dimanche 8 juillet 2012

"Fantasia" (Magnard) : une collection oubliée (1)



                      Encore une collection digne de figurer dans la "Cercle des collections disparues"
                      du rayon jeunesse


"Fantasia" (Magnard) : une collection injustement oubliée (I)

L’Histoire de l’édition retient que Roger Magnard a créé les éditions Magnard en 1935, après le succès éditorial du cahier de vacances Loulou et Babette, dès 1933. Dès 1936, tout en diffusant une partie des publications des Editions de l'Ecole, Roger Magnard s'est intéressé à l'édition scolaire, une activité qui perdure aujourd’hui, Fin 1941, Roger Magnard et Raymond Fabry créent la Société des Editions Magnard. En 1954, deux des enfants de Roger, Thérèse Roche-Magnard et Louis Magnard se joignent à lui. Il faut attendre 1963 pour que Louis intègre à son tour la maison. C’est lui qui reprend l’entreprise en 1973 et l’oriente vers une production plus généraliste.
Diverses collections de fictions précèdent la naissance de la collection « Fantasia ».
De 1945 à 1963, les Editions Magnard lancent la collection "Science et aventures", première collection d’anticipation pour les jeunes, dirigé&e par Pierre Devaux.
Au début des  années 50, les éditions Magnard fondent la "Bibliothèque Azur" qui éditait surtout les « romans scolaires » d'André Baruc ou de l'Allemand Erich Kästner (La Classe volante). Il y eut aussi, de 1951 à 1956, "Fauves et jungles", « la collection de la belle aventure et de la connaissance du monde », idéale pour les romans animaliers et exotiques de son directeur René Guillot (Prix Andersen 1964).
En 1954 coexistent en plus des albums "Grand Carré" et de la collection "Science et aventures", la collection "Mousquetaires" favorisant les récits historiques (renaissante plus tard sous le titre "Bibliothèque Fan"), et la "Bibliothèque de Tante Marinette", collection qui décline dès 1958, l’année où est lancée la collection de poche brochée, "Le Livre des jeunes".
Le changement capital survient quand l'éditeur Roger Magnard et Pierre Argence, président du groupe Paris-Lyon, s’inspirant du Prix Jeunesse des éditions Bourrelier, créent le Prix Fantasia en 1954-55 « dans le but de promouvoir une saine littérature pour la jeunesse ». Les éditions Magnard ont adopté ce nom de "Fantasia" pour une collection de fiction dont le premier volume, publié en 1956, est la réédition des Contes des mille et une bêtes de René Guillot, publié par l’éditeur en 1953. Seront  réédités sous ce label Kpo la panthère et Shrimp le corsaire de l’omniprésent René Guillot, illustré par Pierre Rousseau et Castandour de Léonce Bourliaguet, des récits de 1954.
Si René Guillot et Léonce Bourliaguet sont deux auteurs-phares de la collection, il faut noter qu’ils éditent tous deux bien d’autres livres chez d’autres éditeurs.
Comment pourrait-on oublier une collection d’environ 200 volumes, luxueux et bien faits, publiés entre 1956 et 1985 ? Les éditeurs ont fait appel le plus souvent à des auteurs uniquement français (rares sont les traductions). Longtemps, les jaquettes des livres reliés ont été protégées par des transparents plastiques.  
La collection "Fantasia" n’a peut-être pas, dès le départ, une visibilité suffisante en raison de la coexistence chez le même éditeur de cinq ou six autres collections. C’est pourtant une collection de qualité tant au niveau des textes et des auteurs que du niveau artistique des illustrations hors-texte et en couleurs. La collection, constituée d’ouvrages plutôt coûteux, souvent acquis par les bibliothèques scolaires (sans doute grâce aux crédits de la Loi Barangé),  va se  diversifier au cours des années.
En créant en 1973, la collection "Le Temps de lire" (alias "T. L.") puis, en 1979 "Le Temps d'un livre", une collection brochée, l'éditeur ne facilite pas non plus l’identification de la collection « Fantasia » qui perdure jusqu’en 1985, tout en fournissant certains titres à ces deux collections.


Les Prix Fantasia

1956 Elsie : Mylord et le saltimbanque.
1957 Michèle Massane : Au vent de fortune.
1959 Léonce Bourliaguet : Les Compagnons de l'arc.
1960 Lucette Chaine et Anne‑Marie Voeltzel : Chat saurage et sapin bleu.
1961 René Guillot : Le Maître des éléphants.
1962 Claude Cenac : Quatre pattes dans l'aventure.
1963 Jean‑Claude Froelich : Voyage au pays de la pierre ancienne.
1964 Suzy Arnaud Valence : La Longue veille.
1966 René Antona : Les Champions du gas‑oil.
1967 Alice Piguet : Tonio et les traboules.
1968 Pierre Debresse : Le Trésor de Carthage.
1970 Jacqueline Cervon : Joao de Tintubal.
Le prix « Fantasia » devient le Prix « Jeune France » (car il change de sponsor).
1972 Luce Fillol : Prune (en outre, Prix Jeune France)
1974 Jean‑Baptiste Medina : Papacopain.
1976 Suzy Arnaud‑VaIence : Trois graines dans un pot de grès.

1958, 1965, 1969, 1971, 1978 et au-delà : Pas de prix décerné.

Le Prix annuel Fantasia, reconduit jusqu'en 1970, est d'abord remporté en 1955 par Elsie (alias Elsie Denise Millon), avec Mylord et les saltimbanques, publié en 1956. En 1957, lorsque Renée Manière publie Selma des neiges, l'éditeur, encore peu préoccupé par la réalité sociale contemporaine, propose « une série d’œuvres choisies parmi les œuvres claires les plus évocatrices des franches couleurs du monde. (...) Celles qui sont capables de libérer l’élan vers l'aventure, le rêve, la féerie, les domaines enchantés, la magie, le voyage, en un mot, la merveilleuse découverte du monde... »
Au départ, la collection, généraliste sur le plan des thèmes, vise un lectorat indistinct de filles et de garçons ayant un bon niveau de lecture.

Parmi les auteurs primés, il faut citer, en plus d'auteurs complètement oubliés, Claude Cénac pour Quatre pattes dans l'aventure en 1962, Jean-Claude Froelich offrant en 1962, avec son premier roman, Voyage au pays de la pierre ancienne, une fiction préhistorique digne du Prix Fantasia 1963, René Antona, Prix Fantasia 1965 avec Les Champions du Gas-Oil de 1964, et Yves Pélerin qui, en composant avec Les Marcassins un hymne au rugby, remporte le Prix Enfance du monde (1965). Apparaissent des auteurs de romans historiques tels Suzy Arnaud-Valence, primée aussi en 1964 pour La Longue Veille. Pierre Debresse publie en 1965 son 1er récit : Samorix et le rameau d’or (dont l’action se situe bien évidemment en Gaule), et Jacqueline Cervon reçoit en 1967, le Prix des Parents pour Le Trésor de Nikos (1966). Si Marie-Antoinette de Miollis ne fournit qu’un titre Taro-San, en1958, en revanche Alice Piguet et Nicole Ciravegna publient chacune 5 livres dans la collection.
Selon Janine Despinette, « Le Prix Fantasia est devenu le Prix Jeune France en 1972 en changeant de sponsor : Le Foyer National des Provinces françaises, l'Union Amicale des Présidents d'Associations d'originaires de Provinces et d'Outre‑Mer a pris le relais du Groupe Paris‑Lyon auprès des Éditions Magnard, promoteurs de ce concours d'oeuvres inédites ».
D’autres Prix récompensent des ouvrages de la collection "Fantasia" :
 Des Prix de littérature jeunesse sont décernés annuellement par l'O.R.T.F. (Télévision publique française). L'un d'eux est gagné par Antoine Reboul, en 1963, avec Pour que la neige reste blanche (sur fond de guerre dans le Grand Nord au Groenland en 1943) et, en 1965, par Suzy Arnaud-Valence pour L'Homme au chapeau vert (excellent roman historique bien documenté).

Prix de la Joie par le livre :
Jacqueline CERVON, Ill. Mathieu ROMAIN : Malik le garçon sauvage (1970) R. 74
Jean-Baptiste MEDINA (BAPTISTE) : La Correspondante anglaise (1971)
Hélène RAY, Ill. Michel GOURLIER : Ionel, la musique et la guerre (1972) (en outre, Grand Prix des Treize 1973

Prix du Salon de l’Enfance :
Yves PELERIN, IlL. P. ORDNER : Les Marcassins 1966
Luce MARC, Ill. M. GOURLIER : Maïe 1966
Joseph LE POEZAT-GUIGNER, Ill. Philippe DEGRAVE : Le Pré du Roy (1967)
Christian GRENIER : Les Cascadeurs du temps  (1977)

Trois piliers pour la collection

Pendant les dix premières années où paraîtront quelque 70 volumes, l’auteur-phare de la collection est sans doute René Guillot (1900-1969), Prix Fantasia en 1960, avec Le Maître des éléphants. On édite ou réédite ses récits animaliers ou africains comme Kpo la panthère, avec des hors-texte en couleur de Paul Durand, en 1955, Maraouna du Bambassou de 1948, republié en 58, et La Grande Terre des Eléphants (en 1963), ou parfois des histoires plus éclectiques, comme Six Destins en étoile (1965).


René GUILLOT : Contes des mille et une bêtes  (55-56 ?) 1ère éd. 1953
René GUILLOT, Ill. Paul DURAND : Kpo, la panthère 1955
René GUILLOT, Ill. Jean-Marie DESBEAUX : Maraouna du Bambassou (58) Rééd. de 1948
René GUILLOT, Ill. Maurice RAFFRAY : Le Maître des éléphants  (1959-60)
René GUILLOT : Il était mille et une fois  (1960)
René GUILLOT, Ill. Maurice RAFFRAY : La Grande terre des éléphants (1963)
René GUILLOT, Ill. Jef COLLINE : Six destins en étoile  (1965)
René GUILLOT, Ill. LORIN, ROUSSEAU : Shrimp le corsaire (1963) (1e éd 1954)
René GUILLOT, Ill. DEGRAVE, DE FONTINELLE : Sirga la lionne (1968) R. 79
René GUILLOT, Ill. Claude-Henri JUILLARD : Drame sur la banquise  (1973)
René GUILLOT, Ill. C. FISCHESSER : Ouoro le chimpanzé (1973) (1e éd. 1951)

Autre pilier de la collection, Léonce Bourliaguet (1895-1965), Prix Fantasia en 1958, avec Les Compagnons de l'arc, publie le n° 5 de la collection Pouk et ses loups-garous (1955) et Prix Enfance du monde 1956, La Montagne endormie, flirtant avec la S-F en 1957 et plusieurs autres volumes dont Le Cluzeau du Bois-Brun (1962).



Léonce BOURLIAGUET, Ill. Paulette LAGOSSE : Castandour 1955
Léonce BOURLIAGUET, Ill. Pierre ROUSSEAU : Pouk et ses loups garous (Fantasia  1956) « Bib. Azur », 1955 Prix Enfance du monde 1956
Léonce BOURLIAGUET, Ill. Marcel JACQUEMIN : La Montagne endormie  1957
Léonce BOURLIAGUET, Ill. S. DELEUIL : Les Compagnons de l'arc (1958) Px Fant
Léonce BOURLIAGUET, Ill. B. DUCOURANT : Le Berceau limousin (1961)
Léonce BOURLIAGUET, Ill. JUST : Le Cluzeau du Bois brun (1962)
Léonce BOURLIAGUET, Ill. F. LESOURT : Clarinet le Patagon (1963)
Léonce BOURLIAGUET, Ill. Pat. HARISPE : Quatre du cours moyen 1967 R. (1934) Prix Jeunesse
Léonce BOURLIAGUET, Ill. Xavier SAINT-JUSTH : Le Franzmann (1967)

Autre auteur fréquent de la collection, Paule Lavergne (1897-1984) qui publie 9 récits visant un public relativement jeune.


Paule LAVERGNE, Ill. J. et F. MARANDIN : Les Voyageurs du printemps (1962)
Paule LAVERGNE, Ill. Xavier SAINT-JUSTH : Le Roman de l’abeille (1964)
Paule LAVERGNE : Demoiselle Minette (1966)
Paule LAVERGNE, Ill. Philippe DEGRAVE : Le Poisson d’or (1969)
Paule LAVERGNE : La Fleur qui vole (1969)
Paule LAVERGNE, Ill. Marie CHARTRAIN : Hirondelles Hérissons Campanules (1972)
Paule LAVERGNE : La Grosse Pijassée (1973)
Paule LAVERGNE, Marc MICHON : Sansonnet, sansonnette (1975)
Paule LAVERGNE : Nez-Pointu hérisson (1977)

                        Notons que ces trois auteurs sont nés dans les dernières années du XIXe siècle. 

Précisons que si la collection "Fantasia" n'est pas tout à fait oubliée, c'est surtout grâce aux sites, forums ou blogs qui mettent surtout en valeur les ouvrages développant les mondes imaginaires (fantastique, anticipation science-fiction, etc.). 

1 commentaire:

  1. Bonjour
    J'ai 59 ans et j'ai remporté le concours Magnard en 1966 et je devais lire dans la collection Fantasia " Volubilis le magnifique " j'ai toujours le livre, il me plait de le relire, c'était une bien bonne époque

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