samedi 30 janvier 2010

Interview d'Erik L'Homme en juin 2005


Je viens de retrouver l'interview que j'avais réalisée en juin 2005 pour le site mauvais genres, animé par Bernard Strainchamps (aujourd'hui, avec toujours le même dynamisme, il anime "bibliosurf.com")
Voici cette interview, sans doute peu connue car le site mauvais genres a fermé 15 jours après sa publication. Depuis, les livres d'Erik L'Homme connaissent un immense succès mérité et de plus en plus de traductions.

Erik L'Homme
quand l'écriture vaut un trésor et tous les royaumes





Quatre années ont suffi à Erik L’Homme pour inscrire son nom dans le monde de la littérature jeunesse. Grâce à la trilogie fantastique Le Livre des étoiles (amorcée en 2001), le diptyque de science-fiction Les Maîtres des brisants dont le 2e tome est paru en mars 2005, et l’album des Contes d’un royaume perdu, illustré par François Place, le romancier s’est creusé une place enviable dans les collections de Gallimard Jeunesse.

Né en 1967 et toujours fidèle à sa Drôme provençale dont il a longtemps défendu l’environnement par le biais du journalisme, Erik L’Homme s’est d’abord doté d’un solide bagage intellectuel et d’une expérience de « bourlingueur » avant de se lancer « officiellement » dans l’écriture de fictions.

Très attaché à son pays qu’il aime arpenter, il poursuit des études universitaires qui le conduiront plus tard à la rédaction d’une thèse d’Histoire et Civilisations.

Car très vite, le goût de l’aventure le mène dans des mondes aussi « incertains » que ceux qu’il bâtira dans ses romans. Que ce soit dans l’Orient d’Alexandre le Grand, sur les traces de « l’homme sauvage » quelque part au Pakistan, ou bien à la poursuite d’un improbable trésor aux Philippines, il découvre que la quête elle-même et les rencontres qu’elle suscite sont les seuls véritables butins que l’on rapporte.

Après avoir emmagasiné des matériaux, des images, des émotions, et surtout des expériences humaines, il persiste dans ses voyages et retourne entre Pakistan et Afghanistan, dans le « royaume perdu de Chitral » cher à son cœur. Il en revient avec la matière du livre Parlons khowar Langue et culture de l’ancien royaume de Chitral au Pakistan, paru en 1999, à l’Harmattan et celle de son album de contes recueillis sur place et publié en 2003.

L’heureuse et inopinée rencontre de Jean-Philippe Arrou-Vignod, enseignant, écrivain et éditeur chez Gallimard Jeunesse, ainsi que la lecture de Harry Potter, débouchent sur un défi : l’écriture d’une trilogie fantastique « à la française ». C’est ainsi qu’Erik L’Homme, depuis toujours passionné par l’écriture, se lance dans la littérature jeunesse et publie son premier roman à l’âge de 33 ans.

C’est Qadehar le sorcier, premier tome de la trilogie Le Livre des Etoiles, où cohabitent chevaliers et ordinateurs, qui paraît en 2001,. Avec régularité, il propose depuis un volume tous les ans. En 2002 et 2003 paraissent les volumes II et III du Livre des étoiles : Le Seigneur Sha et Le Visage de l’ombre.

En 2004, le cycle de space opera Les Maîtres des brisants s’ouvre avec Chien-de-la-Lune et se clôt en 2005 par Le Secret des abîmes.

J’ai connu Erik à Saint-Dié-des-Vosges, alors qu’il recevait le Prix jeunesse du Festival International de Géographie pour son premier livre. Je venais de publier mon premier essai : Un siècle de fictions pour les 8 à 15 ans.

Comme Erik, resté grand voyageur pour répondre aux sollicitations de ses nombreux lecteurs en France et à l’étranger, revient souvent en Lorraine, non seulement au FIG déodatien mais aussi aux Imaginales d’Epinal et au Livre sur la Place de Nancy, nous avons l’occasion de nous revoir et d’entretenir nos liens d’amitié, bavardant volontiers autour d’un café en grignotant un macaron !


Interview réalisée sur Internet en juin 2005 pour le site de Bernard Strainchamps, "mauvais genres"

Puisque la rencontre avec Jean-Philippe Arrou-Vignod a été déterminante pour ton entrée dans la fiction, peux-tu préciser dans quelles circonstances tu as fait sa connaissance ?

Un jour de 1997, je me promenais dans une librairie valentinoise, au hasard des rayonnages comme j’aime le faire. Soudain, un livre, ou plutôt un titre, a attiré mon attention : L’Homme du cinquième jour, de Jean-Philippe Arrou-Vignod. J’ai lu la quatrième de couverture. Il était question d’une expédition et d’un homme sauvage ! Exactement ce que j’avais vécu quelques années plus tôt ! Très excité, j’ai acheté le livre et je l’ai dévoré. Etonné par les intuitions de l’auteur qui n’avait certainement jamais quitté son bureau pour écrire cette aventure, j’ai décidé, après moult hésitations, de lui écrire et de lui raconter ma propre aventure. La réaction de Jean-Philippe n’a pas tardé : il m’a invité par retour de courrier à le rencontrer à Paris, et nous avons immédiatement sympathisé. Lorsque je lui ai fait part de ma passion pour l’écriture, il s’est gentiment proposé comme lecteur si me prenait un jour l’envie d’écrire pour la jeunesse ! Il a fallu attendre 1999 et la découverte d’Harry Potter pour déclencher cette envie, mais Jean-Philippe était toujours là pour moi, fidèle à sa promesse. Il est devenu un ami. Jamais je n’ai rencontré quelqu’un d’aussi généreux et attentif. Je lui ai dédié mon premier livre. Aujourd’hui encore je l’appelle Maître (en rigolant) et il me menace d’utiliser sa magie si je continue !

Ta connaissance de la littérature jeunesse est assez « classique » et « raisonnable » : contes et légendes lus par tes parents dans l’enfance, romans de tous genres (Club des cinq et autres Langelot agent secret, Gautier, Dumas, Verne, Stevenson…) et B.D. (Tintin, Astérix et Spirou, journal auquel tu étais abonné comme avant toi ton père et ton grand-père…), puis mangas télévisés de la fin des années 70 et lecture de Tolkien... As-tu fait aussi la lecture de quelques ouvrages moins « recommandables » : B.D. du genre Strange ou Nova ? Romans populaires ou romans dits « de gare » ?

J’ai toujours eu tendance à lire tout ce que l’on me mettait (ou que je trouvais !) à portée de main. Je me suis donc, un temps, goinfré de Comics (Doc Strange, les Xmen et le Surfer d’argent étaient mes héros préférés) ! Quant aux romans de gare, trouvés pour 50 cts de francs à l’époque dans les bacs des bouquinistes, j’avoue un faible pour les San Antonio (Foiridon à Morbac City est irrésistible !)…

Ta « culture S-F » semble essentiellement anglo-saxonne : Jack Vance, Frank Herbert, Ursula Le Guin, Mickael Moorcock, Orson Scott Card… Est-ce à dire que tu n’as pas lu les Français du genre ?
J’ai découvert tardivement que les Français étaient dans le domaine capables du meilleur. Aujourd’hui, et même si je lis encore beaucoup d’anglo-saxons (ils sont quand même bons ces coquins-là !), je me régale aussi avec les sagas baroques de Pierre Bordage, les space opera de Laurent Genefort, les nouvelles de Jean-Claude Dunyach… Je fais également des découvertes, comme cette Horde du Contrevent, d’Alain Damasio, dont on parle beaucoup (et pas assez !) en ce moment. Oui, les Français tiennent la rampe !

Est-ce que tu as lu, comme beaucoup de trentenaires de ta génération, les livres-jeu du style « Donjons et dragons », ou joué à des jeux de rôle sur consoles ou sur ordinateurs ? (En cas de réponse positive, conséquences éventuelles sur ton écriture)

Non, je n’ai jamais aimé les Livres dont vous êtes le héros, et j’ai toujours été réfractaire aux jeux vidéo. Mais j’ai bien sûr connu la mode des jeux de rôle, j’étais au lycée au moment du boum ! J’ai même participé à des jeux de rôle grandeur nature (le terme exact m’échappe aujourd’hui), qui m’ont beaucoup plu. Quant à savoir si cela a influencé mon écriture, je ne sais pas. Sans doute. Si tel a été le cas, c’est qu’il y avait de toute façon en moi un terreau favorable !

Puisque le fantôme sombre d’Albator hante Les Maîtres des brisants, peux-tu dire ce que tu apprécies dans les mangas (encore mal connus et peu appréciés en France par les adultes) ? Penses-tu que certains aspects du genre marqueront la culture de demain et comptes-tu tenir compte de cet apport dans tes futurs écrits ?

Pour commencer, il faut distinguer les « mangas » (terme générique qui désigne la bande dessinée japonaise) et les « anime » (les dessins animés). Albator 78, qui a déclenché chez moi (à l’instar d’Harry Potter pour Le livre des Etoiles) l’écriture des Maîtres des Brisants, est un « anime », pas un « manga » ! Ceci dit, c’est vrai que j’aime « mangas » et « anime », tels qu’ils sont proposés en France en tout cas. Leurs histoires sont généralement complexes, leurs personnages, même caricaturés, restent très humains et ne se divisent pas forcément en bons et en méchants. Les nombreux genres (Gakuen étudiants, Kawaï enfantins, Shojo sentimentaux, Shonen virils…) possèdent bien sûr chacun leurs codes, mais tous ont en commun d’offrir une narration directe et enlevée.

Je ne sais pas comment la culture de demain sera marquée par les « mangas », mais elle le sera, c’est évident. Il suffit de voir l’engouement des jeunes pour eux, et le linéaire qui leur est désormais consacré dans les librairies B.D. ! Je pense que l’on ne pourra pas raconter une histoire dans dix ou quinze ans de la même façon que maintenant. Personnellement, j’essayerai non pas de m’adapter mais de comprendre et d’intégrer à l’instinct ces changements !

En disant que la lecture de Harry Potter avait déclenché en toi une sorte de pari, n’as-tu pas pris le risque que l’on dise que tu as surfé un thème « tendance » à l’époque ?

Le thème commençait seulement à tendre vers la « tendance » quand Qadehar le Sorcier est sorti (juin 2001). On trouvait alors sur le rayonnage Fantasy des libraires les Harry Potter (sortis d’abord en poche, rappelons-le), les Pullman (A la croisée des mondes), le premier Peggy Sue de Brussolo, le premier Tom Cox de Franck Krebs et… pas grand chose d’autre !

Quant à l’image du surf, moi, elle ne me dérange pas. On quitte la plage et les bronzeurs quand on chevauche une belle grosse vague ! Et on prend le risque de tomber, de se faire rincer par quelques méchants rouleaux. Surfer peut être jubilatoire, ce n’est certainement pas aussi facile qu’on veut bien l’imaginer.

En fait, ton imaginaire s’abreuve à d’autres sources que J.K. Rowling et tu nourris tes romans à la fois de ta culture historique du Moyen Age et des matériaux fabuleux glanés dans tes voyages. Peux-tu donner des exemples précis de villes, de paysages ou d’anecdotes qui viennent de tes « expéditions » ?
Mon imaginaire, c’est vrai, puise dans les livres (Le seigneur des anneaux plus que Harry Potter, quand même !), les films (Stargate, par exemple, qui m’a inspiré l’idée des portes conduisant d’un monde à l’autre), les choses vécues (Agathe a existé et m’a martyrisé au collège bien avant Guillemot !), ma culture d’historien (j’ai effectué des recherches sur les runes avant de créer mes Graphèmes) et mes voyages.

Ainsi, la ville de Ferghânâ dans laquelle déambule Guillemot avant de faire la connaissance de Kyle, m’a été inspirée par Marrakech au Maroc. Le peuple de la mer, que rencontre Coralie, existe vraiment (sous une forme moins « fantastique » !) et nomadise, à bord de radeaux, au sud de l’archipel philippin. Enfin, pour terminer, les brigands qui capturent Romaric et Coralie m’ont rappelé ceux qui nous ont dévalisé, mon frère et moi, un jour de neige, sur la route du col de la Lowari au Pakistan…

C’est une grande chance de voir ton album Contes d’un royaume perdu mis en scène et en images par le grand illustrateur François Place. Peux-tu préciser comment s’est déroulée votre collaboration ?

C’est vrai, c’est une chance. Cela faisait longtemps que j’avais envie de travailler avec François. Je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une édition du FIG, à St Dié (il s’en passe des choses dans les Vosges !). C’est un personnage étonnant, doté de tous les talents : écrivain, illustrateur, boute-en-train…Enfin bref, lorsque j’ai proposé mes contes chez Gallimard, je n’imaginais pas une seconde qu’ils proposeraient à François d’en être l’illustrateur ! Par chance, mes textes lui ont plu, ont fait naître des images dans sa tête. Cette région du monde (l’Asie centrale) lui a toujours tenu à cœur et il a, je pense, développé très vite une intimité avec les lieux et les gens, sans jamais y être allé. Tant mieux ! Car c’était la première fois que je faisais ce type d’exercice, et je m’étais interdit d’interférer dans son travail. Pour moi, un album est le résultat de deux imaginaires qui se rencontrent. C’est ce qui s’est passé, j’en suis heureux !

Ce qui surprend chez toi, c’est le naturel de tes rapports humains avec tous les êtres quelle que soient la génération à laquelle ils appartiennent. Tu sembles en phase avec chacun et tes récits s’en ressentent. Cette empathie immédiate est-elle un héritage de tes voyages dans des pays où la convivialité est essentielle ?

Hum, difficile à dire. Mais bon, tu exagères beaucoup ! Les gens m’intéressent depuis toujours. Je les écoute je les observe, j’essaye d’imaginer ce qu’ils sont en creux, dans ce qu’ils ne disent pas, ne montrent pas. Je pense que les voyages m’ont appris à concilier cette attitude de retrait, de recul confortable, avec l’élan vers l’autre, le contact créateur. C’est peut-être ce mélange des deux que tu appelles phase ou empathie. Parce que l’un se nourrit de l’autre.

Dans Les Maîtres des brisants, comment peux-tu concilier l’image d’un « héros » apparaissant comme une sorte de modèle alors qu’il semble en même temps semblable à tous les êtres, avec ses qualités mais aussi ses faiblesses ou ses souffrances ?

Parce que le héros des Maîtres des Brisants, Vrânken de Xaintrailles, surnommé par ses ennemis Chien-de-la-lune et capitaine du « Rongeur d’os », n’est pas un héros… C’est un miroir, un miroir dans lequel les autres personnages se voient évoluer, grandir, parfois mourir. L’ironie de Vrânken pousse Xâvier à faire ses preuves, sa faiblesse oblige Rymôr à être fort, sa confiance force Mörgane à explorer des mondes effrayants, son indifférence cause la perte de Frä Drümar… Vrânken n’est « héroïque » que parce qu’il permet à des héros de naître.

Certains éléments paraissent risqués : noms hérités des légendes scandinaves, vocabulaire néologique et technique un peu difficile et surtout dénouement différent de la tradition qui veut que le « méchant » soit puni. De plus, bien qu’écrivant des récits épiques, tu évites le piège du manichéisme. Comment tes jeunes lecteurs réagissent-ils ? Sont-ils surpris de voir ainsi introduites plus d’humanité et plus de tolérance dans le récit ?

Mes lecteurs (et pas forcément les plus jeunes !) sont évidemment déroutés par les noms compliqués et le vocabulaire étrange que je leur impose. Mais certains voyages sont d’autant plus beaux qu’il a fallu (un peu…) les mériter !
Quant à la problématique bons/méchants ou à la fin « hollywoodienne » que j’ai voulu absolument éviter, je pense que les lecteurs y sont maintenant préparés, et deviennent même demandeurs ! Grâce notamment aux « anime » et « mangas » que nous évoquions tout à l’heure, à cent lieues pour beaucoup de la morale simpliste des Walt Disney…

Fantasy, Science-fiction, conte … En fait, est-ce que le genre du récit importe pour toi plus que le fait d’écrire un récit initiatique aidant les jeunes lecteurs à se situer, à grandir ?

Bien sûr que non. Je n’écris pas de livre de science-fiction ou de fantasy. J’écris des histoires d’aventures qui se passent ailleurs. Des histoires d’amitié et de courage. Des histoires qui menacent et unissent des adultes et des adolescents. Des histoires qui éveillent, qui détruisent, qui confrontent des destins. Bref, des histoires initiatiques ! Parce que pouvoir s’appuyer sur quelque chose pour grandir et se situer, comme tu le dis bien, est essentiel.

Je pense que beaucoup de problèmes, aujourd’hui, viennent de la disparition de la dimension initiatique de l’existence. Les jeunes, surtout, sont laissés sans autre repère que celui du consumérisme, qui les transforme sans qu’ils s’en rendent compte en esclaves béats, à l’image de Pinocchio et de ses amis changés en ânes par le maître de la foire ! Ils ont un accès immédiat à tout, tout de suite, sans le filtre du temps et de l’initiation. Sans préparation. Sous le couvert de la liberté, on tue la vraie liberté qui est de savoir et de comprendre, pour pouvoir choisir, décider et agir. On en est loin !

Tes récits ont rapidement été traduits en de nombreuses langues, (dont l’anglais, ce qui est rare pour des romans jeunesse). Quelles sont les traductions qui t’ont le mieux plu et celles qui t’ont le plus étonné ?

On en est aujourd’hui à vingt langues pour les traductions ! J’ai été étonné par les Chinois (les illustrations intérieures, surtout), les Anglais (qualité de la couverture et de la traduction —je lis un peu l’anglais !), les Brésiliens… J’ai été touché par l’édition grecque. Non pas que je lise le grec ! Le livre aurait pu être écrit en haut-martien, c’était pareil ! Mais Marianna, la traductrice, a pris la peine de poser des questions pertinentes pour coller au mieux avec mes intentions. Et puis l’équipe éditoriale m’a invité à Athènes. C’était très agréable ! Enfin, savoir que l’on est traduit et lu dans le pays d’Homère, premier des romanciers, ce n’est pas rien !

Tes succès romanesques semblent davantage dus au bouche à oreille de tes jeunes lecteurs qu’à une analyse critique, souvent adulte. Je suis toujours émerveillé de voir tes lecteurs et lectrices se presser avec enthousiasme et gourmandise vers ton stand pour une dédicace ou un échange !

Je dis toujours que la vérité vient du terrain. Le terrain, pour un auteur jeunesse, ce sont les jeunes lecteurs. J’estime n’avoir de comptes à rendre qu’à eux. A eux et à mon éditeur. L’opinion de critiques grincheux, les prix jeunesse décernés par des adultes et que je n’ai jamais, j’essaye de ne pas y prêter attention. La vérité est ailleurs. Peut-être dans l’enthousiasme, le visage épanoui, le regard brillant des enfants qui viennent jusqu’à mon stand pour voir à quoi je ressemble (pour les plus timides) où pour essayer de m’arracher la promesse d’une suite (pour les moins timides !) !

Quels sont tes projets romanesques actuels ? Vas-tu continuer à utiliser la science-fiction ou la fantasy ? Ou penses-tu t’orienter vers le fantastique pur ?
Envisages-tu un récit en un volume ou un cycle en plusieurs tomes ?


Je ne sais pas exactement quelle forme définitive prendra mon projet en cours. Pour l’instant c’est un livre unique, que j’aurai peut-être envie de décliner en série ensuite. Je l’ai orienté vers le Fantastique, histoire de boucler le triptyque (Fantasy-SF-Fantastique) ! Je n’ai pas d’autre ambition que surprendre, et séduire, ce jeune public si réactif et si stimulant !

Je terminerai par une de tes formules préférées :

« Garde-toi, Erik ! »


Merci Raymond, toi aussi. Et à bientôt, en Lorraine !


P. S. : Je m’aperçois un peu tard que j’ai oublié dans mes questions, d’exploiter les échos des livres d’Erik L’Homme dans les essais récents, d’où ce post-scriptum :

La reconnaissance de l’œuvre d’Erik L’Homme, dans les ouvrages spécialisés, semble commencer en 2003, avec la publication de l’Index de la fantasy : l’heroic fantasy en France de Jean-Luc Triolo, paru chez Encrage. Les tomes I et II du Livre des étoiles sont chroniqués dans le 1er volume, recensant l’année 2002 et le 2e volume paru en 2004, concernant l’année 2003, présente les 3 tomes de la trilogie.

En septembre 2004, André-François Ruaud, maître d’oeuvre du livre superbe : Panorama illustré de la fantasy et du merveilleux, paru aux éditions Les Moutons électriques, introduit Erik L’Homme, p. 401, parmi Les Enfants d’Orphée et de Mélusine. Il note que « son œuvre présente de réelles qualités qui la rendent attachante ». Il ajoute : « Le ton est d’une agréable légèreté, le cadre brossé avec un entrain communicatif, l’intrigue captivante et bien menée. »

C’est en mars 2005 que, dans son essai Le Roman pour ados, paru au Sorbier, Josée Lartet-Geffard présente, p. 129 et p. 131, Le Livre des étoiles : « une saga fantastique qui (…) s’inscrit dans la continuité de Tolkien par la création d’un monde foisonnant où s’affrontent chevaliers, sorciers et korrigans et (…) ajoute à ces contenus traditionnels des éléments de la modernité, ordinateurs ou cinéma, ainsi que des apports de cultures aussi variées que celles des Philippines, du Pakistan ou de l’Afghanistan. »

Tout récemment, en mai 2005, Jacques Baudou dans son « Que-sais-je ? » sur La Fantasy, p. 92, cite en premier, dans son chapitre sur La Fantasy pour la jeunesse, Erik L’Homme « avec sa trilogie Le Livre des étoiles », parmi « les auteurs français qui se sont montrés aussi imaginatifs que les Anglo-saxons ». Erik l’Homme est en bonne compagnie, puisque Jacques Baudou évoque ensuite Laurent Genefort, Patrick Delperdange, Marc Cantin, Pierre Bottero et Hervé Jubert…


Le Livre des étoiles : Une trilogie fantastique française, bientôt incontournable [C'était en 2005 !]

Non, ce n’est pas chauvinisme que l’on signale que la saga fantastique d’ Erik L’Homme, (d’ailleurs en cours de traduction en anglais), est d’abord écrite en français. C’est parce que le genre, très développé dans le monde anglo-saxon depuis un siècle, malgré la série Golem des frère et sours Murail ou celles de Serge Brussolo, est souvent chichement représenté dans la littérature pour « ados » en France. Certes, Guillemot est apprenti sorcier lui aussi mais il s’enracine dans une culture différente de celle de la créatrice d’Harry Potter. Abreuvant son imaginaire à la fois dans sa connaissance historique et universitaire du Moyen Age et dans son expérience humaine enrichie de voyages mouvementés des Philippines aux confins du Pakistan et de l’Afghanistan, Erik L’Homme a conçu un univers double original et personnel. Dans le Monde Certain aux mours contemporaines, détaché du Pays d’Ys avant de revenir s’y amarrer, évoluent chevaliers, sorciers et Korrigans. Le Monde Incertain, en revanche, aux villes médiévales truffées de brigands, obéit à d’autres lois magiques.

Le premier tome, Qadehar le Sorcier mettait surtout en valeur la révélation des aptitudes de Guillemot, jeune sorcier assez intrépide pour emmener ses amis au-delà de la Porte du Monde Incertain pour délivrer une jeune fille.

Dans le second tome, tout en s’attachant à l’énigmatique Seigneur Sha, faussement accusé d’avoir volé Le Livre des étoiles, l’auteur parvient à renouveler son récit et à surprendre ses lecteurs en concevant des événements forts. Non seulement, le romancier passionne son lecteur grâce à des actions inattendues et dramatiques, comme l’échec de l’expédition de la Guilde des Sorciers ou le piège des Korrigans redoutables et parjures, mais il dynamise le récit par des dialogues toujours justes et pleins d’humour. Il suscite un intérêt accru pour l’entreprenant Guillemot dont il « confirme les talents », autant que les siens dans l’art de conter, en l’entourant de personnages originaux, tel le jeune sorcier Beltram. Si le romancier a conçu « un univers magique et fantastique » personnel, mêlant chevaliers et sorciers médiévaux et ordinateurs et cinémas de la modernité, c’est parce qu ’il s’abreuve autant à nos mythologies hexagonales qu’à un imaginaire mondial, aussi bien enrichi par la lecture de Tolkien que par celle du Français Pierre Bordage.

Alors que les deux premiers tomes surprenaient par leur dynamisme optimiste et leur confiance dans la lutte contre les difficultés de toutes sortes, le dernier épisode de la trilogie ajoute une dimension humaine inattendue : l’expérience de la souffrance et de la mort. Enlevé par l’Ombre qui compte sur lui pour percer les derniers secrets du Livre des étoiles, Guillemot provoque l’arrivée dans le Monde Incertain de tous ceux qui l’aiment ou l’estiment. Ce sont d’abord ses amis adolescents prêts à prendre tous les risques pour le sauver. Qadéhar, à la tête d’une armée de Chevaliers, alliée aux hommes libres du Monde Incertain, renforcée par les Korrigans convaincus par Beltram, part à la recherche de celui qui est, sans qu’il le sache encore, bien plus que son élève. Les douleurs morales et physiques n’épargneront personne. L’auteur, informé de nouvelles tragiques en provenance d’Afghanistan au moment de la conception du livre, a su transcender ses sentiments par le biais de l’écriture. Il en résulte une ouvre à la fois grave et néanmoins optimiste et dynamique, susceptible ô combien d’aider les jeunes lecteurs à mûrir et à grandir. Pour comprendre le succès de cette « saga des sorciers », il faut aller au-delà de la vogue du fantastique pour comprendre que les adolescents sont sans doute davantage sensibles au « parler vrai » des personnages et à la résolution des conflits grâce aux forces conjuguées de la solidarité et de la fidélité en amitié

Alors que sa trilogie fantastique, Le Livre des étoiles, continue de séduire en France comme à l’étranger, grâce à l’édition dans la collection « Folio junior », Erik L’Homme amorce une « saga » de S-F : Les Maîtres des brisants.

Vient de paraître dans la collection « Hors-piste », le premier épisode Chien-de-la-lune : c’est le surnom donné par ses ennemis au capitaine Vrânken de la planète Nifhell. Vrânk, (pour les intimes), maître du « Rongeur d’os », vieux vaisseau spatial et « crève-Brisants », vient d’être chargé de contrer l’étrange offensive d’une flotte ennemie, susceptible de contrôler la galaxie. En effet, le Khan de la planète rivale Muspell vient d’attaquer Planète Morte et plus particulièrement la base impériale chargée de surveiller les « Chemins Blancs », des raccourcis indispensables pour les voyages spatiaux. Cette base est dirigée par le commandant Brinx Voranx et un jeune stagiaire néophyte, Rôlan Atcoll, est blessé et fait prisonnier... Mais cette étrange attaque, entreprise avec les vieux navires de guerre de Muspell, même si elle bénéficie du concours d’un chaman « otchigin », capable d’anticiper les actions de leur cible, n’est-elle pas un leurre destiné à piéger les gens de Nifhell ? Avant de décoller de sa planète, le capitaine Vrânken, très motivé en apprenant qu’il doit affronter une expédition dirigée par la redoutable « Pieuvre », doit d’abord accueillir des adolescents stagiaires, arrachés un peu brutalement à leurs études et à leur milieu familial pour une expédition de trois ans. Nul doute que les jeunes lecteurs seront d’abord séduits par l’identification possible avec les membres de ce trio, formé de deux garçons et d’une fille d’origine sociale et de formation très différentes. Xâvier, fils d’un général-comte, après avoir vite perdu de sa superbe, manifeste des dons stratégiques utiles en la circonstance. Mârk, orphelin de condition modeste, embauché pour la cuisine, est doté de qualités humaines et d’un sens du dévouement à toute épreuve. Quant à la seule jeune fille, Mörgane, formée à la dure école des devineresses, elle seconde brillamment l’adulte Frä Daüda, susceptible d’assister le capitaine dans ses tactiques guerrières.

Même si les ingrédients classiques du space opera et d’une nouvelle « guerre des étoiles » sont là, Erik L’Homme a su les renouveler par des trouvailles, comme celles de l’échiquier magnétique, des guêpes cybertueuses, de « l’exochaloupe »...

Les puristes de la S-F seront-ils surpris par l’introduction de pouvoirs surnaturels dans chaque camp : le chaman « otchigin » chez les partisans du khan et la devineresse du camp de Nifhell ? Les péripéties, les drames aux conséquences parfois tragiques ne manquent pas : trahison, meurtre, blessures et destructions... Les lecteurs et lectrices adolescents apprécieront le caractère bien trempé et l’évolution des membres d’un trio, d’ailleurs dotés aussi d’humour et de fantaisie, embarqués dans une aventure où se conjuguent surtout solidarité, esprit déductif et tactique et générosité.

Nul doute que cette série, astucieusement amorcée, ménage bien des surprises et va créer quelque impatience chez ceux qui vont sans doute réclamer au plus tôt la sortie du 2e épisode : Le Secret des abîmes.


Erik L’Homme a percé "Le Secret des abîmes"

Quel soulagement pour les lecteurs du Maître des brisants, heureux de découvrir le sort des défenseurs de l’Empire et surtout celui du trio d’ adolescents stagiaires, de moins en moins néophytes depuis qu’ils ont fait preuve de courage et d’initiative dans la défense du Rongeur d’Os ! Il est vrai que l’auteur avait laissé ses personnages dans un état inquiétant et une situation plutôt dramatique. Chien-de-la-lune, alias le capitaine Vrânken, dupé par les hommes du khan, éloigné à dessein de sa planète Nifhell vers Planète Morte alors que les troupes du khan envahissent et incendient la capitale Kenningar, est en outre blessé à l’épaule. C’est le jeune Mârk, on s’en souvient, qui a reçu la guêpe "cybertueuse" à sa place. Il recouvre ses esprits à l’infirmerie, auprès de ses amis Xâvier et Mörgane.

Pour aggraver la situation, le passage des Chemins blancs, pour rejoindre Nifhell, ont été coupés. Or, sans cette sorte de raccourci spatio-temporel, la planète agressée ne peut être rejointe qu’après une course interminable ! On se doute bien que le salut ne saurait venir que du vieux vaisseau de Chien-de-la-lune et de ses ressources secrètes. Encore faut-il harmoniser la réalité actuelle et celles des vieilles légendes, seules capables d’assurer une traversée de l’espace à la vitesse de la lumière.

Plutôt que de céder à la tentation de rendre plus techniquement vraisemblable son space-opéra, (ce qu’il faut laisser au cinéma et à la bande dessinée), obéissant sans doute en cela à des goûts plus personnels, Erik l’Homme a préféré orienter le récit vers le merveilleux traditionnel des légendes, (comme ces sagas qui lui ont inspiré ses noms propres), celui des animaux fantastiques, licornes ou gôndüls, et des forces spirituelles. Certes, Erik L’Homme, en incarnant le secret des brisants dans la métamorphose inattendue du vaisseau le Rongeur d’Os, reconnaît s’être souvenu des « cétacyborgs », ces curieux vaisseaux créés par Alexandro Jodorowski et Juan Gimenez, dans la B.D. : « La Caste des Méta-Barons ». Mais il n’est pas interdit d’y voir aussi un hommage à Danielle Martinigol, laquelle a donné des « abîmes » une image « vivante » et originale, étonnante et émouvante, celle d’astronefs mythiques. S’interroger sur le genre de récit développé par Erik L’Homme : science-fiction, fantastique, fantasy ou récit merveilleux ? serait vain et stérile. Qu’importe en fait les technoscanners, les exochaloupes ou les guêpes cybertueuses ! Qu’importe, même et surtout à l’heure du centenaire de la mort de Jules Verne, si le degré de « scientificité » du récit ne semble pas l’essentiel. En revanche, dans ce roman initiatique destiné à des préadolescents, pour les aider à grandir et à accéder peu à peu à une certaine maturité, ce qui prime, ce sont les relations humaines, nouées souvent entre des adolescents et adolescentes au caractère bien trempé. Loin de tout angélisme ou manichéisme, avec souvent beaucoup d’humour et de justesse dans les dialogues, l’auteur campe des personnages auxquels adhèrent les jeunes lecteurs parce qu’il ne cache ni leurs qualités, ni leurs faiblesses et leurs défauts, permettant ainsi une empathie profonde. Si ce sont des êtres naturellement faillibles, ce qui les lie, c’est d’abord le sentiment très fort d’une amitié construite au fil de l’action, muée en fidélité lorsque les épreuves se multiplient. Solidarité et sollicitude vont de pair chez ces garçons et ses filles, sans éviter ni les taquineries propres à leur âge, ni les imprudences liées à leur fougue. Heureusement, ils sont très humains et la difficile introduction de Rôlan dans le trio Mörgane-Xâvier-Mârk est révélatrice d’une certaine authenticité psychologique des personnages. Ce deuxième tome qui continue de plonger le lecteur dans un monde conflictuel et menaçant est aussi celui de la fragilité des êtres, qui paient physiquement et moralement le prix de leur lutte. C’est particulièrement le cas pour Mörgane et Vranken.

Après ces combats épiques et malgré les amours contrariées du capitaine et de la Pieuvre, le roman clôt une aventure que certains auraient sans doute voulu prolonger !

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