Collection "Jean-François", (Fleurus & Gautier-Languereau, 1950-1962) : des romans inédits pour garçons
Voici le 12e épisode du "Cercle des collections jeunesse disparues"
En 1950, les éditions Fleurus s'associent à Gautier-Languereau, pour créer la nouvelle collection "Jean-François", (trop oubliée aujourd'hui). Grâce à ses journaux et à la puissance encore forte de l'Eglise, Fleurus diffuse d'abord la collection dans les milieux catholiques bien que son contenu ne soit pas idéologiquement religieux, avec cette nuance que plusieurs auteurs appartiennent au clergé, (tels les abbés Paul Rey, alias Jean d’Izieu, Henri Guesdon, alias Pierre Rougemont). Ce qu'elle propose avant tout, ce sont « des romans d'aventures aux mystérieuses péripéties et aux captivantes énigmes ». De 1950 à 1962, elle va proposer environ 86 récits illustrés en couverture et à l’intérieur. Ces récits sont très variés dans les thèmes et les lieux de l'action internationaux. Surtout, elle sollicite des auteurs habitués à écrire pour un public jeune, ouverts sur un avenir que l'on imagine délibérément optimiste.
On fait d'abord appel à des « auteurs-maison » qui prépublient parfois leur roman dans les journaux édités par Fleurus (Pierre Rougemont, Jean d'Izieu, Jean des Brosses, Jean Vignon, André Delor, de son vrai nom André Losay, 1913-1984…
Quelques récits portent leur lot d’exotisme.
Outre F.-A. Breysse, Pierre Brochard, Alain d’Orange, (pour 10 récits), Bernard Baray…, les illustrateurs sont souvent des artistes de la « maison », tels Jan-Loup, Cyril, Maurice de la Pintière, Noël Gloesner, Roger Bussemey, Robert Rigot, Pierre Joubert, (11 récits illustrés), voire Jean Giraud (futur auteur de Blueberry) et Mouminoux… Notons aussi les dessins d’André Galland, Georges Pichard, Henri Dimpre, Dutriac, Paul Durand, Pierre Duteurtre, Pierre Dupuis, Raoul Auger…
Plusieurs récits, parce qu’ils sont des romans policiers, un genre à peine toléré chez les adultes, aggravent leur cas en mettant en scène des enfants-enquêteurs et suscitent d’abord des commentaires sévères et négatifs de la part des « prescripteurs » de l’époque.
René Duverne et les aventures de Fifrelin
René Duverne (Lure en Haute-Saône, 1893-Aix-en-Provence, 1974) choisit pour héros d’une trilogie, l’adolescent acrobate Fifrelin, aidé de son pigeon Dolly et de son ancien camarade de piste au cirque Mouche, un jongleur annamite. C’est ce qui rend un peu moins invraisemblables certains exploits extraordinaires accomplis au cours des enquêtes qui mènent les héros de La Percée des Mammouths Mountains (1950), en Amérique du Nord, jusqu’à L’Affaire des pétroliers sous-marins (1952), en passant par Le Lac sans fond (1950), en Afrique du Sud. Les trois épisodes illustrées par Frédéric-Antonin Breysse ont été prépubliés dans l’hebdomadaire Cœurs Vaillants en 1947, 1948 et 1952, (mais certaines illustrations du journal ont disparu lors de l’édition en volume). René Duverne est aussi l’auteur du roman d’aventures, Atoll 72 qui associe chasse au trésor et invention d’une « lentille » sous-marine facilitant les explorations en grande profondeur.
Les romans qui ont pour thème la guerre ou les conflits suscitent autant de réserves que les policiers, s’ils n’évoquent pas le dernier conflit mondial. Ainsi, deux récits de 1953, superbement illustrés par Pierre Joubert, Les Onze de Thorslingen de Jean d’Izieu qui opposent Gaulois ou Germains aux Huns qui menacent leurs cités et La Horde de Yvonne Girault où est mis en action le jeune et sauvage Gengis Khan, sont parfois déconseillés. Autre roman à trame historique, Le Tambour d’Austerlitz (1953) de Thérèse Lenôtre raconte l’histoire du jeune Gilbert, engagé dans les armées impériales napoléoniennes.
Le Ciel infranchissable de Thomson Burtis aurait le double tort de se situer vers l’an 2000 et de montrer un grand avion américain (dont les pilotes ne sauraient être que des « guerriers »), stoppé dans le désert par un rayon fantastique ! Le titre presque anodin parce que faussement historique, La Cité du serpent à plumes (1954) de Jacques Chabar cache habilement l’aspect insolite du récit qui frôle le fantastique. Deux Français installés au Mexique découvrent un manuscrit attestant l’existence de survivants des anciens Mayas dans une cité mystérieuse. Leur recherche désintéressée sera récompensée.
Notons que la collection s'ouvre à des auteurs ayant des éditeurs « laïques » qui usent. Le plus « œcuménique » de tous est sûrement Claude Appell. Directeur de la revue laïque Terre des jeunes, il est seul à publier huit récits de 1950 à 1959, dans "Jean-François", sous le pseudonyme de Paul Cogan. On y rencontre quatre romans de L.-N. Lavolle, autre auteur « œcuménique », future romancière des éditions de l'Amitié.
De nombreux récits maritimes
La collection est d’ailleurs riche en récits et aventures maritimes. On relève en effet, Hurruguec le naufrageur (1951) de René d’Arnould et Jean des Brosses, Adieu vat ! et Cap au nord (ou les aventures d’un orphelin parti dans les mers arctiques), de Philip Briggs, En bateau-stop autour du monde (1955) de Jacques Chegaray, Le Beau Corsaire (1956) de Renée Tramond, La Cargaison du Léviathan de Paul Fabrice, Pierre le corsaire (1960) de Roger Dugeny, Aventures aux Caraïbes de Le Sauvage, etc.
Paul-Jacques Bonzon, en 1958, trois ans avant sa série Les Six compagnons, livre Le Voyageur sans visage, quand le jeune Sylvain, rendu invisible par un savant tué dans l’expérience, est contraint d’aller jusqu’en Amérique du Sud pour redevenir lui-même. Georges Bayard, futur auteur des Michel, chez Hachette, sous le pseudonyme de Georges Travelier, propose : Amérique An Mille, racontant la découverte au Groenland, par les Normands, en 999, de terres habitées par des tribus indiennes. Yvonne Girault, traductrice de plusieurs récits, a trouvé là son premier éditeur (pour La Horde). Le romancier populaire Paul Bérato, (alias Paul Mystère), propose deux récits d’Yves Dermèze : Les Diamants du Tanganyika et La Pierre vivante, une pierre dont les irradiations bouleversent la vie de jeunes campeurs et d’un géologue. Le Ciel infranchissable de Thomson Burtis et La Croisière de l'Astérion de Reginald Browne, (alias Edwy Searles Browne, 1889-1965) flirtent avec le même genre conjectural.
Autre romancier populaire, Henri Suquet publie La Maison du vent et sa mystérieuse armure moyenâgeuse et S.O.S. Ici Paris !, utilisant des technologiques surprenantes pour confondre un coupable.
Pour une présentation plus complète de la collection, lire Fictions et journaux pour la jeunesse au XXe siècle (L'Harmattan, 2009) : pages 147 à 150
D'accord pour vous citer sur le site
RépondreSupprimerwww.papy-dulaut.com ?
cordialement,
louis.millecam@wanadoo.fr