Chiberta (« Souveraine », 1958), Le Champion («Souveraine », 1960) qui a obtenu un grand prix, La Grande alerte (« Souveraine », 1960), Le Bout du monde (« Souveraine », 1961), La Piste du souvenir (« Souveraine », 1962), L’Epave de la Bérénice (« Souveraine », 1969).
Toujours chez G.P. ont encore été édités, Un pays sans légende dans la collection « Olympic », 1970, et deux récits dans la collection « Grand angle » : La Dernière aube en 1974 et Rocas d’Esperanza en 1977.      



2 commentaires:

  1. Merci pour cet intéressant article sur un auteur qui a enchanté ma jeunesse! Patrick (né en 1954)

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  2. Vraiment avec Paul berna c'est un univers magique

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