samedi 3 janvier 2015

Jacqueline Cervon (1924-2014), écrivaine pour la jeunesse

Ecrivaine pour la jeunesse, elle s’appelait Jacqueline Cervon (Cervon, 6 juillet 1924-Cervon, 7 juillet 2014)

Née Jacqueline Séné dans une famille d’artisans menuisiers-ébénistes de la Nièvre dont elle a hérité le goût du travail bien fait, devenue Jacqueline Moussard par son mariage, l’écrivaine a choisi pour pseudonyme le nom de son village natal.
Après des études de lettres et l’obtention d’une licence de lettres classiques, elle réside huit ans à Djibouti avant de revenir en France, d’abord en Bourgogne puis dans son Morvan natal. On comprendra mieux son attachement au monde rural et aux villages de tous les continents  


Dès lors, elle se consacre à sa famille et à l’écriture de romans inspirés par ses nombreux voyages. Chaque année, elle entreprend en effet, en voiture équipée, avec son mari, de longs voyages dans les contrées d’Afrique ou de l’Orient (traversée du Sahara, Maroc, Turquie, Iran..), en dehors des circuits balisés pour les touristes. L’Europe n’est pas négligée pour autant puisque, par exemple, Joao de Tintubal évoque le Portugal, Le Naufragé de Rhodes et Le Trésor de Nikos, la Grèce, Les Chevaliers du Stromboli et Francesco, l’Italie…   
À ce propos, Claude Bron écrit : « Femme cultivée et femme au goût artistiques très sûr mais vivante, enthousiaste, tonifiante, ayant le goût des voyages, voyages dont elle profite au maximum, campant ici, campant là  pour faire comprendre ceux dont elle retracera –adultes ou enfants- la vie dans un contexte qu’elle veut authentique  et dont elle s’inspire pour imaginer des histoires vraisemblables. » (1)  
La plupart de ses récits ont été publiés par les éditions G.P. de 1961 à 1982. On rencontre également quelques-uns de ses 40 romans chez Magnard, Duculot, Rageot et à L’École des Loisirs en 2004.
Seuls deux ouvrages ont été réédités dans les collections de poche : Djinn la malice dans « Le Livre de poche Jeunesse » en 1981 et Le Feu aux poudres présent dans « Castor Poche Senior », chez Flammarion en 1993.


Si le mot-clé de toute cette œuvre est sans doute celui de l’amitié (2), il ne faut pas le confondre avec « l’âge des copains ». Marc Soriano (3) cite cet extrait du dialogue engagé entre  Bernard Épin et Jacqueline Cervon 1972 : « Je préfère semer chez les plus jeunes cette graine de l’amitié véritable, graine qui fleurira peut-être un jour, plus tard, parce que le gosse aura dans sa mémoire, peut-être, cette chaleur de l’amitié qu’il avait ressentie, par procuration en quelque sorte, à la lecture d’un livre.»     
Si tous ses récits traitent de l’amitié et de la fraternité, toutes deux possibles selon elle entre des enfants d’ethnies et de cultures différentes, ils sont, tantôt accessibles aux enfants (en particulier, ceux de la collection « Dauphine »), tantôt aux pré-adolescents et aux adolescents. Seuls ces derniers sont capables, par exemple, de comprendre les difficultés d’adaptation des peuples africains ou orientaux  au monde moderne, fortement occidentalisé, les problèmes de ce qu’on appelait alors le Tiers Monde et les fortes inégalités sociales.
Bernard Épin note fort justement « quelques grandes constantes caractéristiques : des personnages venus de milieux et surtout de pays différents, le plus souvent rencontrés au cours de voyages, ; une volonté de battre en brèche les exclusions, le racisme, en racontant des histoires où la rencontre, l’échange, construisent des relations fortes d’amitié et de fraternité ; une écriture qui tourne le dos au naturalisme, marqués par des schémas narratifs très charpentés, qui, rejoint, pour le meilleur, la force évocatrice des contes. »  (4)
Dans une lettre adressée à Nic Diament en 1987, Jacqueline Cervon confesse : « J’écris parce que j’ai envie d’écrire (…). J’espère ainsi ouvrir mes lecteurs à la connaissance des autres et faire exploser le cadre de leurs rêves et de leurs réflexions, en un mot, les amener à se considérer comme les enfants de la planète… »  (5)
Dès les premières publications, les prix récompensent des livres bien écrits, aux intrigues rigoureuses, à la structure romanesque solide et souvent empreints d’humanisme et de poésie (6). Ses ouvrages ont été traduits en allemand, italien, portugais, anglais, iranien, espagnol…
    En ces temps où semble, hélas, revenir en force l’intolérance, le racisme, le communautarisme et le repli égoïste sur soi, la relecture des livres de Jacqueline Cervon paraît s’imposer comme un antidote sain et indispensable.

         
(1)   Claude Bron : Romanciers choisis pour l’enfance et l’adolescence Editions H. Messelier, Neuchâtel, 1972. (p. 53)
(2)   Lire : L’amitié dans les romans de Jacqueline Cervon par Bernard Épin, Revue des livres pour enfants, n° 28 et n° 29, juin et septembre 1972 ;
(3)   Marc Soriano : Guide de littérature pour la jeunesse Delagrave, 2002 (Réédition de l’ouvrage de 1974) (p. 113)   
(4)   Bernard Épin : Dictionnaire du livre de jeunesse. La Littérature d’enfance et de jeunesse en France sous la direction de Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot Editions du Cercle de la Librairie, 2013. (p. 174)
(5)   Nic Diament : Dictionnaire des écrivains pour la jeunesse (1914-1991)  L’École des loisirs, 1994.

(6)   Pour la liste des prix obtenus, se reporter à la bibliographie publiée ultérieurement.   

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