vendredi 29 mai 2015

Au revoir Anne Dugüel, adieu Gudule

Au revoir, Anne Dugüel, adieu Gudule


Nous aimions la voir et l’écouter quand elle défendait ses livres et ses idées avec cette âme d’adolescente souvent révoltée par l’injustice mais avec cette gentillesse et cette vraie simplicité que  l’on rencontre souvent en Belgique. Dans les Vosges, nous la connaissions depuis qu’elle avait remporté le Prix du jury littéraire Fantastica de Gérardmer en 1995 avec le recueil de nouvelles, Le Chien qui rit. C’est avec un immense plaisir qu’on la retrouvait, soit au FIG de Saint-Dié, soit aux Imaginales d’Épinal. 


Née Anne Liger-Belair à Ixelles, près de Bruxelles, Anne Dugüel (l’un des ses noms de plume pour les ouvrages destinés aux adultes) adopte pseudonyme de Gudule pour ses contes, journaux intimes, romans et récits édités en « jeunesse ».
Cette boulimique de lecture et d’écriture a tant écrit depuis près de 30 ans que chacun n’aura qu’une vision partielle (et peut-être partiale) de son œuvre même dans le rayon jeunesse, le seul évoqué ici.
   Passionné de poésie, de bande dessinée, comme toute sa famille, et de littérature, cette « monomaniaque » de la plume a gratifié la jeunesse de 3 à 15 ans d’une multitude de récits courts ou denses  en privilégiant le fantastique, l’humour et les sentiments.
Si ses éditeurs sont multiples, entre autres Syros, Thierry Magnier, Flammarion, Grasset Jeunesse, Lito, Mango, Magnard, Mijade, Degliame, Albin Michel Jeunesse, Milan, Pocket…, il faut privilégier Hachette et Nathan. Elle a en effet publié chez le premier quinze récits dans « Le Livre de poche Jeunesse », une vingtaine de novélisations de la série télévisée « L’Instit », et la série juvénile « Les Frousses de Zoé » (depuis 1975) devenue « Zoé la trouille » (toujours chez Hachette Jeunesse). "Vertige Cauchemar" publie Ne vous disputez jamais avec un spectre,  quand la petite sœur se mue en « créature de cauchemar » et La Forêt des hurlements transforme un paradis du monde parallèle en enfer. Dans la collection « Vertige », La Fille au chien noir est un récit très émouvant. Dans « Le Livre de poche Jeunesse », Gudule introduit le fantastique en 1995 avec La Bibliothécaire, un ouvrage recommandé par l’Education nationale. En 2002, Barbès Blues met en scène l’adolescente Véra et des marginaux à la recherche d’un auteur pour lui rendre son polar inachevé et Impasse du Nord est un  récit construit autour d’un cinéma menacé de disparition...


Nathan est l’éditeur de romans parus dans les collections « Pleine lune »et  « Lune noire Fantastique ». C’est là qu’est créée Mickette, une écolière aux aventures fantastiques. Dans "nathanpoche", on réédite la série évoquant les aventures de la fillette enfermée, par exemple, dans L’Ecole qui n’existait pas, école caserne et enfer métallique. Mickette découvre que les autres élèves ne sont que des cerveaux électroniques dans des enveloppes plastiques ! Plus tard, à partir de l'an 2000 et jusqu’en 2012, la célèbre "Contes et Légendes" accueille plusieurs recueils de Gudule (Contes et Légendes de la peur, Contes et légendes de l’amour …).




Gudule, « la squatteuse de toutes les collections », se devait d’être présente dans « Les Fantastiques », chez Magnard avec Qui hante la tour morte ? et  Le Métro, c'est l'enfer. Après avoir publié, outre Horrible baby-sitting, le nouveau petit récit Ma petite sœur a de super pouvoirs dans la collection « Les P’tits Fantastiques », donne naissance à une série homonyme dès 2001.  

Dès ses débuts en 1987, Gudule n’a jamais craint de traiter de sujets graves dans des récits parfois réalistes mais en les dédramatisant. Aussi a-t-elle évoqué l’histoire de Julien quand ses parents se séparent dans Bye bye maman, l’épreuve subjective de la laideur quand on a pour modèle Marylin Monroe dans Rosaloche la moche. Plus tard, sans jamais céder vers une fin désespérante, elle aborde la xénophobie (Mort d’un chien ou L’Immigré), le sida (La Vie à reculons), le sexe et l’usage du préservatif (L’Amour en chaussettes), les peines sentimentales (L’Adolescent de minuit), la misère et les sans-abris (L’Envers du décor), l’homosexualité (Étrangère au paradis), le handicap (Cœur de guimauve), le suicide (Mordre le ciel)…  


Chez Grasset Jeunesse, dans la collection "Lampe de Poche" sensible aux  relations des adolescents avec leurs semblables ou avec leur environnement, paraissent des romans pour adolescents. Gudule a d’ailleurs obtenu le Prix des incorruptibles en 2000 pour J’irai dormir au fond du puits, se déroulant dans une campagne où les esprits mauvais semblent aussi nombreux que les mauvais esprits. Paraissent encore des récits plus intimistes et plus autobiographiques, après Notre secret à nous et  Villa des dunes. La Vie en rose revient sur les années 60 en Belgique, pays d’origine de l’écrivaine. Rose, éprise d’amour et de liberté ne quittera pas sans douleur son milieu « petit bourgeois ». Soleil Rose, (un soleil concrétisé par un bébé), et La Rose et l’Olivier, (quand Rose est au Liban dans la famille de son mari), nous en dit plus sur l’itinéraire mouvementé de la même héroïne dont les aventures sont très autobiographiques.
La collection « Tribal », chez Flammarion, publie aussi des romans pour adolescents. Gudule publie au moins six romans dans cette collection. On y rencontre dès l'an 2000, J’ai 14 ans et je suis détestable, un roman-miroir. En 2002, Mordre le ciel évoque le suicide d’un adolescent de 16 ans.
Gudule est l'auteur de plusieurs novélisations de films et elle a publié deux titres dans la collection "P'tit Glénat".


Divers prix littéraires ont reconnu ses talents et si les romans pour adultes sont absents de cette présentation, précisons que plusieurs de ses romans peuvent être lus avec profit par les adolescents.
En ces temps réactionnaires de droitisation massive de la pensée, il serait bon de se souvenir d’une œuvre diverse, courageuse et généreuse, tolérante, toujours imaginative et qui suppose pas mal de combats énergiques avec certains directeurs de collections.     
Repose en paix Gudule. Nous t’aimons.


Références :
- Josée Lartet-Geffard : Le Roman pour ados, Editions du Sorbier, 2005
- François Manson dans le  Dictionnaire du livre de jeunesse : la littérature d’enfance et de jeunesse en France
(Direction, Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot), Cercle de la Librairie, 2013.
 - Raymond Perrin : - Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle , L’Harmattan, édition 2014.





1 commentaire:

  1. La Bibliothécaire ! L'une de mes filles, trentenaire maintenant, l'a lu et relu et re-re(...)-relu à partir de se 8 ou 9 ans et l'a fait lire autour d'elle. Un livre poétique qui fait vivre les héros des romans et nous donne envie de les croiser.

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