vendredi 12 février 2010

Collection "Les Chemins de l'Amitié" pour les nouveaux ados




Après « Plein vent », « Bibliothèque internationale », « Olympic », « Grand angle », voici un nouveau jalon à ajouter au « Cercle des collections disparues ».

"Les Chemins de l'Amitié" (Editions de l’Amitié), pour des adolescents au cœur d’un monde contesté et en mouvement (1973)

En 1973, ce sont les nouveau adolescents de 13 à 16 ans entrant plus tard dans la vie active que vise la collection "Les Chemins de l'Amitié". Elle est dirigée par Catherine Scob, aux Editions de l'Amitié-G.T.-Rageot. Au fil des ans, elle va toucher des lecteurs de plus en plus mûrs. Ses objectifs ambitieux sont quelque peu marqués par l'esprit soixante-huitard. Elle se propose de « clarifier la vision des grands sujets d'actualité et des divers problèmes auxquels, dans notre société moderne, chacun est confronté ». Chaque roman fait « appel au "vécu", offrant ainsi au lecteur des éléments de compréhension qui pourront éventuellement lui permettre de mieux se situer dans le monde dans lequel il vit. ». Il était donc naturel que l'on aborde souvent « les problèmes de l'adaptation à la vie quotidienne, du travail, de la communication sous toutes ses formes, du rêve et de la réalité ». En fin de volume, un dossier documentaire, avec bibliographie, filmographie et extraits de presse, développant les thèmes sociaux abordés, permet « l'ouverture d'une discussion, d'une polémique, d'une auto-documentation ».

Une nouvelle génération d’auteurs français
Le premier titre publié est Miguel de la faim de Nicole Vidal qui appartiendra à la Sélection Jeunes Lecteurs de 1973 et, en 1983, 39 titres seront parus. Si des auteurs étrangers, suédois, allemands, américains et anglais sont présents, la collection fait aussi appel à beaucoup d'auteurs français de la nouvelle génération. C’est ainsi que Pierre Pelot propose six récits parfois dramatiques qui lui permettent de décliner des thèmes divers et forts et mais qui séduiront tous les publics. Il aborde la vieillesse et la retraite solitaire dans Le Cœur sous la cendre (1974), qui reçut de nombreux prix, l'objection de conscience, la violence et les milices privées dans Le Ciel fracassé (1975), l'amitié trahie dans Le Pantin immobile (1976). D’autres thèmes, jusqu'alors peu présents dans la littérature de jeunesse apparaissent encore : l'hospitalité (trahie), et la marginalité dans Le Renard dans la maison (1977), l'alcoolisme et le mal-être provincial dans Le Mauvais coton (1978), et les difficultés quotidiennes d'un adolescent différent dans l’émouvant récit Fou comme l'oiseau (1980), superbement adapté pour la télévision, avec Florent Pagny, par Fabrice Cazeneuve. Michel Grimaud (Marcelle Perriod et Jean-Louis Fraysse), qui y publiera Soleil à crédit et Pourquoi partir ?, avec Le Paradis des autres (devenu La Terre des autres, un roman très primé), ne craint pas de montrer un immigré algérien et son fils en butte au racisme ordinaire des habitants d'un village du Sud de la France. André Sernin ressuscite Le Dernier des Cathares. Christian Grenier met en scène des ouvriers soudainement conscients de la dureté de leurs conditions de vie et de la menace du chômage dans Le Moulin de la colère (ouvrage réécrit et publié dans la collection "Les Uns les autres", chez Syros, sous le titre Un printemps sasn cerises, en 1995), et Jean Coué, également auteur de Pierre est vivant (1977), s'interroge sur la peine de mort (seulement abolie en France en 1981), dans Un Soleil glacé en 1978. Yves Pinguilly propose La Folie mauve des lilas. William Camus imagine qu’un chauffeur de taxi devient un auteur à succès vite piégé par l’édition-business, dans Pour quelques pages de plus. Monique Ponty (avec Un Orage dans la tête), et surtout Huguette Pérol (qui montre les Palestiniens pris dans les conflits du Moyen-Orient dans Je rentrerai tard ce soir), marquent encore la collection par leurs romans forts, parfois bouleversants. Dans La Fontaine de Valdermosa d’Henri Messelot, le jeune Espagnol Miguel quitte la pauvreté de l’Espagne pour s’exiler en France où il arrive, plein d’illusions. Le dernier titre de la collection est fourni par François Sautereau avec Prisonniers des médias, en 1983.

Des traductions assez nombreuses
Les auteurs traduits abordent eux aussi des thèmes forts. Par exemple, Otto Steiger met en scène de jeunes terroristes dans Impasse de l'espoir et Max Lundgren, à qui l’on doit aussi L’Eté ne finira jamais, expose les problèmes psychologiques d'un jeune couple dans Pour l'amour de Lise. De Hans Georg Noack, on traduit Rolltreppe Abwarts sous le titre, Tu as volé, Jochen, un récit qui aborde la délinquance et Hier, à Berlin. Gunnel Beckmann évoque même l’avortement dans Déchirer le silence (1976). Il faudrait encore citer La Maison des fugitifs d’Hila Colman, Tonnerre sur Java de Sonja B. Pleijel, Et si elle se trompait d’Honor Arundel…

Ces ouvrages, parfois injustement critiqués alors qu’ils avaient le courage d’aborder avec franchise les thèmes qui intéressent les adolescents, ont à jamais disparu, sauf La Terre des autres de Grimaud, sauvé de l'oubli grâce à la collection "Les Maîtres de l'aventure".
On a parfois préféré ignorer ces collections pour adolescents des années 60 et 70 pour continuer à accuser la littérature jeunesse de fournir des "romans gnan-gnan". C'est un peu facile !

1 commentaire:

  1. Merci à votre patient archivage et à internet, grâce à quoi j'ai retrouvé la trace de "Pierre est vivant" (1977) par Jean Coué. Le souvenir de cette lecture a resurgi plus vivant que jamais après vision ce soir (15/11/14) de "Johnny s'en va-t-en guerre" de Dalton Trumbo (1971). Car car 6 ans plus tard Coué a repris les 3/4 de l'intrigue ! Johnny devient Pierre, matelot appelé au service militaire à Brest, qu'un accident de voiture en permission laisse tétraplégique, aveugle et sourd. Cependant une infirmière arrive à communiquer avec lui en morse, tapotant d'un doigt ses messages sur le front du jeune homme... Troublantes similitudes ! Mais la fin est édulcorée: Pierre ne demande pas qu'on le tue. Le dossier pédagogique mentionnait -parmi d'autres références- le film de Trumbo, mais sans souffler mot de la décalque d'intrigue, ni de l'escamotage de sa dimension pacifiste (car Pierre contrairement à Johnny ne fait pas la guerre, seulement un service militaire qui reste sans contact avec l'étranger, a fortiori ennemi). Toujours d'après mes souvenirs du dossier pédagogique, "Pierre est vivant" se voulait sensibilisation à la condition de personne handicapée, mais pas acte de pacifisme. Etait-ce la volonté de l'éditeur Rageot? Cette réécriture (car AMHA réécriture il y a bel et bien, la ressemblance est trop forte) était-elle aussi une commande d'éditeur à l'auteur? Merci de partager vos éventuelles informations avec une "jeune lectrice" et cinéphile aujourd'hui quasi quinquagénaire ;-) chrsep@gmail.com

    RépondreSupprimer